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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Pourquoi l’affaire Khashoggi est loin d’être terminée

Pour l’instant épargné, MBS n’est pas encore complètement blanchi.


Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, la semaine dernière à Riyad. Leah Millis AFP/POOL

Après deux semaines de suspense, de rebondissements et de mensonges, l’Arabie saoudite a enfin reconnu samedi aux premières heures la mort du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, qui vivait depuis un an aux États-Unis. Après avoir choisi de nier toute implication dans la disparition de son ressortissant, n’ayant plus donné signe de vie après un rendez-vous au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre, le royaume a été forcé sous la pression internationale d’admettre l’inévitable. « Les discussions entre lui et les personnes qui l’ont reçu au consulat ont débouché sur une bagarre et sur une rixe à coups de poing, ce qui a conduit à sa mort », a déclaré le procureur général Saoud al-Mojeb, cité par l’agence SPA, sans préciser où se trouvait son corps. Une autre version, sortie ultérieurement, a affirmé que le journaliste avait été étranglé. Les deux versions contrastent du tout au tout avec celle évoquée par les autorités saoudiennes lors de la révélation de l’affaire, qui disaient avoir la preuve que Jamal Khashoggi a quitté le consulat. L’affaire est terrible pour l’image du royaume. Et elle n’a pas fini de faire des dégâts, puisque les Occidentaux ne semblent pas se satisfaire de la version saoudienne. Est-ce que Mohammad ben Salmane, le prince héritier et homme fort du pays, en sortira indemne ? C’est le principal enjeu de la suite du feuilleton. Accusé de toutes parts d’être le commanditaire du meurtre, le dauphin a été pour l’instant préservé par le palais, alors que de nombreuses rumeurs annonçaient qu’il allait être sacrifié. Deux de ses plus proches collaborateurs ont été limogés : le numéro deux du Renseignement saoudien, le général Ahmad al-Assiri, ainsi que le conseiller « médias » à la cour royale, Saoud al-Qahtani. Ils semblent jouer le rôle de bouc émissaire pour protéger le fils préféré du roi. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a évoqué hier le meurtre de Jamal Khashoggi comme une « énorme et grave erreur », tout en affirmant que MBS « n’était pas au courant ».


(Lire aussi : Khashoggi : les révélations saoudiennes visent à protéger MBS)


La thèse de la bavure n’a pas suffi à éteindre le feu dans la maison Saoud. Entre la Turquie qui affirme connaître toute la vérité pour élucider le drame, les pressions de Washington avec qui les relations risquent d’être mises à mal et le coup de semonce des Européens, Riyad est poussé dans ses derniers retranchements. Beaucoup de questions restent en effet en suspens. Mais plus pour longtemps. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a en effet promis hier de révéler « toute la vérité » sur le meurtre de

Khashoggi, précisant qu’il ferait une nouvelle déclaration à ce sujet mardi. « Nous cherchons la justice ici et toute la vérité sera révélée, (...), en toute transparence », a déclaré M. Erdogan lors d’un rassemblement à Istanbul. Depuis le début de l’affaire, les autorités turques distillent les informations sur l’enquête en cours au compte-gouttes. Selon eux, le journaliste saoudien a été torturé et assassiné par une équipe de 15 agents saoudiens venus spécialement de Riyad. Les enquêteurs turcs ont poursuivi leurs investigations, fouillant une vaste forêt proche d’Istanbul. Disant s’appuyer sur des enregistrements sonores, la presse turque a évoqué une décapitation de Khashoggi. Vingt-cinq nouveaux témoins ont été convoqués hier par les procureurs engagés dans l’enquête en Turquie, a indiqué la télévision turque NTV. Une version en totale contradiction avec la thèse présentée par Riyad selon laquelle Jamal Khashoggi serait mort lors d’une rixe qui aurait dégénéré.


(Lire aussi : Khashoggi: qui sont les deux hauts responsables saoudiens limogés?)


« Oui, je pense qu’il l’a fait »

Le séisme causé par le meurtre du journaliste a ébranlé Washington et Donald Trump, allié des Saoudiens. Après leur avoir laissé un temps le bénéfice du doute, le président américain a fait volte-face, au vu du retentissement important de l’affaire. Dans un entretien samedi soir au Washington Post, journal auquel collaborait Jamal Khashoggi, M. Trump a reconnu une « tromperie » et des « mensonges » de la part de Riyad. La tempête fait rage au sein de la Maison-Blanche, alors que plusieurs sénateurs, démocrates mais aussi républicains, ont pris la parole pour condamner l’Arabie saoudite et que la presse se déchaîne. Le sénateur américain Bob Corker a déclaré hier que MBS était à son avis le commanditaire de la mort de Jamal

