L'armée libanaise a réfuté mercredi les accusations d'Israël sur la présence de tunnels souterrains supposés du Hezbollah en territoire israélien, lors d'une réunion tripartite à Naqoura, au Liban-Sud, entre de hauts responsables militaires libanais et israéliens, sous l'égide de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) qui va de son côté envoyer une équipe technique de l'ONU le 6 décembre en Israël. La réunion, prévue d'avance, s'est tenue alors qu'Israël poursuivait son opération "Bouclier du Nord", lancée mardi et visant à détruire des tunnels souterrains supposés du Hezbollah en territoire israélien.
L'armée libanaise a au cours de la réunion réfuté "les accusations de l'Etat hébreu concernant la présence de ces tunnels à la frontière sud", assurant que le Liban respecte la résolution onusienne 1701. Elle a demandé à la Finul d'obtenir des informations précises sur les endroits où Israël "prétend qu'il y a des tunnels". Elle a également insisté sur le fait que l'Etat hébreu ne peut mener aucune opération sur le territoire libanais, l'appelant à "cesser ses incursions aériennes, maritimes et terrestres". La troupe a dans ce contexte demandé à la communauté internationale de faire pression sur Israël concernant le paiement des compensations financières liées à l'attaque, lors de la guerre de juillet 2006, contre des infrastructures pétrolières à Jiyyé, au sud de Beyrouth.
Le 11 août 2006, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU mettait fin à 33 jours d'une guerre qui a fait 1.200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 côté israélien, en majorité des militaires, sans neutraliser le Hezbollah, alors visé par une vaste offensive après l'enlèvement de deux soldats israéliens.
Dans un communiqué publié en soirée, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a de son côté appelé à ce que "les développements actuels à la frontière sud ne constituent pas une raison d'escalade" de la situation. "Le gouvernement libanais réaffirme son engagement à respecter la résolution 1701 et à poursuivre la coopération existant entre les autorités libanaises et la Finul", a-t-il ajouté, soulignant que "l'armée libanaise est la seule force responsable d'assurer la paix à la frontière".
Plus tôt dans la journée, le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil, avait donné ses instructions pour déposer une plainte au Conseil du sécurité contre Israël "qui viole en moyenne 150 fois par mois le territoire libanais". Le président du Parlement, Nabih Berry, avait de son côté affirmé que "les accusations israéliennes ne se basent pas sur des preuves".
(Lire aussi : Opération israélienne : ce qu'en dit la presse libanaise)
Une équipe technique de l'ONU en Israël
Présidant la réunion tripartite de Naqoura, le commandant en chef de la Finul, le général Stefano Del Col, a de son côté souligné "l'importance que les différentes parties assurent l'accès de la Finul à tous les sites le long de la ligne bleue". Il a invité le Liban comme Israël à avoir recours aux mécanismes de coopération mis en place par la Finul afin de "réduire la tension" et "d'assurer le maintien de la sécurité et de la stabilité" le long de la frontière.
Le général Del Col a annoncé qu'une équipe technique de l'ONU se rendrait en Israël le 6 décembre, et appelant les différentes parties à s'abstenir "de toute action unilatérale qui affecterait négativement la situation". "Toutes les parties doivent réaliser la possibilité qu'un incident relativement mineur puisse rapidement dégénérer en quelque chose de plus sérieux, avec des conséquences inattendues", a-t-il prévenu.
Le secrétaire-général de l'ONU, Antonio Guterres, cité par son porte-parole, a pour sa part estimé que" construire des tunnels d'un pays à un autre, à des fins militaires, est totalement inacceptable".
L'opération israélienne "Bouclier du Nord" est le dernier épisode en date de la confrontation entre Israël et la formation pro-iranienne, de part et d'autre de la Ligne bleue fixant la frontière libano-israélienne. Cette confrontation s'était, au cours des dernières années, largement déroulée sur le sol de la Syrie voisine, mais le discours israélien a évolué récemment pour dénoncer davantage les activités du Hezbollah et de l'Iran au Liban.
Mardi soir, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, commentant l'opération, a affirmé agir "contre les agissements terroristes de l'Iran au Liban". Les tunnels à la frontière entre Israël et le Liban "font partie du réseau de terrorisme et d'agression régional et mondial dirigé par l'Iran", a-t-il dit. Le chef du gouvernement israélien a par ailleurs indiqué qu'il s'entretiendrait du sujet "dans les jours qui viennent avec des responsables mondiaux, y compris avec le secrétaire général de l'ONU". Il a ajouté qu'il avait demandé à la représentation israélienne à l'ONU "d'exiger une réunion urgente du conseil de sécurité pour discuter de l'agression" du Hezbollah.
