La tension est montée d'un cran hier entre le président de la République, Michel Aoun, et le président du Parlement, Nabih Berry, au sujet de la polémique déclenchée par l'adoption mardi dernier d'un décret en Conseil des ministres octroyant un avancement à la promotion 1994 des officiers entrés à l'École militaire à l'époque où le chef de l'État était à la tête du gouvernement militaire de transition.
Ce décret auparavant cosigné par le chef de l'État et par le Premier ministre Saad Hariri sans la signature du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, avait généré une véritable épreuve de force entre Baabda et Aïn el-Tiné, du fait que le président du Parlement a jugé que l'adoption du décret nécessite quatre signatures, en l'occurrence celles du président de la République, du chef du gouvernement, du ministre concerné (le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf), et du ministre des Finances.
À l'issue d'un tête-à-tête à Bkerké avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à l'occasion de Noël, le chef de l'État a dénoncé lundi une « injustice politique qui avait empêché l'avancement » des officiers, affirmant que le décret en question ne requiert que la signature du chef de l'État et du Premier ministre. En réponse à une question des journalistes, le président Aoun a déclaré que « l'année d'avancement de la promotion 1994 est un droit », déplorant que « les officiers de cette promotion, entrés à l'École militaire en 1990, avaient été renvoyés chez eux et n'avaient pu réintégrer l'institution que deux ans plus tard, se retrouvant donc avec les élèves de la promotion qui suivait ». « Nous avons tenté de leur restituer la moitié de leurs droits en leur accordant une année d'ancienneté », a ajouté le président Aoun, invitant ceux qui s'opposent à cette décision à s'adresser à la justice, en allusion à M. Berry.
Hier, le chef du législatif a répondu vivement aux propos du président Aoun. « Ce sont les faibles qui ont recours à la justice. Je consulterai le ministère de la Justice lorsque le ministre qui le dirige ne sera pas affilié à un parti », a-t-il rétorqué, en référence à Salim Jreissati, proche du Courant patriotique libre du président Aoun.
« Que Dieu ait l'âme de l'accord de Taëf, de la Constitution, de la coutume et du gouvernement (...) », a ajouté M. Berry, affirmant que le décret d'avancement comporte un coût financier. « Il aurait fallu faire examiner ce décret par le ministère des Finances », a-t-il souligné dans ce cadre, se demandant par ailleurs « pourquoi la signature du ministre de l'Intérieur a été de même outrepassée, alors qu'il y a des officiers des Forces de sécurité intérieure au sein de cette promotion ? ». « Est-ce de cette manière qu'a lieu la coopération entre les institutions dont vous êtes le garant, M. le président ? » a-t-il encore demandé, avant de conclure : « Je vous laisse, M. le président, trancher cette question avec votre sagesse et votre justice. »
Le ministre de la Justice, Salim Jreissati, s'est chargé hier soir de répondre à M. Berry, via la chaîne LBCI, affirmant que le décret en question « ne concerne pas les officiers au sein des Forces de sécurité intérieure ». Il a en outre réfuté de manière ferme les insinuations du président du Parlement selon lesquelles il serait un ministre partisan, soulignant que lui-même et « tous les ministres sont le symbole de l'unité nationale et sont les ministres du président de la République ».
Ce décret de la « promotion 1994 » a par ailleurs suscité une boutade du chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt. « Je ne sais si les religions célestes au Liban suffiront pour remédier au conflit créé par le décret. Personnellement je consulterai Bouddha », a-t-il lancé sur les réseaux sociaux, soulignant plus sérieusement qu' « il est préférable de revenir sur le décret pour qu'il ne crée pas de secousses au sein de l'armée et des institutions sécuritaires ».
Pour sa part, le ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé, a affirmé, dans une déclaration, que « le décret adopté n'a pas d'implications financières, et partant, il n'a pas à être signé par le ministre des Finances ».
(Pour mémoire : Aoun : Nous avons réussi à dépasser la crise grâce à notre unité nationale)
Le contreseing du ministre des Finances est-il ou non constitutionnel ?