Khashoggi. « Oui, je pense qu’il l’a fait », a déclaré M. Corker, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain, lors d’un entretien accordé à la chaîne de télévision CNN. Un proche de M. Trump, le sénateur Lindsey Graham, a par ailleurs estimé sur Fox News que la version avancée par l’Arabie saoudite n’était « pas crédible du tout ». « Il est ridicule de croire que 18 personnes se rendraient en Turquie pour tuer M. Khashoggi et que personne au gouvernement n’en sache rien », a-t-il dénoncé, ciblant directement le prince héritier saoudien. Choisissant de ménager MBS, Donald Trump a rappelé la « personne forte » qu’il est, quelqu’un qui « aime vraiment son pays », selon lui. « Personne ne m’a dit qu’il était responsable. Personne ne m’a dit qu’il n’était pas responsable. Nous ne sommes pas arrivés à ce point », a dit le président, évoquant la « possibilité » que MBS n’ait eu qu’a posteriori connaissance des événements. Le Congrès a enclenché un processus qui force Donald Trump à rendre, sous 120 jours, ses conclusions sur la disparition du journaliste et à dire s’il compte imposer des sanctions. Si la culpabilité de Riyad est démontrée, le Congrès pourrait de son côté bloquer les ventes d’armes, voire voter des sanctions. Une issue de crise qui pourrait mettre à mal les relations américano-saoudiennes. La chancelière allemande Angela Merkel est allée hier dans le même sens en estimant que, « dans les circonstances actuelles », Berlin ne « peut pas procéder à des exportations d’armes vers l’Arabie saoudite ». L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont montés au créneau dans un communiqué commun publié hier. « Rien ne peut justifier ce meurtre et nous le condamnons avec la plus grande fermeté », déclarent les trois pays. « Nous prenons note de la déclaration de l’Arabie saoudite présentant des conclusions préliminaires », poursuivent les trois chancelleries qui exigent que « les responsabilités soient clairement établies et que les auteurs des faits en répondent dans le cadre d’un véritable procès ».


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commentaires (6)

A quoi sert il de faire l'esclave pendant des décennies , si au 1er coup dur le protecteur décide vous faire payer cher son incapacité à faire plier ses ennemis parce qu'il est économiquement étranglé ? On conclura qu'il ne fallait jamais accepter de se soumettre à ce prédateur , quitte à subir des sanctions à répétitions et essayer de faire avec . Les pays qui ont toujours refusé de serrer la main à ces prédateurs sont aujourd'hui dans une meilleure posture que cet esclave .

FRIK-A-FRAK

12 h 56, le 22 octobre 2018

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Commentaires (6)

  • A quoi sert il de faire l'esclave pendant des décennies , si au 1er coup dur le protecteur décide vous faire payer cher son incapacité à faire plier ses ennemis parce qu'il est économiquement étranglé ? On conclura qu'il ne fallait jamais accepter de se soumettre à ce prédateur , quitte à subir des sanctions à répétitions et essayer de faire avec . Les pays qui ont toujours refusé de serrer la main à ces prédateurs sont aujourd'hui dans une meilleure posture que cet esclave .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 56, le 22 octobre 2018

  • Parce que, comme dans l'affaire de l'influence russe sur les élections américaines , c'est un moyen de faire chanter le merle quand on a besoin d'une berceuse sonnante et trébuchante . Il est l'or , l'or de se réveiller ...

    FRIK-A-FRAK

    12 h 16, le 22 octobre 2018

  • IL Y A TOUJOURS LA POSSIBILITE QUE LES PRETENDUS BOUCS EMISSAIRES NE SOIENT PAS DES BOUCS EMISSAIRES ET QUE L,UN D,EUX AIT MONTE CETTE AFFAIRE. ATTENDONS LES RESULTATS FINAUX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 16, le 22 octobre 2018

  • TRUMP ET KUSHNER PAR LEUR SUPPORT AUX SAOUDIENS RISQUENT D,EN PAYER AUSSI LE PRIX...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 49, le 22 octobre 2018

  • Sincèrement j’en ai rien à fiche de princes et rois d’arabie Ou du Qatar ou encore de l’iran ... mais je pense à mon humble avis que cette fois ci MBS soit derrière tout ça qu’il le destitue ou le garde ça changera rien à ma vie mais je dis ce que je pense pas pour l’exempter Il est peut être coupable d’autre chose mais de ça je ne pense pas

    Bery tus

    06 h 18, le 22 octobre 2018

  • l arabie saoudite est completement isolee sur la scene internationale...la seule option pour elle est de se rapprocher de regimes dictatoriaux qui assessinent a tour de bras leurs opposants comme la russie la chine l iran la syrie et le venezuela ....

    HABIBI FRANCAIS

    01 h 33, le 22 octobre 2018

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