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Liban - Le portrait de la semaine

Marcel Ghanem, un quart de siècle au service de la liberté d’expression

Le journaliste vedette de la LBCI aspire à réaliser son rêve : interviewer le pape François, Feyrouz et le dalaï-lama...

Marcel Ghanem : la crédibilité, une des clés de la réussite.

Qui dit talk-show politique dit sans doute Kalam el-Nass et son animateur, Marcel Ghanem. Certes, il n’est ni facile ni évident de rester à l’antenne près d’un quart de siècle. Mais le défi est ailleurs. C’est celui de rester au top du palmarès des émissions politiques, au fil des années.

Marcel Ghanem a relevé ce défi et continue à le faire. Il connaît le secret de son succès incontestable : il s’agit de la confiance des gens et leur attachement à ce qu’ils perçoivent comme un espace libre où ils peuvent s’exprimer sans crainte.

C’est d’ailleurs dans ce but que Kalam el-Nass a vu le jour en 1995 à l’initiative de Pierre Daher, PDG de la LBCI. Fier de revenir sur cet épisode de son long parcours, Marcel Ghanem raconte : « À l’époque, Pierre Daher avait demandé à Gebran Tuéni (ancien PDG d’an-Nahar) d’animer une émission intitulée Fakhamat al-Raïs (M. le président), dans la mesure où le pays se préparait à l’élection présidentielle (avant la prorogation du mandat d’Élias Hraoui jusqu’en 1998). » Mais pour compléter le tableau, Pierre Daher avait besoin d’un talk-show politique. « Il voulait permettre à l’opinion publique de dialoguer ouvertement avec les responsables politiques », se souvient le journaliste vedette de la LBCI, au sourire contagieux et à l’énergie débordante.

Kalam el-Nass est né pendant la période sombre de l’occupation syrienne. Mais l’émission était malgré tout retransmise en direct. Ce qui signifie que la chaîne ne pouvait exercer un contrôle sur les propos des gens qui désiraient faire entendre leur voix et critiquer le pouvoir en place. Le Liban prouvait ainsi qu’il était vraiment un oasis de liberté dans un désert gouverné par des dictatures. « Assoiffés de liberté, les téléspectateurs ont profité de l’espace qui leur était fourni. Ils nous ont aidés à hausser la barre, à mesure qu’ils posaient des questions critiques », souligne Marcel Ghanem, avant de confier que contrairement à ce que d’aucuns seraient tentés de croire, jamais Ghazi Kanaan ou Rustom Ghazali (hauts responsables sécuritaires syriens qui exerçaient une main de fer sur le Liban à l’époque de la tutelle de Damas) ne l’ont appelé pour demander quoi que ce soit.


(Lire aussi : Human Rights Watch dénonce les restrictions à la liberté d’expression au Liban)


Les problèmes de la vie quotidienne
Ainsi, Marcel Ghanem a joui d’une « légitimité populaire » et d’une crédibilité qui ont sans doute contribué au succès de son émission que l’écrasante majorité des Libanais mais aussi des téléspectateurs aux quatre coins du monde attendent tous les jeudis à 21h30. C’est du fait de cette légitimité et de cette crédibilité que Marcel Ghanem explique le fait que nombre de hauts responsables politiques n’hésitent pas à lui accorder les scoops les plus importants, et choisissent sa tribune pour s’adresser aussi bien à leurs partisans qu’à leurs adversaires. 

« J’ai bâti mon nom et ma carrière grâce à la confiance des gens, à ma crédibilité et celle de la LBCI », confie M. Ghanem avec modestie. Sauf que cette « confiance des gens » a fortement influencé l’émission politique la plus connue et la plus attendue du pays. Conscient des besoins et des attentes de la population, Marcel Ghanem n’a pas hésité à sortir son talk-show du champ strictement politique pour plancher sur des questions à caractère socio-économique. Il a ainsi reçu sur son plateau des spécialistes en ressources hydrauliques, en alimentation, en traitement des déchets ou d’autres questions d’ordre général en vue de sensibiliser les téléspectateurs, de toutes les catégories d’âge, aux problèmes de la vie quotidienne.

Mais pour le journaliste vedette, les épisodes les plus marquants sont ceux qui s’articulent autour des dossiers humanitaires. « Ces épisodes sont les plus touchants. J’en garde de très beaux souvenirs », confie Marcel Ghanem citant, notamment, celui consacré aux parents des disparus en Syrie (2005), ainsi que ceux consacrés aux jeunes patients du Children Cancer Center of Lebanon.


