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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Washington peut-il encore jouer les arbitres entre Israéliens et Palestiniens ?

Décrédibilisés aux yeux des Palestiniens, les États-Unis n'ont pas pour autant l'intention de se désengager.

Sous l’égide du président américain Bill Clinton, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin signaient les accords d’Oslo le 13 septembre 1993. Archives AFP

Au Proche-Orient, il n'y a pas de paix possible sans les Américains. Personne ou presque ne pouvait, au cours de ces dernières décennies, contester sérieusement cette affirmation. Même les acteurs les plus hostiles à l'influence américaine devaient, à un moment ou à un autre, accepter que la négociation passe par le chemin de Washington, seule superpuissance au Moyen-Orient depuis la fin de la guerre froide.

En annonçant sa décision de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël, Donald Trump a rompu avec des décennies de diplomatie américaine, consistant à éviter à tout prix de prendre une décision pouvant mettre en péril le futur processus de paix. C'est cette prudence qui, malgré l'alliance stratégique unissant Israël aux États-Unis, permettait à Washington de se présenter comme le meilleur médiateur possible au conflit israélo-palestinien, depuis le début des années 1990. Cette prétention américaine est aujourd'hui sérieusement contestée par la partie palestinienne. Peu après le discours du président américain, le président palestinien Mahmoud Abbas a estimé que « les États-Unis sapent délibérément tous les efforts de paix et proclament qu'ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu'ils ont joué au cours des dernières décennies ». Le président palestinien ne pouvait pas faire autrement. Les Américains l'ont mis dans une position intenable en franchissant allègrement ce qu'ils savaient être une ligne rouge pour les Palestiniens. « Les Américains se sont mis totalement hors jeu. Ils se sont disqualifiés de leur position de médiateur. Vouloir jouer les médiateurs et en même temps prendre une décision radicalement contraire au droit international, c'est mettre fin à leurs propres initiatives », analyse Jean-Paul Chagnollaud, chercheur à l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), contacté par L'Orient Le Jour.

 

(Lire aussi : Dans l'embarras, Abbas joue sa légitimité)

 

Processus de paix
Décrédibilisé, Washington n'a pas pour autant l'intention de se désengager. Dans son discours, Donald Trump a répété à plusieurs reprises que cette décision ne remettait pas en question l'engagement américain « à faciliter un accord définitif de paix ». L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a réaffirmé hier que « les États-Unis restent engagés dans le processus de paix comme seuls médiateurs possibles pour résoudre le conflit ». Le vice-président américain, Mike Pence, a prévu de se rendre sur place à la fin du mois pour finaliser le plan pour la paix que les États-Unis doivent présenter en janvier. Mais la poursuite des négociations s'annonce ardue.

« Il n'est pas le bienvenu. Nous n'accueillerons pas l'adjoint de Trump dans les territoires palestiniens. Il a demandé à rencontrer Abbas le 19 décembre. Cette rencontre n'aura pas lieu », a déjà fait savoir Jibril Rajoub, l'un des porte-paroles du Fateh. Le grand imam de la mosquée al-Azhar a également annulé sa rencontre avec le vice-président américain, prévue le 20 décembre, preuve que la décision américaine met à mal son statut dans la région.

 

(Lire aussi : Que peuvent faire les Arabes face à Trump ? le commentaire d'Anthony Samrani)

 

Alors que le Conseil de sécurité a rappelé hier son attachement à la solution à deux États, soulignant l'isolement américain, les Palestiniens espèrent que d'autres puissances parviendront à s'imposer comme médiateurs au conflit. « Des puissances régionales comme l'Arabie saoudite, des États à fortes capacités militaires comme la Russie ou des puissances mondiales en devenir comme la Chine, qui a abandonné sa tradition de la non-ingérence dans les affaires extérieures, pourraient jouer le rôle d'intermédiaire », estime Sébastien Boussois, chercheur à l'Université libre de Bruxelles et à l'Université du Québec à Montréal.
Paris veut clairement jouer un rôle. Après avoir été l'un des premiers à réagir à l'annonce de Donald Trump, dénonçant une violation du droit international, Emmanuel Macron recevra dimanche le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. « La France et l'Allemagne sont les deux pays susceptibles de suggérer des médiations et des initiatives en concertation avec les acteurs. Ce sont deux pays qui ont suffisamment de crédit pour porter quelque chose », estime M. Chagnollaud.

Jouer les intermédiaires est une chose, remplacer les Américains en est une autre. « La médiation de l'Union européenne peut être envisagée mais elle ne pourra pas contrebalancer efficacement et durablement le poids américain dans la région », explique Bernard Botiveau, chercheur au CNRS. Aucune puissance ne paraît en effet aujourd'hui capable de jouer les arbitres entre Israéliens et Palestiniens. « Il n'existe pas d'alternative aux États-Unis afin de faciliter les négociations de paix et de parvenir à une solution. Le temps viendra où les Palestiniens devront en prendre conscience », expliquait au journal Le Monde l'ancien ambassadeur américain en Israël, Daniel Shapiro, au lendemain de l'annonce de Donald Trump.

 

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