Depuis ce fameux samedi où Saad Hariri est apparu à la télévision saoudienne pour annoncer sa démission de ses fonctions de Premier ministre du Liban, l'essentiel de l'actualité tourne autour des circonstances de cette annonce et de la forme singulière qui lui a été donnée. Déjà peu trépidante, la vie politique libanaise s'est littéralement figée autour de l'image d'un chef de gouvernement usant, depuis son espèce d'exil, de mots suffisamment virulents pour faire passer le message qu'il n'y aura pas de retour en arrière.
Certes, des concertations politiques se déroulent à un rythme intense au sein d'une classe politique libanaise quelque peu sonnée par ce qui lui arrive. Les clivages mis de côté, tout le monde ou presque se parle et le président de la République parle à tout le monde. Mais ce ne sont précisément que des concertations – c'est-à-dire rien du tout – dont on espère qu'elles deviendront des consultations en bonne et due forme dès lors que la lumière aura été faite sur les circonstances de la démission du Premier ministre et, plus généralement, sur son sort personnel.
Aujourd'hui, demain ou après-demain, la lumière sera faite, il n'y a pas lieu d'en douter. En revanche, il paraît peu probable qu'un processus constitutionnel normal puisse être pour autant remis en marche de sitôt, après le séisme que vient de subir le si fragile édifice politique libanais. Il est ainsi possible d'entrevoir dès cet instant les énormes difficultés qui risquent d'entraver sérieusement, dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, la mise sur pied d'une équipe ministérielle pour succéder à l'actuelle, quelle que soit la formule gouvernementale envisagée.
L'espèce d'entente a minima mise en place il y a un an pour permettre l'accession de Michel Aoun à la présidence de la République et la formation d'un cabinet d'union sous l'égide de Saad Hariri – et donc la reprise, vaille que vaille, de la vie institutionnelle dans le pays – est bel est bien morte. L'Arabie saoudite de Mohammad ben Salmane vient soudain de la jeter à la fosse... que l'Iran de Hassan Rohani (mais surtout de Ali Khamenei) creuse depuis des mois, consciemment ou non. La confrontation entre les deux puissances régionales ayant atteint le stade que l'on sait, on peut d'emblée écarter, dans l'état actuel des choses, toute possibilité de replâtrage, à court ou moyen terme, d'une formule associant les haririens et le Hezbollah au sein d'une même équipe gouvernementale.
(Lire aussi : Démission Hariri : la France n’interviendrait que si elle est officiellement sollicitée)
Retour au duopole
Deuxième scénario, le cabinet à vocation majoritaire, ou « monochrome », comme on préfère le nommer ici, et qui est si normal dans les démocraties apaisées, serait encore plus difficile à mettre sur pied au Liban par les temps qui courent. Pourquoi ? Parce qu'à l'évidence, il serait assimilé, dans un sens comme dans l'autre, à un casus belli dont résulterait une nouvelle destruction du pays, rien de moins. D'ailleurs, personne au sein de la classe politique libanaise ne semble aujourd'hui tenté par une expérience de ce genre, à l'heure où le volcan moyen-oriental est plus menaçant que jamais.
Reste une éventualité, le gouvernement dit « neutre » ou de « technocrates ». Beaucoup évoquent ces jours-ci cette formule et la croient possible. Le cas échéant, ce serait, en effet, faire d'une pierre deux coups : d'une part, le Hezbollah n'étant plus au gouvernement, Riyad n'aurait plus à se plaindre du comportement inamical de l'État libanais, même si le parti pro-iranien reprenait ses attaques antisaoudiennes ; et, d'autre part, on continuerait ainsi à assurer une activité institutionnelle minimale, à commencer par la préparation et la tenue des législatives, prévues en mai prochain.
Mais ceux qui défendent ce scénario ignorent ou feignent d'ignorer qu'il heurte de plein fouet la réalité du modus vivendi imposé dans le pays depuis qu'il a été décidé d'y mettre les textes de côté et de gouverner par le biais de « l'entente nationale ». Cette dernière ne signifie-t-elle pas une entente à trois ou encore à quatre (en incluant la composante druze) ? Or l'avènement d'un gouvernement de « technocrates » marquerait le retour au duopole maronito-sunnite, dans la mesure où, par la force des choses, deux personnes échapperaient toujours au qualificatif de « technocrate » au sein de l'exécutif : le président maronite et le Premier ministre sunnite. Croit-on que le Hezbollah a amassé des dizaines de milliers de missiles pour finir par accepter de bon cœur une telle extrémité ?
Bien sûr, on pourrait multiplier à l'infini les tentatives de compositions chimiques consistant à nommer des ministres qui soient à la fois « technocrates » et réputés proches de telle ou telle formation, mais on ne ferait que déguiser les travers que présentent tous les scénarios évoqués plus haut.
En sorte que, devant l'ouragan de feu qui menace de déferler sur la région, le mieux dont peut encore se parer le Liban pour éviter d'être emporté est... un non-gouvernement.
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S'il y a une seule chose qui est d'une violence et gravité inouïe, qui défi les lois de la civilisation du XXI siècle, c'est le sort du premier ministre libanais Monsieur Hariri. Je ne suis ni pour l'Iran, ni pour l'Arabie quand je parle de mon pays natal, je suis à cent pour cent pour mon pays le Liban. personne au monde n'a le droit de toucher à un des cheveux d'un libanais qu'il soit sunnite, chiite, maronite, orthodoxe, grec, arménien ou autres... Un libanais a le droit à la protection et au respect du Liban et des libanais. S'il y a une nécessité d'un jugement ou d'un procès ce sera au Liban et non dans des pays tiers. Dans les anales de la diplomatie "mondiale" on n'a jamais vu ou entendu parler d'un premier ministre retenu dans un pays tiers), c'est contraire à toutes les conventions en vigueur depuis la deuxième guerre et même avant ...(au passage je rappelle que l'Arabie saoudite préside la commission des droits de l'homme à l'ONU) je ne le dis pas pour faire rire), Exigeons tous ensemble le retour de notre premier ministre ....nous ne sommes pas des jouets !!! La souveraineté totale de l'armée et du pays ensuite viendra naturellement. L'éveil des citoyens est en marche je pense ! Paix et vive les libanais, Assez de souffrance
00 h 54, le 10 novembre 2017