Michel Aoun a reçu hier, entre autres, Amine Gemayel, Samir Geagea, Sleiman Frangié et Fouad Siniora. Photos Dalati et Nohra
C'est pour la prudence et un semblant d'unité que les différentes parties politiques ont opté pour le moment, en attendant d'y voir plus clair. À l'issue d'une journée de concertations qui ont eu lieu hier sous le parrainage de Baabda, les personnalités sollicitées ont choisi leurs mots, mesuré leurs déclarations et préconisé la sagesse pour faire face au cyclone qui vient de frapper le pays et la région après la démission-surprise, annoncée samedi à Riyad, du chef du gouvernement, Saad Hariri. Si les nouvelles du Premier ministre démissionnaire continuent de parvenir à ses proches au compte-gouttes, elles sont symptomatiques du mystère qui continue d'entourer le destin de M. Hariri et qui lie les mains de toute la République dont les institutions sont suspendues jusqu'à nouvel ordre.
Le mystère qui continue d'entourer sa démission et le mutisme dans lequel s'est soudainement muré le chef du gouvernement démissionnaire ouvre grande la voie à toutes les spéculations, en dépit des déclarations officielles faites lundi par Riyad qui se voulaient rassurantes au sujet de la liberté de déplacement dont jouirait M. Hariri. Sa visite hier à Abou Dhabi et celle qu'il doit entamer aujourd'hui à Bahreïn devaient être interprétées dans cet esprit.
Sauf que dans les milieux proches du courant du Futur, on affirmait, hier encore, que les échanges téléphoniques avec M. Hariri « n'ont porté que sur des généralités, des questions qui le concernent personnellement ». « Aucune discussion d'ordre politique n'a été soulevée », a confirmé à L'OLJ une source proche du Futur qui a également évoqué la possibilité que son téléphone « soit mis sur écoute ».
Cette énigme devrait toutefois être élucidée si le retour du Premier ministre démissionnaire a effectivement lieu dans les deux prochains jours, comme l'a laissé entendre notre correspondante Hoda Chédid. Celle-ci a toutefois précisé qu'il ne resterait pas longtemps à Beyrouth et qu'il reprendrait l'avion quelques jours plus tard. Comprendre que sa démission est irréversible et qu'il va falloir trouver la solution de rechange.
C'est à cette éventualité que se prépare dès à présent le chef de l'État, Michel Aoun, qui a pris soin de placer les tractations qu'il a eues hier avec les figures de proue de la nation sous le signe des « concertations » et non des « consultations parlementaires » prévues par la Constitution. M. Aoun, qui a reçu les anciens présidents et les chefs des blocs parlementaires, a toutefois assuré devant ses visiteurs que le délai pour commencer à entamer de véritables consultations en vue de la formation d'un nouveau gouvernement ne sera pas long, ce qui signifie qu'il ne sera pas longtemps conditionné par un retour ou non de M. Hariri.
(Lire aussi : De poudre et de béton, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Il reste à voir quels sont les scénario possibles pour pallier le risque de vide institutionnel. Tout le monde en convient, même si, dans les hautes sphères, on évite d'en parler publiquement : l'Arabie saoudite vient de sonner, abruptement, le glas de la formule du gouvernement-compromis sur lequel reposait le sexennat, mettant en garde contre toute tentative de remettre sur le tapis ce que Riyad affirme ne plus admettre.
« Nous traiterons le gouvernement libanais comme un gouvernement de déclaration de guerre (contre l'Arabie) en raison des milices du Hezbollah », avait menacé lundi le ministre saoudien pour les Affaires du Golfe, Thamer el-Sabhane. Désormais, Riyad n'acceptera plus un gouvernement qui conférerait une légitimité au Hezbollah.
« Le mot d'ordre est clair : il faut changer l'équation militaire qui prévaut actuellement dans la région. Mais personne ne sait où, comment et quand ce sera fait », a confié l'ancien député et membre du courant du Futur Moustapha Allouche. Ce dernier affirme la préférence de sa formation pour un gouvernement chapeauté par une personnalité sunnite éminente au profil « proche de Saad Hariri et sans le Hezbollah ». Une option que ce dernier n'accepterait certainement pas, encore moins le Courant patriotique libre, qui se retrouverait orphelin, voire mis en minorité, dans ce cas de figure. Sans mentionner le fait qu'aucune personnalité sunnite n'accepterait de s'aventurer dans ce qui serait considéré comme un défi ouvert au parti chiite à l'ombre de la guerre des axes qui est à son paroxysme.
L'inverse est tout aussi inacceptable et irréaliste, à savoir un gouvernement monochrome formé par le Hezbollah et ses alliés que présiderait une personnalité sunnite qui leur serait proche. Il reste donc l'éventualité d'un gouvernement technocrate apolitique qui serait chargé de conduire le pays jusqu'à l'échéance des législatives.
« Même dans ce cas de figure, il faudra voir si les Américains, alignés sur Riyad, ne feront pas pression pour changer la loi électorale nouvellement adoptée qui favorise une victoire confortée du tandem chiite », précise M. Allouche. D'ailleurs, le Hezbollah lui-même refuserait la formule d'un gouvernement apolitique « sauf peut-être s'il inclut des technocrates proches de lui », affirme Kassem Kassir, un analyste politique proche des milieux du Hezbollah. Le dernier scénario enfin, serait l'impasse, c'est-à-dire une crise institutionnelle qui perdurerait, le gouvernement démissionnaire se transformant alors en gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes en attendant que se décante le brouillard géant qui a recouvert la région. Car l'incertitude qui prévaut actuellement ne concerne pas le seul Liban, mais la région tout entière.
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commentaires (7)
QUE DE CRISES DEJA VECUES... MAIS CELLE-LA N,EST PAS UNE CRISE, C,EST UN TREMBLEMENT A L,ECHELLE 12 DE RICHTER !
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 26, le 08 novembre 2017