C’est un Saad Hariri optimiste, mais surtout déterminé à reprendre en main le processus de formation du gouvernement, qui s’est exprimé hier à la Maison du Centre. Dans une volonté manifeste de maintenir le climat positif qu’il a distillé dans son entretien accordé jeudi dernier à la MTV, le Premier ministre a annoncé une nouvelle fois que « le cabinet sera formé dans un délai de dix jours parce que le pays en a besoin et que la situation économique l’exige ». Mais nonobstant le fait que M. Hariri s’est accordé cinq jours supplémentaires puisque, lors de l’entretien à la MTV, jeudi dernier, il avait déjà parlé de « sept à dix jours », l’importance de ses propos d’hier réside dans la critique formulée à l’adresse du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Lors d’une conférence de presse tenue vendredi dernier au siège de son parti à Sinn el-Fil, M. Bassil avait complètement douché les espoirs soulevés par le Premier ministre, la veille, en réitérant son exigence d’un critère unique pour l’attribution des ministères sur la base d’un portefeuille pour chaque cinq sièges à la Chambre. Réagissant à ces propos, M. Hariri a estimé hier qu’ils « ne sont pas positifs » et a affirmé que l’optimisme qu’il affiche est fondé sur son dernier entretien avec le président de la République, Michel Aoun, le 3 octobre à Baabda. Une façon pour le chef du gouvernement d’établir une nette distinction entre le chef de l’État et son gendre, le leader du CPL. « Le seul critère que je reconnais est celui de former un cabinet d’entente nationale », a encore dit le chef du gouvernement désigné, estimant que « le fait de fixer des critères entraverait le processus de formation des futurs gouvernements ». Il a, par ailleurs, noté que « cela n’a aucun fondement constitutionnel ».
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En face, le CPL continue à assurer qu’il ne fait qu’exercer son droit à donner ses avis quant aux tractations ministérielles, d’où la conférence de presse de Gebran Bassil. S’exprimant à l’issue d’une réunion hebdomadaire du bloc dit « le Liban fort », parrainé par le courant aouniste, Alain Aoun, député de Baabda, a déclaré : « Nous ne nous substituons pas au Premier ministre désigné, ni faisons son travail. Nous sommes un parti politique. Et c’est sur cette base que nous exprimons notre avis concernant la formation du gouvernement. »
M. Hariri a cependant décoché une autre flèche en direction de M. Bassil, qui avait déclaré vendredi qu’en cas d’échec du Premier ministre désigné dans la formation du gouvernement, le CPL le nommerait à nouveau pour être Premier ministre. Saad Hariri a répliqué hier, dans une mise en garde à peine voilée, que s’il en venait à se récuser, il n’accepterait plus de se charger de cette mission.
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Le nœud druze en voie de résolution ?
Quoi qu’il en soit, le nœud druze né de la querelle opposant le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à son principal adversaire, le chef du Pari démocrate libanais, Talal Arslane, autour de leurs quotes-parts gouvernementales respectives, semble se rapprocher d’un dénouement heureux.
Au lendemain d’un tweet posté puis supprimé par Walid Joumblatt, dans lequel il a souligné qu’« il n’y a aucune honte à faire des concessions au profit du pays », Talal Arslane a mis un peu d’eau dans son vin. Sur son compte Twitter, le ministre sortant des Déplacés a évoqué une possible solution, tout en renvoyant la balle dans le camp du président Aoun. « Pour ce qui est de ce qu’on appelle “le nœud druze”, tout comme les autres qui ont estimé que l’intérêt du pays exige des sacrifices afin de faciliter la mise sur pied du gouvernement, nous acceptons de présenter au président Aoun cinq noms. Il devra en choisir un en collaboration avec le président (de la Chambre) Nabih Berry, soucieux de préserver l’intérêt des druzes et du vivre-ensemble dans la Montagne », a écrit le ministre.
Expliquant cette nouvelle prise de position de M. Arslane, ses milieux affirment que le chef du Parti démocrate ne s’est pas désisté de son droit à prendre part à l’équipe Hariri. Loin de là. Il a accepté que le président nomme le troisième ministre druze, les deux autres relevant de la quote-part du PSP, la personne que nommerait Michel Aoun devant bénéficier de l’approbation de Nabih Berry et de Talal Arslane. Citées par notre correspondante Hoda Chedid, des sources proches de Aïn el-Tiné font état d’un optimisme quant à un prochain dénouement. On souligne aussi que le leader de Moukhtara a chargé Nabih Berry de négocier en son nom au sujet de la personnalité druze qui devrait prendre part au cabinet aux côtés des représentants du PSP. Walid Joumblatt a dépêché hier Waël Bou Faour, député de Rachaya, à Aïn el-Tiné pour une rencontre avec le chef du législatif, qui s’était entretenu, plus tôt dans la journée, avec une délégation joumblattiste. Selon Hoda Chedid, celle-ci a saisi l’occasion pour proposer à M. Berry la tenue d’une nouvelle séance plénière de la Chambre, placée sous le signe de la législation de nécessité en période de vacance gouvernementale.
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La coordination Berry-FL
Cette proposition est appuyée par les Forces libanaises, dont l’émissaire Melhem Riachi, ministre sortant de l’Information, s’est également entretenu avec Nabih Berry à Aïn el-Tiné. Cet entretien ne peut être dissocié de la coordination qui va très bon train entre Nabih Berry et les FL depuis le début des tractations ministérielles. M. Riachi s’est contenté de déclarer que M. Berry lui a assuré que personne n’oppose de veto à qui que ce soit au Liban. « Nous n’avons de veto contre personne. Et nous n’acceptons pas que quelqu’un ait un veto à notre encontre », a-t-il ajouté.
Un cadre FL indique à L’OLJ que sa formation tient à tenir le président de la Chambre informé de tous les développements concernant le prochain gouvernement. Mais il confie que Meerab attend toujours de nouvelles propositions de la part du Premier ministre désigné, insistant sur l’attachement du parti de Samir Geagea à une « mouture conforme au poids parlementaire des FL issu des législatives de mai ».
Notons enfin que Melhem Riachi et Waël Bou Faour se sont entretenus hier, séparément, avec Saad Hariri. Était présent le ministre sortant de la Culture, Ghattas Khoury, conseiller politique de M. Hariri.
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commentaires (5)
Que C’est beau l’insouciance ! Jusqu’à ce qu’elle insoutenable....
L’azuréen
21 h 45, le 11 octobre 2018