Le patriarche maronite Mgr Béchara Raï et le parti Kataëb ne ratent pas une occasion pour réitérer la proposition d’un cabinet restreint composé notamment de spécialistes économiques et financiers, qui seraient neutres au plan politique. Dans l’homélie qu’il a prononcée hier lors de la messe dominicale à Bkerké, Mgr Raï a réclamé à nouveau « un gouvernement formé de technocrates politiquement neutres, ayant une vision saine de la politique ». « Ces personnes œuvreraient en priorité à apporter les réformes prévues depuis neuf mois par la CEDRE (Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises), en même temps que le président de la République agirait en vue d’établir une véritable unité nationale entre les différents blocs parlementaires à travers une table de dialogue. »
Dans le même esprit, Élias Hankache, député Kataëb, a appelé hier à « adopter l’idée d’un gouvernement de compétences, en marge duquel serait effectué un dialogue profond entre les chefs des différents blocs parlementaires ». M. Hankache a rappelé que son parti a proposé cette solution après le congrès socio-économique qu’il a tenu en octobre dernier.
Cette idée de cabinet restreint, à laquelle se sont ralliés récemment Mgr Élias Audi, le métropolite de Beyrouth, et Chamel Roukoz, député du Courant patriotique libre (CPL), a-t-elle des chances de se concrétiser? Différentes personnalités politiques interrogées par L’Orient-Le Jour y sont très favorables, mais sont conscientes que dans le contexte politique du pays, elle ne peut pas se matérialiser. Ces personnalités attribuent l’impossibilité de la mise sur pied d’un gouvernement de technocrates au fait que le Hezbollah ne veut pas se voir écarté du pouvoir exécutif, surtout en cette période critique de pressions américaines accrues, tant sur le parti lui-même que sur son parrain iranien.
Un responsable des Forces libanaises estime sans ambages que « le Hezbollah n’accepterait jamais l’idée d’un gouvernement de technocrates parce qu’il juge que le choix d’une telle solution conduirait à l’exclure du pouvoir, une exclusion que réclame l’administration américaine, qui le considère comme une organisation terroriste ». Ce cadre note par ailleurs que « le cas échéant, les membres d’un cabinet de technocrates devront pratiquement être désignés par les forces politiques qui vont se retrouver alors en conflit, d’autant que chacune d’elles n’admettrait pas le choix de l’autre, vu que ce choix se baserait naturellement sur les affinités, voire les affiliations politiques ».
(Lire aussi : Gouvernement : l’invitation d’Assad au sommet de Beyrouth accélérerait-elle le processus ?)
Mosaïque
Moustapha Allouche, membre du bureau politique du Courant du futur, estime à ce propos qu’ « une telle solution aurait été logique, mais elle est impossible à l’ombre de l’accord de Taëf ». Et d’expliquer que le chef de l’État étant chrétien et le Premier ministre sunnite, « la partie chiite n’aurait plus un rôle au niveau du pouvoir exécutif, ce qui est inconcevable dans le cadre de l’usage suivi de former des gouvernements d’union nationale depuis 1990 ». Une source proche du Hezbollah jointe par L’OLJ considère qu’ « une opinion à cet égard ne peut être exprimée que par le commandement du parti », se contentant de déclarer qu’ « en réalité, l’État ne comporte pas une seule tête, et partant, chacune des parties en présence doit être satisfaite. C’est pour cela que l’idée d’un gouvernement de technocrates va vite se dissiper », affirme cette source.
Même son de cloche exprimé par une source proche des six sunnites de la Rencontre consultative, qui estime que la conjoncture politique marquée par les crises politiques interne, régionale et internationale impose la formation d’un gouvernement politique représentant toutes les parties. Cette source estime qu’un tel gouvernement aurait bien plus de chances de résoudre les problèmes qu’un cabinet dont les hommes politiques seraient écartés.
Mario Aoun, député du CPL, affirme, quant à lui, être personnellement « pour une solution rapide, même si celle-ci devait s’illustrer par un gouvernement réduit formé de personnalités ayant des qualifications spécifiques ». Il note toutefois que « le paysage politique ne permet pas l’adoption d’une telle formule parce qu’il est composé d’une mosaïque de forces compétitives, dont le CPL, qui veulent chacune faire prévaloir ses points de vue, sa stratégie et son programme ». « D’ailleurs, il n’est pas sûr qu’un cabinet restreint puisse se lancer dans des réformes », ajoute-t-il, précisant que « des dossiers comme la lutte contre la corruption ou la présence des déplacés syriens nécessitent la prise en charge par des responsables qui ont à leur actif un minimum d’expérience politique ».
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Des personnes compétentes ? Il y en a dans toutes les confessions composant le Liban . Pas de problème. Le véritable problème est d’éradiquer les us et coutumes et l’archaïques du pays dans lequel les responsables ne peuvent émettre la moindre analyse sans porter des « lunettes confessionnelles « ...on ne se tourne pas vers des personnes expérimentées mais vers des personnes ayant reçu un adoubement, nuances...
12 h 44, le 01 janvier 2019