Chaque jour qui passe confirme les interrogations sur le sort du Premier ministre Saad Hariri. Au point qu'à l'issue de la réunion, hier, de la direction du courant du Futur sous l'égide de l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, un communiqué donne clairement la priorité au retour de M. Hariri à Beyrouth. Ce qui était samedi dernier de simples rumeurs sujettes à controverse est désormais une réalité : il y a quelque chose d'anormal dans le séjour de Saad Hariri à Riyad. Et ce ne sont pas quelques réunions annoncées avec des ambassadeurs occidentaux à Riyad qui vont suffire à lever toutes les ambiguïtés qui entourent les circonstances de son séjour soudain en Arabie, alors que ses proches continuent à ne pas pouvoir l'atteindre par téléphone ou, en tout cas, avoir de véritables conversations avec lui.
D'ailleurs, tous ceux qui affirment être entrés en contact avec lui se contentent de dire qu'il va bien et qu'il devrait rentrer bientôt au Liban, sans fournir plus de détails, alimentant ainsi le flou autour de sa situation réelle. Aujourd'hui, tous les Libanais s'interrogent donc sur le sort de leur Premier ministre et réclament des précisions, pointant plus ou moins du doigt les dirigeants saoudiens.
En quelques jours, une grande partie de l'opinion publique libanaise s'est donc retournée et au lieu de reprendre les thèses du ministre saoudien chargé des Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhane, sur la nécessité d'isoler le Hezbollah, voire de lui déclarer la guerre, elle pose des questions sur les circonstances de la démission télévisée de Saad Hariri.
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En donnant, dès samedi, la priorité au retour de Saad Hariri au Liban pour présenter sa démission selon les formes et dans le respect des usages étatiques, le président de la République a donc fait preuve d'une grande sagesse.
Aujourd'hui, il est clair que le plan avait été mis au point pour créer une crise politique grave et diviser encore plus les Libanais. La démission-surprise et surtout le texte contenant des attaques violentes contre le Hezbollah étaient destinés à monter les Libanais contre cette formation pour pousser les autorités à former un gouvernement qui puisse l'isoler et l'affaiblir.
De fait, profitant du choc causé par la démission du Premier ministre, les personnalités radicales du 14 Mars se sont relayées sur les chaînes de télévision pour expliquer le contenu de la déclaration de Saad Hariri et préciser que sa démission était dictée par son ras-le bol à l'égard du comportement du Hezbollah et à travers lui de l'Iran. Ces personnalités ont occulté le scénario de la démission pourtant suspect, pour déplacer le débat vers la condamnation du Hezbollah.
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Si cette condamnation s'était confirmée, le pays serait aujourd'hui en pleine crise non pas seulement institutionnelle, mais aussi politique et populaire, avec des rues mobilisées et radicalisées. Le chef de l'État a donc immédiatement réagi pour recentrer le débat et donner la priorité au retour de Saad Hariri au Liban. Les « faucons du 14 Mars » ont commencé par tourner en dérision cette démarche reprenant le refrain de la libre décision du Premier ministre et justifiant sa présence en Arabie par des menaces sur sa vie, rapidement démenties par tous les services de sécurité du pays qui ont précisé dans des communiqués ne pas être au courant de tentatives d'assassinat contre le Premier ministre. En même temps, Baabda a mené une grande valse de concertations avec toutes les parties politiques libanaises, même les plus petites formations, pour assurer l'unanimité autour de la démarche consistant à réclamer le retour du Premier ministre.
La manœuvre, que certains avaient qualifiée de perte de temps, a porté ses fruits, puisque aujourd'hui toutes les parties reconnaissent l'existence d'anomalies dans le séjour prolongé de Saad Hariri à Riyad. La presse locale et étrangère se pose des questions à ce sujet et, aujourd'hui, les ambassadeurs en poste devraient être officiellement sollicités par le chef de l'État pour réclamer à leur tour le retour de Saad Hariri à Beyrouth.
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Par ce procédé, le président Aoun – et avec lui le président de la Chambre et le chef druze Walid Joumblatt qui ont approuvé sa démarche et appelé à l'unité et à l'apaisement – a pratiquement réussi à retourner la situation. Au lieu de laisser la discorde interne s'approfondir, il a réussi à obtenir un front libanais uni derrière le Premier ministre qui ne sera considéré comme démissionnaire que lorsqu'il aura clairement annoncé cette intention au Liban. De même, les autorités saoudiennes, qui croyaient que le scénario de la démission bouclé à la va-vite pouvait convaincre les Libanais trop occupés à s'entre-déchirer, se sentent désormais sur la sellette. Elles ont d'ailleurs jeté un peu de lest en organisant des rencontres entre M. Hariri et des ambassadeurs occidentaux et elles promettent aussi d'assurer une rencontre entre le patriarche Raï et le Premier ministre, au cours de la visite que compte effectuer le chef de l'Église maronite à Riyad. Mais toutes ces initiatives ne font que confirmer les doutes soulevés par cette démission unique en son genre dans l'histoire du Liban et peut-être aussi dans le monde.
Et maintenant ? Des sources diplomatiques arabes au Liban estiment que l'attitude des responsables libanais va probablement augmenter la colère des dirigeants saoudiens qui vont essayer de trouver de nouveaux moyens pour poursuivre leur offensive contre le Hezbollah. Le ministre al-Sabhane l'a d'ailleurs annoncé dans un tweet hier. La crise est donc loin d'être terminée, mais le premier obstacle a été surmonté.
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16 h 43, le 10 novembre 2017