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Monde - France

Décès de l'ancien juge Van Ruymbeke, figure de la lutte anti-corruption

Le vice-président du tribunal de grande instance français Renaud Van Ruymbeke alors qu'il assiste à la traditionnelle cérémonie des vœux du Nouvel An au tribunal de Paris, le 14 janvier 2014. Photo AFP / Jacques DEMARTHON

L'ancien juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, connu notamment pour avoir instruit l'affaire Elf qui a révélé l'ampleur des réseaux opaques d'influence et d'argent entre la France et ses ex-colonies, est décédé à l'âge de 71 ans. « Le juge Renaud Van Ruymbeke nous a quittés. La France perd un grand magistrat et la Justice un immense serviteur », a annoncé vendredi sur X le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti.

A la retraite depuis 2019, le juge Van Ruymbeke a été un des juges emblématiques de la lutte contre la corruption en France. Il a instruit un grand nombre de scandales politico-financiers de la Ve République. Pilier du pôle financier de Paris dans les années 2000 et 2010, il était décrit comme précis, endurant, et obsessionnellement discret.

Au tournant des années 2000, l'affaire Elf, conduite avec les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky, mettra en lumière les pratiques corrompues des dirigeants pétroliers français et la chaîne des profiteurs qui se sont servis, notamment des dirigeants africains directement rétribués pour exploiter le pétrole dans leur pays, sans que la manne pétrolière ne serve à la population.

En Afrique toujours, le juge Van Ruymbeke a été le cauchemar judiciaire de plusieurs chefs d'Etat africains, en tant que juge instructeur de l'affaire dite des « biens mal acquis », n'hésitant pas, malgré les remous diplomatiques, à perquisitionner leurs propriétés en France ou saisir leurs biens.

Pendant des années, M. Van Ruymbeke, né le 19 août 1952 à Neuilly-sur-Seine, en banlieue parisienne, a aussi traqué les flux présumés de financement occulte par la Libye de Mouammar Kadhafi de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Sa route a croisé celle de l'ancien président à plusieurs reprises, de l'affaire Clearstream à celle de Karachi sur le financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont M. Sarkozy était le porte-parole.

Bête noire

L'annonce de son décès, dont la cause n'a pas été précisée, a suscité l'émotion dans le monde judiciaire qui a salué un homme « indépendant et courageux » et « un esprit libre et déterminé ». Ancien conseiller à la cour d'appel de Rennes, il s'était fait connaître dans les années 1990 dans les affaires retentissantes comme le financement du Parti républicain et surtout l'affaire Urba concernant le financement du Parti socialiste.

C'est là qu'il organise une perquisition surprise au siège du PS, avant d'inculper l'ex-trésorier du parti, alors président de l'Assemblée nationale, Henri Emmanuelli. Il devient alors une bête noire du pouvoir socialiste, encaissant les critiques auxquelles ce fils de haut fonctionnaire répond alors en disant: « Je fais simplement mon travail ».

Dès ses débuts à Caen (nord-ouest), ce magistrat à la silhouette longiligne, portant moustache et fines lunettes, s'était heurté au pouvoir, à l'époque la droite des années 1970. Il instruisait alors une affaire marquée par la mort en 1979 du ministre du Travail Robert Boulin, dont le suicide reste contesté par la famille. « Cela m'a en quelque sorte vacciné pour la suite », confiait Renaud Van Ruymbeke aux auteurs du livre « Sarko m'a tuer ».

D'autres élus ont eu affaire à lui: Jérôme Cahuzac, éphémère ministre du Budget déchu en 2013 pour avoir menti sur un compte caché en Suisse, ou le maire Patrick Balkany et son épouse, condamnés pour fraude fiscale en 2023. Parmi ses instructions, figurent aussi la complexe affaire des frégates de Taïwan et en 2008, l'enquête sur les fraudes géantes du trader de la Société générale Jérôme Kerviel.

Grand pourfendeur de l'évasion fiscale et des paradis fiscaux, l'ancien juge exhortait les Etats à récupérer les pertes de recettes issues « de la fraude fiscale au trafic de drogue et à la corruption ». Dans son dernier livre « Offshore. Dans les coulisses édifiantes des paradis fiscaux » (Ed. Les Liens qui libèrent), M. Van Ruymbeke dénonçait le peu « de volonté politique d'éradiquer le système ».

Face aux multinationales qui font « remonter les bénéfices dans les pays où les taxations sont faibles », il avait appelé à ce « que le droit évolue ».

L'ancien juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, connu notamment pour avoir instruit l'affaire Elf qui a révélé l'ampleur des réseaux opaques d'influence et d'argent entre la France et ses ex-colonies, est décédé à l'âge de 71 ans. « Le juge Renaud Van Ruymbeke nous a quittés. La France perd un grand magistrat et la Justice un immense serviteur », a annoncé...
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