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Liban - Déchets

Les futurs incinérateurs, une patate chaude en période électorale

Une technique de gestion dont le rejet est devenu un leitmotiv ces derniers jours chez les militants écologistes.

Des ballots de déchets empilés, de manière inexplicable, dans l’enceinte du port de Beyrouth.

Ils étaient quelques dizaines de personnes, très en colère, rassemblées devant le site de l’abattoir fermé du port de Beyrouth, hier, en mi-journée. Parmi elles de nombreux habitants originaires de la zone, déplacés depuis 1976, et des environnementalistes. Les premiers veulent leur droit de retour et la réouverture de l’abattoir dans lequel ils étaient employés. Les seconds s’insurgent contre la construction d’un incinérateur, un projet du conseil municipal de Beyrouth, et qui devrait être situé sur le terrain même de l’abattoir. Des causes qui sont en relation, donc.

« Nous comptons recourir à l’escalade, surtout en cette période électorale, indique à L’Orient-Le Jour le militant Raja Noujaim. Nous revendiquons l’annulation pure et simple de cette décision. Toute personne devra annoncer sa position sur ce sujet, sinon nous allons nous opposer à elle. » « Nous voulons nos droits avant les élections, et ne répétez pas vos promesses électorales, a lancé Hassan Matar, au nom des anciens propriétaires. Et, pour votre incinérateur, vous pouvez aller voir ailleurs, nous n’accepterons pas qu’il soit bâti dans cette zone. »

L’affaire de l’incinérateur de Beyrouth est devenue une nébuleuse inextricable. La décision a été prise en conseil municipal et annoncée publiquement, mais l’emplacement n’a pas été désigné officiellement, bien que de très forts soupçons indiquent que ce sera la Quarantaine, là où se trouve déjà une usine de compostage et d’autres sources de pollution.
Pour Raja Noujaim, les intentions de la municipalité ne font pas de doute. « Cet endroit est déjà équipé, et la région est écologiquement très détériorée, dit-il. Il est clair qu’ils veulent installer l’incinérateur ici. » Le président du Mouvement écologique libanais, Paul Abi Rached, se demande, pour sa part, si le refus de voir ces déplacés revenir sur leurs terres et les bruits de construction d’un incinérateur ne sont que le prélude d’un projet bien différent, celui de la création d’une zone franche par exemple.

Interrogé par L’OLJ, Gaby Ferneini, membre du conseil municipal, assure que « la question de l’emplacement de l’incinérateur n’a pas été finalisée », même s’il reconnaît qu’aucun autre site que celui de la Quarantaine n’est proposé. « Il y a des voix, dont la mienne, qui sont opposées à cet emplacement, dit-il. Je suis contre un incinérateur en pleine ville. Pour ce qui est de l’option de l’incinération elle-même, qui soulève des protestations, je dois dire que nous attendons les résultats de l’étude environnementale et de l’étude de faisabilité. »
Des études, l’AUB en a fait et annoncé les résultats l’année dernière. Selon des simulations, des régions comme Bourj Hammoud et Achrafieh seraient frappées de plein fouet par les fumées d’un incinérateur. Et, malgré toutes les assurances officielles, la gestion gouvernementale actuelle du dossier suscite des craintes en cas d’installations plus sophistiquées. Sans compter le problème quasiment insoluble des cendres toxiques.


(Pour mémoire : Déchets : de commissions en sous-commissions...)


Pourquoi dans six mois ?
À savoir qu’outre l’incinérateur de Beyrouth, le gouvernement compte installer deux grandes usines de Waste to Energy (type d’incinération avec récupération de gaz pour production d’énergie), décision confirmée il y a peu en Conseil des ministres.
Un expert qui a requis l’anonymat indique ainsi à L’OLJ que la décision du Conseil des ministres de ne lancer que dans six mois les appels d’offres, devant être effectués par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), est « surprenante », et semble suggérer que les responsables hésitent à aborder ce sujet impopulaire avant les élections. C’est ce qui explique aussi que les emplacements n’aient pas été déterminés avec exactitude, bien que les informations fassent état du choix de Jiyé (Chouf) et de Deir Ammar (Denniyé), en d’autres termes deux sites de centrales électriques. À savoir que ces deux sites ne devraient desservir que Beyrouth et le Mont-Liban, et non tout le pays. Selon les informations de cet expert, il existe plusieurs techniques de « Waste to Energy » envisagées, plus ou moins coûteuses.
Au niveau administratif, il y a déjà eu préqualification des entreprises mondiales qui devront elles-mêmes acquérir les prêts, à taux d’intérêt assez bas, pour financer la mise en marche de ces incinérateurs, toujours selon cette source.


(Lire aussi : Quand l'art et le jeu sensibilisent à la problématique des déchets)


Incinérateurs, le documentaire
Les assurances au sujet de l’incinération, que les officiels tiennent à appeler « désintégration thermique », ne sont pas nouvelles. « Des incinérateurs, il y en a partout au monde, même en plein Vienne », rétorque-t-on régulièrement à ceux qui évoquent les risques de son adoption au Liban.

