Hier matin, alors qu’il se rendait à son travail, Mohammad Awad, un jeune activiste politique de 26 ans originaire de Jbeil, dont les écrits anti-Hezbollah sont largement suivis et commentés sur le site NewLebanon, a été arrêté par les services de renseignements de la Sûreté générale. Cet employé d’une entreprise de traduction préparait encore sa mobylette, à Furn el-
Chebbak, devant l’immeuble qu’habite sa famille, lorsque quatre hommes dont deux vêtus de gilets arborant la mention « renseignements de la SG » l’ont appréhendé. La scène s’est passée devant la mère et les frères du jeune homme. Mohammad Awad a réclamé de voir un mandat d’amener, mais, en guise de mandat, un agent a montré à son frère une instruction émise par la juge Nazek el-Khatib sur un téléphone portable. Menotté, l’activiste a été emmené au siège de la SG du Metn, où il a été interrogé. On lui a surtout demandé, très poliment, quelle était sa profession, pour le compte de qui il écrivait, et combien il était payé. Son téléphone et son ordinateur portables ont été confisqués. Après avoir été transféré à la Direction générale de la SG, et interrogé par un officier, le jeune homme a finalement été relâché. Mais, auparavant, il a été invité à signer un document, s’engageant à ne pas porter atteinte aux trois pôles du pouvoir et aux chefs religieux. Il est légitime de se demander pourquoi le jeune homme a été arrêté. Et surtout que vient faire la Sûreté générale dans l’affaire ? Mais impossible d’avoir la moindre explication de la part de l’institution, qui se contente de dire qu’elle n’a pas d’informations sur le dossier.
« Ils m’ont menotté »
Contacté par L’Orient-Le Jour, Mohammad Awad souligne que le site web au sein duquel il publie ses articles, NewLebanon, a été créé par le cheikh Abbas Jawhari, un cheikh chiite indépendant connu pour sa politique hostile au Hezbollah, et qui avait retiré sa candidature aux législatives, à force de menaces et d’intimidations. « Je travaille gratuitement pour le site NewLebanon, car je tiens à rester libre. C’est la raison pour laquelle j’exerce ailleurs un travail rémunéré », souligne M. Awad. Connaît-il la raison de son arrestation ? « Mes opinions contre le Hezbollah ne sont un secret pour personne », avoue-t-il. Et il ne se prive pas de le dire dans ses articles, tout en critiquant vertement « l’apologie du martyre, telle que développée par le parti de Dieu », dénonçant aussi « l’intervention du Hezbollah en Syrie ». Dans un de ses articles, le jeune homme évoque la grande pauvreté de la communauté chiite, alors que le parti chiite investit des sommes faramineuses dans des guerres extérieures. Souvent aussi, il dénonce la corruption au pays du Cèdre. « Je ne sais pas pourquoi on m’a arrêté, souligne l’activiste. On ne m’a d’abord rien dit. On m’a juste demandé quelle était ma profession. J’ai répondu que j’écrivais des articles politiques. » On lui a alors signifié qu’il avait porté atteinte à des hommes politiques. On lui a aussi fait signer l’engagement écrit. « Or je n’ai jamais insulté personne. J’ai comme l’intuition qu’un article que j’ai publié il y a un mois environ les a particulièrement dérangés. Il était intitulé “Qu’y a-t-il après la mort ?” J’y ai établi un parallèle entre le culte du martyre et les jeunes combattants du Hezbollah en Syrie, tout en abordant l’aspect psychologique de la question », révèle-t-il. Et d’ajouter que, depuis la publication de cet article, il se sentait surveillé. « Dans mon quartier, des gens demandaient de moi. J’ai essayé de me renseigner, en vain », dit-il.
Mohammad Awad a publié sur sa page Facebook l’intégralité de son éprouvante arrestation. « Ils (les agents de la SG) m’ont traité très courtoisement. Mais ils m’ont quand même menotté », avoue-t-il. Et quand on lui demande quelle suite il donnera à l’affaire, il lance : « Personne ne m’empêchera de m’exprimer librement, de critiquer les partis politiques, quels qu’ils soient. Même s’ils me jettent en prison, est-ce que cela va changer la réalité, et le regard que moi ou d’autres activistes portent sur eux. Est-ce vraiment moi le problème, ou eux ? »
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22 h 56, le 21 juillet 2018