Ceux qui suivent l’évolution du Hezbollah, depuis sa naissance officielle au milieu des années 1980, estiment qu’il se trouve aujourd’hui face à une nouvelle étape qui exige des changements structurels, ainsi que dans le projet et le plan. Pour ces experts, ce parti est passé par plusieurs étapes similaires au cours de sa relativement courte existence. Il est né officiellement en 1985 avec un document fondateur et un premier secrétaire général, le cheikh Sobhi Toufayli. À l’époque, le Hezbollah était composé de groupes de jeunes, essentiellement d’anciens membres du mouvement Amal ou des groupes de la gauche libanaise, généralement formés et encadrés par les organisations palestiniennes. Il se voulait un mouvement de résistance armée contre l’occupant israélien, tout en affichant son islamisme qui allait jusqu’à prôner la création d’un État islamique au Liban. Mais il était en même temps placé sous le signe de la clandestinité. À cette époque, le Hezbollah n’avait d’autre objectif que celui de combattre l’occupation israélienne et il n’avait aucun projet politique précis, à part son allégeance islamique générale.
En 1992, il y a eu un premier grand changement qui s’est concrétisé par la décision de participer aux élections législatives. Cette décision avait d’ailleurs fait l’objet d’un débat interne lancé par le nouveau secrétaire général Hassan Nasrallah qui venait de remplacer Abbas Moussaoui assassiné par les Israéliens. Ce débat s’était terminé par la décision du Hezbollah d’intégrer le système libanais et de sortir ainsi de la clandestinité, à travers la participation aux législatives. Cette décision avait d’ailleurs provoqué la scission du cheikh Sobhi Toufayli qui estimait que le Hezbollah devait rester un mouvement de résistance et ne pas participer au système politique libanais.
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En 2005, il y a eu de nouveau un grand changement à travers la décision du Hezbollah de participer désormais au gouvernement. Cette nouvelle évolution a été dictée par deux développements importants : d’une part, l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et le sentiment chez le parti qu’un complot se préparait contre la région et le Liban en particulier. Ce qui exigeait de sa part de ne plus être isolé sur le plan interne et de s’impliquer dans l’exercice du pouvoir au Liban. Le second développement qui a pesé sur la décision du Hezbollah était l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1559 et le retrait des troupes syriennes du Liban qui devait créer un grand déséquilibre en faveur des forces du 14 Mars au sein des pouvoirs politiques au Liban.
Dans la foulée de cette décision, et à mesure que le Hezbollah commençait à intégrer le pouvoir politique et à devenir une composante importante du paysage politique libanais, il a publié un document fondateur en 2009 qui a été considéré de la plus haute importance car il définit la vision et la stratégie du Hezbollah pour la période à venir. C’était d’ailleurs Hassan Nasrallah lui-même qui avait lu les 32 pages du document, dans le cadre d’une cérémonie officielle. Dans ce document, le Hezbollah reconnaît officiellement la formule libanaise et la diversité religieuse du pays ainsi que le système politique en vigueur. Il ne réclame plus ni l’instauration d’un pouvoir islamique ni l’application du fameux principe du wilayet el-faqih, appliqué en Iran et contesté dans de nombreux pays. Dans ces 32 pages, le Hezbollah affiche ouvertement « sa libanité » et sa volonté d’intégrer encore plus le système interne en respectant les règles constitutionnelles.
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Aujourd’hui, selon les spécialistes, le Hezbollah se trouve devant un nouveau tournant dans sa vie et son rôle, en décidant cette fois d’intégrer l’administration libanaise, en plus du Parlement et du gouvernement, et en se voulant le fer de lance de la lutte contre la corruption. D’ailleurs, ceux qui connaissent bien les rouages du parti confient que des changements structurels ont été opérés qui mettent en avant les personnalités politiques bien plus que les responsables militaires et sécuritaires. C’est ainsi que les dossiers politiques sont désormais confiés au conseiller du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, alors que pendant des années c’était plutôt le responsable de l’unité de coordination, Wafic Safa, qui gérait les relations du parti avec les différentes parties politiques. Selon les spécialistes, ces changements montrent une volonté chez le commandement du Hezbollah de donner désormais la priorité aux questions politiques et économiques au détriment de l’aile militaire et sécuritaire. Ces deux ailes seront bien sûr maintenues, mais elles devront désormais passer au second plan, au profit de la mise en avant de l’action politique, sociale et économique. Pour certains, ce changement serait dicté par deux facteurs : d’une part le fait que la guerre en Syrie tire à sa fin. Cela a été déclaré ouvertement par Hassan Nasrallah qui avait ajouté que ses unités pourraient rester en Syrie, tant que le commandement syrien le leur demandera, mais malgré tout, leur rôle ne sera plus de premier plan, d’autant que les affrontements militaires sont devenus limités.
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De même, la vigilance au Sud, face à Israël, reste de mise, mais les milieux du Hezbollah considèrent que le rapport actuel des forces limite les possibilités de déclenchement d’une nouvelle guerre militaire. Le second facteur déterminant est la conviction au sein du commandement du Hezbollah que la confrontation est désormais économique et sociale. Autrement dit, le Hezbollah estime que les efforts de tous ceux qui veulent l’affaiblir vont désormais se concentrer sur son environnement, dans la volonté de le monter contre lui. C’est pourquoi il a créé une unité chargée de lutter contre la corruption et il compte désormais intégrer l’administration, au lieu de laisser toutes les fonctions publiques qui reviennent aux chiites entre les mains des proches d’Amal. En même temps, pour la première fois depuis 2005, il cherche à obtenir au sein du nouveau gouvernement deux portefeuilles complémentaires, la Santé et l’Industrie. C’est en quelque sorte la quatrième phase du Hezbollah depuis sa naissance officielle...
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commentaires (13)
Vous connaissez tous l'histoire de la grenouille qui marinait dans un bol a petit feu. Lentement mais surement la fin va arriver pour le pauvre Libanais....
IMB a SPO
22 h 09, le 22 octobre 2018