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Liban - Proposition de loi

Le cannabis thérapeutique pourrait devenir une culture de substitution dans la Békaa-Nord

Antoine Habchi, député FL de Baalbeck-Hermel, entend protéger l’agriculteur et la jeunesse, tout en défavorisant le trafiquant de haschisch et celui qui le couvre.

Le député FL de Baalbeck-Hermel, Antoine Habchi, planche depuis 5 mois sur sa proposition de loi avec l’aide d’experts. Photo Anne-Marie el-Hage

Le 23 juillet dernier, le député FL Antoine Habchi déposait au Parlement une proposition de loi destinée à légaliser la production de cannabis à des fins thérapeutiques. Un travail sur lequel il planche depuis 5 mois avec l’aide d’experts, alors que le trafic de haschisch sévit dans la Békaa, que l’État ne parvient plus à le contrôler et que les cultures de substitution ont lamentablement échoué. Revêtant un caractère de double urgence, cette proposition de loi est en fait un amendement de la loi 673/98 « relative aux stupéfiants, aux substances psychotropes et aux précurseurs ». Sollicité par L’Orient-Le Jour, le parlementaire maronite de Deir el-Ahmar (Baalbeck-Hermel) explique sa démarche. Celle-ci fait suite à l’annonce par le président de la Chambre Nabih Berry, le 18 juillet 2018, des intentions du Liban de légaliser la production de haschisch à des fins médicales, à l’instar de nombreux pays européens et américains.


(Lire aussi : Légaliser le cannabis thérapeutique « libérerait les agriculteurs de l’emprise des trafiquants »)


Introduire une plante authentique
« Je propose une alternative à la culture du cannabis en tant que drogue, lance tout de go Antoine Habchi. Ma loi est une réponse à un problème de société. Elle vise le bien du citoyen. Elle entend protéger l’agriculteur et la jeunesse confrontée à la toxicomanie des trafiquants de drogue ». C’est ainsi que le député FL présente sa proposition de loi et révèle son intention « de ne pas légaliser le haschisch tel que planté actuellement dans toute la Békaa-Nord ». Mais « de mettre en avant une culture de substitution ». Autrement dit, « une autre variété de cannabis », cette plante présentant de nombreuses variétés. Il explique à ce propos que le haschisch cultivé aujourd’hui au Liban est une plante hybride, qui contient une teneur élevée en THC, substance hallucinogène, ou Tétrahydrocannabinol. Or, « dans l’industrie pharmaceutique, c’est le CBD ou cannabidiol qui est plutôt utilisé ». « Je suggère donc d’introduire une plante authentique dont la teneur en CBD sera plus importante que le THC », souligne-t-il.
Partant de ce principe, le processus est clair. « Le marché sera ouvert aux entreprises pharmaceutiques internationales. Ce sont ces entreprises privées qui traiteront directement avec les agriculteurs, et non pas l’État », explique le législateur, également enseignant universitaire, qui écarte le principe de la création d’une régie du cannabis à l’image de la Régie du tabac, « car les entreprises privées ont réussi là où les administrations publiques ont échoué ». Sans compter que cela « boostera la compétition et la production ». « Ces entreprises, poursuit-il, accorderont aux agriculteurs un permis de cultiver la plante, leur distribueront les plants médicinaux suivant un système de numérotation de séries, assureront le suivi nécessaire à la modernisation des méthodes de culture et la surveillance continue des différentes étapes du processus. Elles se chargeront aussi de la récolte et de la fabrication du produit fini. » « Le rôle de l’agriculteur se limitera à répondre aux conditions requises pour obtenir sa licence, à fournir le terrain adéquat, et à planter, irriguer et entretenir la récolte sur base des normes fixées au préalable avec les entreprises », observe M. Habchi.


(Lire aussi : Le cannabis est « cultivé dans la Békaa depuis les Ottomans, pourquoi ne pas le légaliser » ? )


Mais qu’est-ce qui garantit le bon contrôle du processus ? « L’agriculteur n’aura pas la possibilité d’utiliser les pousses distribuées pour d’autres finalités, répond le député. Et puis il n’a aucun intérêt à rester hors la loi ». « D’abord, son revenu grâce au cannabis thérapeutique sera d’environ six fois supérieur au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), alors que son revenu actuel réparti sur l’ensemble d’une année ne dépasse pas 0,4 % du SMIG », assure-t-il. Et puis « il ne sera plus à la merci des trafiquants de drogue, pas plus qu’il ne sera exploité par les mafias protégées qui exercent actuellement un monopole sur le marché ». Car « les permis d’exploitation seront accordés sur base de superficies minimales et maximales afin de protéger les petits agriculteurs face aux grandes entreprises agricoles ». « Pour résumer, l’agriculteur sera considéré comme un partenaire du processus mis en place », insiste Antoine Habchi.