Le Hezbollah n'a pas commenté l'opération israélienne. Mais son organe d'information militaire a publié des photos et une vidéo de plus de cinq minutes montrant des mouvements de soldats israéliens de l'autre côté de la frontière, au niveau du village de Kfar Kila.
(Lire aussi : L'opposition israélienne accuse Netanyahu d'instrumentaliser l'opération contre le Hezbollah)
Israël poursuit ses travaux
Sur le terrain, Israël poursuivait mercredi ses opérations d'excavation à la frontière libanaise. Des militaires, des véhicules et des pelleteuses israéliens étaient toujours positionnés en matinée en face de Kfar Kila, selon des images de la chaîne LBCI. Des travaux étaient en cours dans ce secteur.
La poursuite de ces travaux a été confirmée mercredi à l'aube par le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, dans un message publié sur son compte Twitter. "Bonjour aux habitants du Liban-Sud. +Bouclier du Nord+ et les travaux d'excavation se poursuivent et la mise au jour des tunnels du Hezbollah aussi (...)", a-t-il écrit.
Mardi, un photographe de l'AFP avait pu apercevoir en territoire israélien un bulldozer retournant la terre et des camions ainsi que des soldats israéliens près des fils barbelés séparant les deux pays. Le porte-parole arabophone de l'armée israélienne avait annoncé que celle-ci avait découvert un tunnel du Hezbollah au niveau du village de Kfar Kila et qui traverse le territoire israélien. Selon un porte-parole de l'armée israélienne, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, le tunnel partant de Kafr Kila faisait deux mètres de haut sur deux mètres de large, courait sur 200 mètres, dont 40 en Israël, à environ 25 mètres sous le sol. Il n'a pas spécifié le nombre exact des souterrains, ni indiqué comment ni quand les tunnels avaient été découverts.
L'armée israélienne a en outre lancé mercredi matin en face du caza libanais de Marjeyoun un ballon de surveillance équipé de caméras, aux abords du village de Meis el-Jabal. A l'aube, les forces israéliennes ont également installé une caméra de surveillance sur le mur qu'elles avaient érigé afin de séparer son territoire du Liban. L'armée israélienne a enfin érigé des murs de sable du côté israélien, en face des hameaux de Ouazzani. Un véhicule blindé israélien patrouillait également dans le secteur.
(Lire aussi : Le Hezbollah viole-t-il la 1701 ?)
"Faire preuve de retenue"
Commentant ce regain de tension, l'ambassade de Russie en Israël a défendu le "droit d'Israël à protéger sa sécurité nationale", tout en appelant au respect des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. "Sans aucun doute, Israël a le droit de protéger sa sécurité nationale, notamment en interdisant l'entrée illégale de quiconque sur son territoire. En même temps, nous espérons que les actions prises dans ce cadre ne seront pas en contradiction avec la résolution 1701. Nous nous attendons à ce que la Finul, déployée dans le secteur de la Ligne bleue, remplisse sa mission en interdisant toute violation. Nous appelons toutes les parties à se montrer responsables et faire preuve de retenue afin d'éviter des comportements provocateurs et des déclarations fortes qui pourraient exacerber une situation déjà tendue", écrit l'ambassade russe à Tel Aviv sur son compte Twitter.
Les autorités militaires israéliennes savaient, depuis 2006, que le Hezbollah essayait de construire des tunnels offensifs, du territoire libanais vers le territoire israélien, rappellait mardi le quotidien israélien Haaretz. En 2013, l'armée avait découvert que le parti chiite tentait de creuser de tels tunnels, mais n’avait pu les localiser. En 2014, l’armée avait formé une unité spéciale pour les localiser, et en 2015, avait été lancée la construction d’une barrière à la frontière avec le Liban. Pendant cette période, l’armée israélienne avait développé des technologies de détection de tunnels, souligne encore le quotidien israélien.
Dans un reportage daté de mai 2015, le quotidien libanais as-Safir rapportait de son côté, à la suite d'une visite organisée par le Hezbollah au Liban-Sud, que la formation pro-iranienne avait creusé après la guerre de 2006 de nouveaux tunnels plus performants, précisant que la qualité du ciment utilisée était meilleure et le système de ventilation plus perfectionné. L'article précisait que le Hezbollah creusait ces tunnels manuellement pour ne pas attirer l'attention des Israéliens de l'autre côté de la frontière.
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commentaires (8)
AL SAFIR LES AVAIT REVELES DEJA DEPUIS 2015. POURQUOI NETANYAHU S,EST REVEILLE MAINTENANT, C,EST QU,IL PREPARE QUELQUE AGRESSION ET QU,IL A BESOIN D,EXCUSES DEVANT LE MONDE...
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 55, le 05 décembre 2018