Entre l'avis du président de la République selon lequel le décret signé n'implique pas de charges financières et ne nécessite donc pas le contreseing du ministre des Finances, et celui du président du Parlement qui affirme le contraire, vers lequel des deux penchent les spécialistes contactés par L'Orient-Le Jour ?
L'ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, affirme que « toute promotion, tout avancement, tout changement de statut impliquent, de manière directe ou indirecte, des effets financiers et nécessitent donc la signature du ministre des Finances ».
Quant à la question de savoir si cette signature est souhaitable pour des raisons communautaires, sachant que le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, est de confession chiite, M. Najjar juge que « la signature découle d'une règle constitutionnelle et non d'une considération confessionnelle. Elle aurait été tout autant exigible si le ministre des Finances avait été de confession chrétienne ou sunnite ».
Une source militaire haut placée donne toutefois à L'OLJ un point de vue différent. « L'octroi de l'ancienneté ne requiert pas la signature du ministre des Finances parce que l'avancement ne procure pas de prestations financières », affirme l'officier, présentant un exemple concret. « La loi de défense fixe un nombre d'années minimum (5 ans) pour qu'un colonel qui vient d'être promu à ce rang soit habilité à accéder au grade de général. En lui octroyant un an d'ancienneté supplémentaire, le décret permet à ce colonel de prétendre au poste de général dans quatre ans plutôt que dans cinq ans, mais ne lui accorde pas pour autant de bénéfices financiers », indique-t-il, soulignant que « ses émoluments seront augmentés seulement lorsqu'il accédera au poste de général, ce qui nécessitera un nouveau décret, qui sera soumis, lui, à la signature du ministre des Finances ». La source militaire indique d'ailleurs que, pour être promu, la condition d'ancienneté n'est pas suffisante et que le candidat doit en outre répondre à des critères de discipline et de productivité, ce qui pourrait prendre plus de temps que les cinq ans minimum requis.
Consultée par L'OLJ, une source constitutionnelle affirme également que la signature du ministre des Finances n'est pas exigible. Ce magistrat indique que « l'article 54 de la Constitution, en vertu duquel un décret signé par le président de la République doit être contresigné par le ou les ministres intéressés, concerne dans ce cas le seul ministre de la Défense ». Pour lui, « le décret de la promotion 2014 ne répercute aucun engagement financier et permet seulement à un officier d'avoir la possibilité d'être promu un an plus tôt que prévu ». En somme, indique le juge, « le point de vue de M. Aoun est à 100 % constitutionnel, tandis que celui de M. Berry constitue une tentative de contourner la Constitution pour des considérations politiques ».
Sur le point de savoir par ailleurs si ce décret adopté en Conseil des ministres est exécutoire en dépit du fait que le Premier ministre, Saad Hariri, a demandé qu'il ne soit pas encore publié au Journal officiel, dans l'attente des résultats de médiations, la source constitutionnelle affirme que la publication du décret est un acte administratif et non constitutionnel. Pour ce magistrat, le décret est applicable du seul fait qu'il a été adopté par le Conseil des ministres, sachant que les officiers concernés par cette décision ministérielle peuvent valablement en être informés par une note du ministère de la Défense.
Pour mémoire
Pas de quoi faire la fête, mais...
La détente entre Aoun et Berry, un accord a minima ?
Depuis l’hémicycle, Berry fait de l’ombre à Aoun...
commentaires (13)
- JE VOIS DEUX LEVRIERS, QUI, JE M,ASSURE, SONT COURRIERS QUE POUR CE SUJET ON ENVOIE ; ILS VONT VITE, ET SERONT DANS UN MOMENT A NOUS. JE DESCENDS ; NOUS POURRONS NOUS ENTRE-BAISER TOUS. - ADIEU, DIT LE RENARD, MA TRAITE EST LONGUE A FAIRE; NOUS NOUS REJOUIRONS DU SUCCES DE L,AFFAIRE UNE AUTRE FOIS. LE GALAND AUSSITOT TIRE SES GREGUES, GAGNE AU HAUT, MAL CONTENT DE SON STRATAGEME.
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 14, le 27 décembre 2017