(Lire aussi : Hasch cash , l'éditorial de Issa Goraieb)


L’État grand perdant du trafic de haschisch
Mais alors, si l’État n’est pas impliqué dans le processus, quel intérêt a-t-il à légaliser le cannabis thérapeutique ? « Aujourd’hui, l’État ne gagne absolument rien de la culture et du trafic du haschisch. Tous ceux qui développent cette économie parallèle, trafiquants, agriculteurs, mafias ou autres, la pratiquent de manière illicite, martèle M. Habchi. Ils ne paient donc aucune taxe à l’État. » Et « si certains proches du pouvoir en bénéficient d’une façon ou d’une autre, c’est de manière illégale ». En revanche, « si la culture du cannabis médical est légalisée, cette économie sera légale et tous les acteurs de la chaîne verseront des taxes aux autorités ». L’autre bénéfice que devrait tirer l’État de cette proposition de loi est « la baisse des quantités de haschisch à des fins récréatives sur le marché libanais ». Forcément, « la jeunesse du pays aura moins accès à ce type de drogue ». Ce qui est une chose positive, compte tenu que « le haschisch est considéré comme étant la porte d’entrée aux drogues dites dures ». « Par contre, le trafiquant sera lésé, au même titre que celui qui lui assure une couverture », soutient le député, précisant que sa proposition de loi « contrecarre la corruption politique et limite la production de haschisch récréatif ».
 « Établir des normes permettra indubitablement de contrôler le contrevenant », insiste le législateur. D’où sa proposition de loi qui prend sa source dans des études préliminaires, parmi lesquelles le rapport du cabinet de conseil international McKinsey, chargé par le Liban de développer un plan de relance économique pour le pays. Des études qui considèrent que le nord de la Békaa, par la nature de son sol et de son climat, « permet une production de cannabis de grande qualité ». Et que cette production « permettra au pays du Cèdre d’en tirer des bénéfices financiers non négligeables ». La balle est aujourd’hui dans le camp du Parlement.


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commentaires (4)

L'agriculteur libanais serait dans ce cas un employé des entreprises pharmaceutiques internationales qui apparement s'intéressent dans ce produit. Comme on le dit « Le rôle de l’agriculteur se limitera à répondre aux conditions requises pour obtenir sa licence, à fournir le terrain adéquat, et à planter, irriguer et entretenir la récolte sur base des normes fixées au préalable avec les entreprises » Je me demande s'il n'y a pas un autre moyen qui respecte plus l'indépendence de l'agriculteur libanais, en fait, je me souviens d'avoir vu un vidéo sur OLJ - je pense que c'était le vidéo du petit village de Qleilé à coté de Tyre, qui disait que le prix des agrumes avait tombé , et que les agriculteurs de Qleilé au sud pensait à cultiver le papaya au lieu de citrus avec l'espoir de vendre les papayas à un meillieur prix ...

Stes David

15 h 25, le 07 août 2018

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Commentaires (4)

  • L'agriculteur libanais serait dans ce cas un employé des entreprises pharmaceutiques internationales qui apparement s'intéressent dans ce produit. Comme on le dit « Le rôle de l’agriculteur se limitera à répondre aux conditions requises pour obtenir sa licence, à fournir le terrain adéquat, et à planter, irriguer et entretenir la récolte sur base des normes fixées au préalable avec les entreprises » Je me demande s'il n'y a pas un autre moyen qui respecte plus l'indépendence de l'agriculteur libanais, en fait, je me souviens d'avoir vu un vidéo sur OLJ - je pense que c'était le vidéo du petit village de Qleilé à coté de Tyre, qui disait que le prix des agrumes avait tombé , et que les agriculteurs de Qleilé au sud pensait à cultiver le papaya au lieu de citrus avec l'espoir de vendre les papayas à un meillieur prix ...

    Stes David

    15 h 25, le 07 août 2018

  • On peut toujours rêver... d'ici que l'Etat Libanais fasse appliquer lois, règlements etc., la culture du cannabis à la libanaise continuera tranquillement...de remplir les poches des trafiquants, mafieux et ceux qui les couvrent ! Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 22, le 07 août 2018

  • ELLE POURRAIT DEVENIR UNE CULTURE PERSONNELLE POUR CEUX QUI EN USENT ET PAS BESOIN DE CULTIVATEURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 01, le 07 août 2018

  • Tout cela est bel et bon, et le raisonnement ne manque pas de logique. Mais à condition qu'il y ait un véritable contrôle. Or, malheureusement, on sait qu'au Liban, c'est illusoire. "Établir des normes", certes, mai qui les fera respecter?

    Yves Prevost

    07 h 22, le 07 août 2018

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