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Dans la grande salle du cinéma Metropolis Sofil, les noms des journalistes récemment poursuivis par la justice résonnent lors d’une table ronde sur l’état de la liberté d’expression au Liban, organisée dans le cadre du Karama Human Rights Film Festival. Marcel Ghanem, Ahmad el-Ayoubi, Michel Kanbour… Autant d’activistes et de professionnels au centre de l’attention du pouvoir, récemment condamnés, poursuivis ou détenus pour des propos jugés diffamants à l’égard de personnalités politiques, de l’armée ou de symboles religieux.
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À l’occasion de l’avant-dernier jour du festival, qui se tient du 17 au 20 juillet, étaient invités Ayman Mhanna, directeur exécutif de la fondation Samir Kassir, et la journaliste libanaise Diana Mokalled, introduits et questionnés par le public ainsi que par Najwa Kondakji, la programmatrice du Karama. Pour Ayman Mhanna, « le Liban s’améliorait lentement au début des années 2000 en matière de liberté de la presse et de l’expression en générale, mais depuis 2016 et l’élection de Michel Aoun, ce n’est plus le cas ». Selon lui, même si le Liban a une meilleure situation que les autres pays de la région, « toutes les opinions ne peuvent pas être dites et les lignes rouges continuent de s’élargir ». Le directeur de la fondation Samir Kassir, qui milite pour une presse libre et l’expression démocratique, précise que la société libanaise comporte « de grands tabous autour des religions, de l’armée, des personnalités politiques ». Pour Diana Mokalled, qui travaille depuis 25 ans en tant que journaliste reporter, « le sacré devient de plus en plus problématique ».
Ayman Mhanna est également revenu sur le rôle du tribunal des imprimés, aujourd’hui diminué par « l’armée et d’autres services de sécurité, qui interpellent et interrogent les journalistes dans des conditions qui ne sont pas correctes ». Diana Mokalled précise que ces arrestations abusives récentes « visent surtout les journalistes dans les médias indépendants, qui ne sont pas protégés par un parti politique ou une personnalité influente ».
Les deux militants constatent que les nouvelles technologies cachent aussi des dangers et des moyens de pression redoutables contre les journalistes, d’autant qu’elles sont méconnues par une partie du public et par les juges. « Les médias sociaux comme Facebook ou Twitter sont accessibles à tous, mais aussi très dangereux pour les journalistes », avertit Diana Mokalled. Elle explique à un public très parsemé sur les rangs de fauteuils rouges que, malgré les pressions et coups portés par les autorités, « la chose la plus importante est de ne pas perdre nos convictions, ni de sombrer dans la nonchalance face à la censure ». À peine une soixantaine d’intéressés étaient présents pour entendre ces effrayants constats, qu’a soulevés le Karama Human Rights Film Festival du 17 au 20 juillet. Mais même en petit comité, Ayman Mhanna affirme, enthousiaste, que « le festival permet d’organiser un échange d’idées et de maintenir un lien physique et des discussions dans cette ambiance sectaire, conservatrice et malsaine pour nos libertés, qui ne sont revendiquées par aucune personnalité politique dans l’espace public ».
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C,EST TRES REGRETTABLE POUR UN PEUPLE HABITUE A S,EXPRIMER LIBREMENT !
09 h 55, le 23 juillet 2018