(Lire aussi : Affaire Marcel Ghanem : le juge d’instruction accepte d’examiner le recours pour vice de forme présenté par Boutros Harb)


À Radio Liban libre
Si les Libanais ne retiennent de Marcel Ghanem que son émission hebdomadaire de jeudi, celle-ci ne constitue pas pour autant, selon lui, la seule belle étape de son parcours. M. Ghanem souligne, en effet, que Radio Liban libre (RLL) a témoigné des plus belles années de sa carrière. À ce sujet, il raconte d’un ton empreint de nostalgie : « Je n’ai jamais pensé à une carrière de journaliste. Enfant, j’avais des rêves modestes. Parallèlement à mes études de droit, je donnais des cours d’arabe. Mon frère Georges (ancien rédacteur en chef de la LBCI) était journaliste à Radio Liban libre et je lui rendais souvent visite dans les locaux de la radio », se souvient M. Ghanem, avant de poursuivre : « Avec lui, j’ai appris à traiter l’information. Un jour, Kamal Chartouni, un responsable au sein de la radio, m’a proposé de faire partie de l’équipe de travail. J’ai commencé en tant que speaker, avant de passer à la rédaction au sein du département des informations. Puis j’ai occupé le poste de secrétaire de rédaction jusqu’à ma démission en 1997 », ajoute le journaliste, rappelant que durant cette période, il a présenté nombre d’émissions aussi bien politiques que variées, dont notamment Kalam mas’oul (avec May Chidiac) et Abl ma yeghfa el-layl avec Paula Harika.
Ainsi, RLL a forgé la personnalité de Marcel Ghanem, le journaliste. D’autant que cette radio lui a permis d’élargir ses horizons et de vaincre sa timidité…

La bataille des libertés…
Marcel Ghanem fête prochainement ses 25 ans à l’antenne de la LBCI. À cette occasion, il s’attendait à ce que l’État lui rende hommage. Sauf qu’à l’initiative du ministre de la Justice, Salim Jreissati, les autorités ont opté pour une démarche totalement différente. Aujourd’hui, ce grand maître du talk-show politique est poursuivi en justice pour « outrage au président de la République et à la justice », ainsi que pour avoir « entravé le cours de la justice ». 

Quand il évoque la question de sa poursuite en justice, Marcel Ghanem ressent une amertume et blâme ouvertement son grand ami Saad Hariri et le président de la République, Michel Aoun, qui observent un silence radio face aux atteintes à la liberté d’expression de la part du pouvoir en place. « Mon dossier est la pire gifle au sexennat Aoun et au cabinet Hariri, affirme-t-il. D’autant que tous les responsables ont choisi Kalam el-Nass pour véhiculer leurs messages politiques », déplore-t-il. Il est toutefois heureux de voir le chef des Kataëb, Samy Gemayel, sa mère Joyce et les journalistes libres du pays combler le vide béant laissé par Saad Hariri. « Mme Gemayel m’a donné le plus touchant des souvenirs, une “Rose de Pierre”, pour m’encourager à me battre pour la préservation des libertés jusqu’au bout », dit-il avec affection. 

Déterminé à atteindre cet objectif, Marcel Ghanem ne compte pas renoncer à son métier, en dépit de tous les obstacles. Il continuera à l’exercer et à brandir la flamme de la liberté d’expression jusqu’à réaliser son rêve : interviewer un jour le pape François, Feyrouz et le dalaï-lama…



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Qui dit talk-show politique dit sans doute Kalam el-Nass et son animateur, Marcel Ghanem. Certes, il n’est ni facile ni évident de rester à l’antenne près d’un quart de siècle. Mais le défi est ailleurs. C’est celui de rester au top du palmarès des émissions politiques, au fil des années. Marcel Ghanem a relevé ce défi et continue à le faire. Il connaît le secret de son...

commentaires (3)

NON SEULEMENT ! DES FAUTES A LA PELLE AUSSI !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 47, le 22 janvier 2018

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Commentaires (3)

  • NON SEULEMENT ! DES FAUTES A LA PELLE AUSSI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 47, le 22 janvier 2018

  • "souligne Marcel Ghanem, avant de confier que contrairement à ce que d’aucuns seraient tentés de croire, jamais Ghazi Kanaan ou Rustom Ghazali (hauts responsables sécuritaires syriens qui exerçaient une main de fer sur le Liban à l’époque de la tutelle de Damas) ne l’ont appelé pour demander quoi que ce soit" c'est exactement mon plus grand reproche...on est sous occupation et il ne pense qu'a plaire plutot qu'a attaquer le regime mis en place pour nous museler. La meme chose tout au long de son parcours journalistique, plaire aux hommes politiques pour les avoir sur son plateau et masser leur ego. Attention, c'est la meme chose pour plein d'autres interviewer politique, recemment j'ai vu une belle carpette sur une chaine orange.

    George Khoury

    07 h 46, le 22 janvier 2018

  • Il blâme son grand ami, Saad Hariri et le Président de la République! Quelqu'un a très justement dit: « Mon Dieu, protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge... » Aussi, il ne faut pas blâmer le pauvre Hariri dans le contexte actuel du pays: il est devenu l’ombre de lui-même.

    Saliba Nouhad

    03 h 10, le 22 janvier 2018

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