Ce sont tous les arguments officiels qu’a contrés l’ingénieur Ziad Abichaker, spécialiste du traitement des déchets, dans un documentaire appelé Un incinérateur pour le Liban?, présenté jeudi soir devant une salle comble au cinéma Metropolis. M. Abichaker et son équipe se sont rendus au Danemark, l’un des pays où l’incinération est pratiquée de la manière la plus écologique, dans un incinérateur qui récupère les gaz et en produit de l’énergie, distribuant aussi de l’eau chaude à de nombreuses demeures.
C’est paradoxalement auprès des gérants (très transparents) de cet incinérateur que Ziad Abichaker a détruit un à un les mythes que l’on veut imposer au public libanais. D’une part, les déchets sont triés en très grande partie au Danemark, et ni les recyclables ni les déchets dangereux ne sont en aucun cas introduits dans les fours. C’est ainsi que les émissions de gaz dangereux comme les dioxines et les furannes sont gardées à un taux si bas. D’autre part, les résidus toxiques de l’incinérateur, qui constituent une part non négligeable du volume de déchets à la base, notamment les cendres volantes, ne sont enfouis que… dans une décharge spécialisée sur une île en Norvège, étant donné la difficulté de trouver des sites appropriés à ce genre d’enfouissement. Ce qui pose de sérieuses questions sur la capacité du Liban à trouver une solution à ce problème inévitable.

Enfin, Ziad Abichaker a questionné l’expert danois sur les techniques, sachant que l’incinérateur en question fonctionne selon la bonne vieille technique de fours et de récupération des gaz. Celui-ci note que toutes les techniques dites innovantes, comme la gazéification ou autres, ne sont pratiquement qu’à l’état expérimental dans le monde. « Il ressort de mes conversations avec cet expert qu’il n’y a pratiquement rien qui s’appelle désintégration thermique, comme veut nous le faire croire notre gouvernement, dit-il. Il n’y a que l’incinération pure et simple. »
An incinerator for Beirut ? A documentary, à ne pas rater, sera visionné une nouvelle fois à l’AUB le 26 janvier. Il sera aussi disponible en ligne très prochainement, selon Ziad Abichaker.


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Ils étaient quelques dizaines de personnes, très en colère, rassemblées devant le site de l’abattoir fermé du port de Beyrouth, hier, en mi-journée. Parmi elles de nombreux habitants originaires de la zone, déplacés depuis 1976, et des environnementalistes. Les premiers veulent leur droit de retour et la réouverture de l’abattoir dans lequel ils étaient employés. Les seconds...

commentaires (2)

C'est devenu une mode: on manifeste partout, on s'oppose et on refuse tout et rien...donc on se sent importants ! La plupart de ces manifestants-opposants ne proposent aucune solution alternative, car ils ne se sont même pas documentés ou renseignés...c'est tellement plus simple de juste crier: non ! Et cela se passe ainsi actuellement avec tous les projets, quels qu'ils soient, dans tous les domaines. Pour contrer l'autre, pour lui nuire, pour se venger de... Et après on rentre chez soi...et on se plaint des déchets partout, du manque de courant électrique, d'eau propre, des routes impraticables...la liste est longue, longue ! Mais à part ces problèmes qui relèvent des compétences et décisions de notre gouvernement, que fait réellement le citoyen libanais pour améliorer personnellement son quotidien et son environnement...à commencer chez lui, devant sa porte, son domicile, sa rue ? Tous les Kleenex, emballages et bouteilles vides et autres déchets qui jonchent les rues partout...qui les jette ??? Combien de citoyens se sont mis à trier leurs déchets ? Il ne suffit pas d'aller s'opposer, il faut commencer par "balayer devant sa porte" ! Irène Saïd

Irene Said

09 h 11, le 20 janvier 2018

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Commentaires (2)

  • C'est devenu une mode: on manifeste partout, on s'oppose et on refuse tout et rien...donc on se sent importants ! La plupart de ces manifestants-opposants ne proposent aucune solution alternative, car ils ne se sont même pas documentés ou renseignés...c'est tellement plus simple de juste crier: non ! Et cela se passe ainsi actuellement avec tous les projets, quels qu'ils soient, dans tous les domaines. Pour contrer l'autre, pour lui nuire, pour se venger de... Et après on rentre chez soi...et on se plaint des déchets partout, du manque de courant électrique, d'eau propre, des routes impraticables...la liste est longue, longue ! Mais à part ces problèmes qui relèvent des compétences et décisions de notre gouvernement, que fait réellement le citoyen libanais pour améliorer personnellement son quotidien et son environnement...à commencer chez lui, devant sa porte, son domicile, sa rue ? Tous les Kleenex, emballages et bouteilles vides et autres déchets qui jonchent les rues partout...qui les jette ??? Combien de citoyens se sont mis à trier leurs déchets ? Il ne suffit pas d'aller s'opposer, il faut commencer par "balayer devant sa porte" ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 11, le 20 janvier 2018

  • CE QU,ON VOIT EST UNE HONTE ! LA FACON DE CE QU,ON ENTEND PROMETTRE L,EST TOUT AUSSI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 28, le 20 janvier 2018

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