Le président libanais Michel Aoun et le président du Parlement libanais Nabih Berry, au palais de Baabda. Photo Ani
Depuis plus de trois semaines, la promulgation du décret d'ancienneté des officiers de la promotion de 1994 fait l'objet d'une querelle entre le président de la République, Michel Aoun, et le président de la Chambre, Nabih Berry. Cette polémique s'articule principalement autour de l'obligation constitutionnelle ou non du contreseing du ministre des Finances, en l'occurrence Ali Hassan Khalil, le plus proche conseiller de M. Berry.
Voici ce qu'il faut savoir pour comprendre les tenants et les aboutissants du débat autour de ce décret.
"Promotion Aoun"
La promotion 1994 concerne des officiers, pour la plupart chrétiens, entrés à l'École militaire quelques années plus tôt, à l'époque où le chef de l'État était à la tête d'un gouvernement militaire de transition (1988-1990). Les officiers concernés par ce décret, connus sous le label de "promotion Aoun", avaient subi des préjudices liés au fait qu'ils n'avaient pas été promus comme leurs camarades au sein de l'armée.
"Violation de la Constitution"
Le 13 décembre dernier, le président Aoun et le Premier ministre, Saad Hariri, signent le décret d'avancement de ces officiers.
Six jours plus tard, lors du dernier Conseil des ministres de l'année 2017, le gouvernement aborde le sujet et une passe d'armes oppose alors le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf, à son collègue des Finances. M. Sarraf affirme qu'"il n'est pas nécessaire que tout décret portant sur une dépense financière soit signé par le ministre des Finances". M. Khalil s'indigne alors et affirme que "l'adoption du décret ne respecte pas la loi et la Constitution".
Afin de rapprocher les points de vue, le chef du gouvernement demande au secrétaire général du Conseil des ministres, Fouad Fleifel, de ne pas publier le décret dans le journal officiel.
Divergences
En effet, le président du Parlement estime que l'adoption du décret nécessite quatre signatures, en l'occurrence celles du président de la République, du chef du gouvernement, du ministre concerné (M. Sarraf), et du ministre des Finances. De son côté, le chef de l’État estime que le décret d'avancement ne requiert que sa signature et celle du Premier ministre. Les constitutionnalistes divergent sur cette question.
Épreuve de force
Le 25 décembre, M. Aoun affirme, à l'issue d'un tête-à-tête avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à Bkerké, à l'occasion de Noël, que "l'année d'avancement de cette promotion est un droit", dénonçant une "injustice politique" et appelant ceux qui ont des objections, en allusion à M. Berry, à s'adresser à la justice. "Ce sont les faibles qui ont recours à la justice", rétorque le président du Parlement le lendemain. "Que Dieu ait l'âme de l'accord de Taëf, de la Constitution, de la coutume, et du gouvernement", ajoute-t-il.
Depuis lors, le président de la Chambre ne cesse de dénoncer une violation de la Constitution, tandis que le chef de l’État continue d'appeler à porter l'affaire devant la justice.
Quelles médiations ?
Alors que la classe politique appelle à mettre un terme à cette polémique, un certain flou entoure d'éventuelles médiations entre les principaux intéressés pour dénouer cette crise.
Ainsi, il a été dit que Saad Hariri avait pris en main le dossier. "D'aucuns veulent gonfler cette affaire (...) mais je travaille sur cela et toutes les parties parviendront à une solution", avait-il déclaré le 31 décembre. Il était même question d'une rencontre entre MM. Hariri et Berry qui n'a pas encore eu lieu.
Mais le bloc du Futur, réuni mardi sous la présidence de M. Hariri, a indiqué que le chef du gouvernement n'était pas "concerné par les rumeurs sur de prétendues médiations, rencontres et propositions (qu'il aurait initiées), celles-ci n'étant au demeurant qu'un pur produit de l'imagination des médias".
En début d'année, le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, qui avait précédemment pris en main cette médiation, avait annoncé l'échec de sa mission, sous-entendant par ailleurs que M. Hariri était le nouveau médiateur.
Deux formations politiques, le Hezbollah, partenaire naturel de M. Berry et soutien affiché du chef de l’État, et le Parti socialiste progressiste (PSP) du leader druze Walid Joumblatt, qui proclame son attachement à la stabilité politique du pays, auraient, de leur côté, tenté de calmer la polémique, des informations qui n'ont jamais été confirmées.
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Aoun et Berry campent sur leurs positions... en attendant Hariri ?
Depuis plus de trois semaines, la promulgation du décret d'ancienneté des officiers de la promotion de 1994 fait l'objet d'une querelle entre le président de la République, Michel Aoun, et le président de la Chambre, Nabih Berry. Cette polémique s'articule principalement autour de l'obligation constitutionnelle ou non du contreseing du ministre des Finances, en l'occurrence Ali Hassan...
commentaires (9)
EN DEUX MOTS RIEN NE PEUT ETRE DECIDE DANS CE PAYS SANS L,ACCORD DE BERRY... DES CHIITES... SINON LE BOYCOTTAGE... IL SE HAUSSE AU RANG DE CHEF DE L,ETAT DE FACTO !
LA LIBRE EXPRESSION
08 h 43, le 11 janvier 2018