Une jeune Libanaise qui a critiqué sur les réseaux sociaux le ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a été convoquée lundi par les autorités en raison d'une plainte déposée contre elle par ce dernier, rapportent plusieurs médias locaux, ainsi que le Centre SKeyes pour la défense de la liberté d’expression.
Yara Chehayeb, originaire du caza de Aley et qui serait militante au sein du Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt, a écrit dimanche soir sur sa page Twitter le message suivant : "Le problème de ce pays, c'est le complexe psychique de Gebran Bassil".
Lundi en début de soirée, le Centre SKeyes a annoncé sur sa page Twitter que la militante avait été convoquée "suite à une plainte de Gebran Bassil". L'information a également été relayée sur les réseaux sociaux par des militants du PSP de Walid Joumblatt, qui lui aussi critique régulièrement et de manière virulente M. Bassil.
La page Facebook "Stop cultural terrorism in Lebanon" ("Arrêtez le terrorisme culturel au Liban) rapporte pour sa part que Mme Chehayeb a confirmé au journal al-Anba', organe de presse du PSP, avoir reçu un appel téléphonique "de la part d'un service de sécurité qui lui a intimé de se présenter pour être interrogée suite à une plainte déposée contre elle par Gebran Bassil, après des publications sur Twitter et Facebook".
Plutôt que sur son dernier tweet, la plainte porterait sur un message du 21 juin dans lequel Mme Chehayeb, qui critique souvent M. Bassil dans ses publications, répondait au chef du CPL qui rendait hommage à son père à l’occasion de la fête des Pères. La jeune femme avait traité M. Bassil d’escroc et insinué que c’était son père qui lui avait appris l’escroquerie.
Réagissant à cette affaire, le député PSP Fayçal Sayegh s'est demandé, en allusion à Gebran Bassil, si "celui qui commémore les événements du 7 août 2001 ne commet pas les mêmes pratiques répressives dont nous avons tous souffert". "Ne sait-il pas que ces pratiques sont inefficaces et ne nous effraient pas, mais qu'au contraire, elles nous renforcent dans notre détermination à dénoncer la corruption et tous les marchés douteux?", a-t-il ajouté. "Ce qui arrive aux jeunes et aux activistes est inacceptable (...). La liberté d'expression est sacré pour le PSP", a insisté le député.
Le 7 août 2001, le régime sécuritaire libano-syrien avait mené des rafles contre les forces chrétiennes, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises. Le 9 août, des centaines de jeunes avaient manifesté devant le Palais de justice pour réclamer la libération des cadres de l'opposition. Plusieurs d'entre eux avaient été battus et embarqués dans les véhicules de l'armée. Gebran Bassil a commémoré, dimanche, ces événements.
Ces dernières semaines, les convocations par les autorités se sont multipliées, au Liban, pour des écrits sur les réseaux sociaux critiquant des responsables politiques ou tournant en dérision des symboles religieux. Le 24 juillet, SKeyes annonçait ainsi que deux militants libanais, Rawane Khatib et Khaled Aabouchi, avaient été convoqués par les services de sécurité au sujet de messages sur les réseaux sociaux dans lesquels ils critiquent des responsables politiques. Le soir même, des centaines de personnes s'étaient rassemblées place Samir Kassir, dans le centre-ville de Beyrouth, sous une seule bannière : "Contre la répression et le recul de la liberté d’expression au Liban".
RQ : cet article a été corrigé le 9/8/2018, afin d'apporter une précision sur le motif de la plainte.
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commentaires (7)
On a l'impression que les forces de l'ordre sont de plus en plus conduites a etre instrumentalisees au service de l'hinibition de la liberte d'expression et du renforcement de la repression quasi- dictatoriale. J'espere qu'elles ne finiront pas par y prendre plaisir et croire qu'elles sont dans le droit chemin!!!! Je leur souhaite de toujours n'etre motivees que par le respect et qu'au service du droit de la libre expression et des libertes fondamentales et de ne pas hesiter a constamment remettre en question leur methodes surtout quand elles sont mises en oeuvre dans l'interet de factions politiques et non dans le rigoureux respect des libertes supremes de notre societe.
Bibette
09 h 45, le 07 août 2018