Rechercher
Rechercher

Terre d’export

Liban partout est un de ces clichés dont nous tirons légitimement fierté et qui illustre l’extraordinaire dissémination, jusqu’aux coins les plus reculés du monde, de la diaspora libanaise.


De la savane africaine à la jungle amazonienne, il n’est guère de lieu où quelque émigré n’ait pris pied, avec le plus grand bonheur bien souvent. Qu’il s’agisse de commerce ou d’industrie, d’art ou de médecine, nombre d’entre eux ont acquis une célébrité planétaire. Le virus de la politique bien ancré dans leurs gènes, ils ne pouvaient que briller aussi dans les affaires publiques ; après tant de success stories, c’est ce que vient de nous rappeler l’audacieuse course à la présidence du Brésil engagée par Fernando Haddad, qui aura à affronter au second tour du scrutin le Trump local, Jair Bolsonaro.


Liban partout, c’est bien entendu : sauf qu’en matière de gouvernance politique, ce génie libanais est quasiment introuvable au Liban même, où c’est la médiocrité qui a le haut du pavé et non la compétence. La corruption et non l’intégrité. L’insatiable cupidité des gouvernants et non le souci des besoins du peuple. Qu’elle en soit consciente ou non, c’est une authentique vocation de fabricant d’émigrés (et qui plus est de jeunesse émigrée) que cultive, avec une criminelle assiduité, la caste dirigeante ; notre pays importe à peu près tout, et ce sont ses fils et filles qu’il exporte.


La pandémie de trumpisme, évoquée plus haut pour ce qui est du Brésil, n’a pas épargné notre pays. Aujourd’hui qu’ils sont au pouvoir, les hauts responsables n’éprouvent aucune gêne à professer l’exact contraire de ce qu’ils clamaient la veille, qu’il s’agisse du régime syrien, des milices armées ou du jeu démocratique. Inversement proportionnels à l’exiguïté du territoire sont, en outre, les ego en compétition. Car davantage encore que les ingérences extérieures, ce sont ce mythe de présidence forte, ces querelles de poids populaire (et donc de préséance) opposant les diverses forces politiques, qui bloquent depuis plus de quatre mois la formation d’un gouvernement : marchandages de chiffonniers, de vendeurs de tapis fort révélateurs, au demeurant, du facteur résolument mercantile qui a vicié le débat public au Liban. Dans le Liban actuel on pille l’État sans même plus s’en cacher. Innombrables – anodins à force de répétition, pourrait-on même dire – sont les scandales aux adjudications bidon, commissions et autres dessous de table ; plus scandaleuse toutefois que tous ces scandales est l’impunité dont jouissent leurs auteurs.


Tout cela a lieu sous notre regard impuissant, alors que les puissances désireuses de venir en aide à notre pays perdent patience, dans l’attente des réformes structurelles promises et qui n’en finissent pas de venir. Tout cela encore à l’heure où le pays ploie sous le marasme économique, où les citoyens aux abois en sont même à trembler pour la monnaie nationale. Où en revanche, l’usine à émigration tourne à plein rendement…

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Liban partout est un de ces clichés dont nous tirons légitimement fierté et qui illustre l’extraordinaire dissémination, jusqu’aux coins les plus reculés du monde, de la diaspora libanaise. De la savane africaine à la jungle amazonienne, il n’est guère de lieu où quelque émigré n’ait pris pied, avec le plus grand bonheur bien souvent. Qu’il s’agisse de commerce ou...