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Liban - Torture

Soupçons de torture : Les conventions internationales interdisent que la partie suspectée soit celle qui enquête

« Il est possible que des militaires aient commis une faute dans des circonstances où ils n'ont pas su se conduire autrement qu'ils ne l'ont fait. Cela arrive dans toutes les guerres », souligne Suzanne Jabbour.

Il est étrange que notre culture juridique soit si indigente, mais le fait est là. Le Premier ministre a nié hier que les quatre détenus, morts après l'opération coup de poing de Ersal, aient pu décéder sous la torture, alors que le pays dispose de l'institution adéquate pour infirmer ou confirmer ces allégations, sans qu'il soit besoin de taire ses doutes, de se mentir ou de s'engager dans des surenchères gratuites pour éviter que l'armée ne soit éclaboussée par cette affaire.


« L'attitude du Premier ministre n'est pas la bonne, assure Suzanne Jabbour, directrice de l'ONG Restart (centre de réhabilitation des victimes de la torture et de la violence, actif à Beyrouth et Tripoli). Il est possible, aurait-il dû dire, que des individus aient commis une faute dans des circonstances où ils n'ont pas su se conduire autrement qu'ils ne l'ont fait. Cela arrive dans toutes les guerres. Mais l'armée va demander des comptes à ces individus, s'ils ont eu recours à la torture. Ouvrons une enquête indépendante. Voilà comment il aurait dû réagir. C'est de cette manière, et de cette manière seulement, qu'il aurait pu répondre aux interrogations de la communauté internationale et des Libanais. »
En lieu et place de cette réaction, les passions se sont déchaînées. Les médias, les réseaux sociaux et la classe politique se sont fait l'écho de l'incident, les uns en faisant de la surenchère contre l'armée, d'autres en affirmant que l'armée est « une ligne rouge » intangible et que la soupçonner fait partie d'un « complot » destiné à l'affaiblir.


En fait, le Liban dispose de toutes les institutions nécessaires pour trancher dans l'affaire suspecte des quatre morts et de sauver l'honneur de l'institution militaire, souligne en substance Mme Jabbour, qui regrette la décision de confier l'enquête sur leur mort à une commission nommée par l'armée.
« La partie suspectée ou accusée de pratiquer la torture ne peut être celle qui enquête, assure Mme Jabbour. C'est la loi internationale qui le dit, pas moi. Sinon, on peut facilement affirmer qu'il existe une manipulation. » Et la directrice de Restart de préciser qu'il existe au sein de l'armée une direction de la loi humanitaire et de la loi internationale, qui doit être bien consciente que l'affaire relève en fait de « l'instance nationale pour la prévention de la torture ».

 

(Lire aussi : Le dossier des déplacés syriens entre contraintes internationales et considérations locales, le décryptage de Scarlett Haddad)

 


De fait, en vertu de la convention de l'ONU contre la torture (ratifiée par le Liban en 2000) et du protocole facultatif de cette convention (ratifié en 2008), le Liban a voté en décembre 2016, avec 9 ans de retard, une loi (62/2016) qui a créé, voici sept mois, deux instances (ou commissions) distinctes et complémentaires : une instance nationale des droits de l'homme et une instance nationale pour la prévention de la torture. C'est de cette dernière que relève l'affaire des quatre morts de Ersal.


« Hélas, ces deux instances ou commissions n'existent encore que sur le papier, déplore Suzanne Jabbour. Le processus de leur formation n'ayant été ni visible ni transparent. » Et de préciser que les candidats à la composition de ces deux instances sont choisis, selon la loi 62/2016, au sein des instances suivantes : les deux ordres d'avocats, les deux ordres de médecins, le Conseil supérieur de la magistrature, l'Université libanaise, l'ordre de la presse et l'ordre des rédacteurs, les ONG et la commission parlementaire des Droits de l'homme. Les noms doivent être soumis au ministère d'État pour les Droits de l'homme, dont le titulaire actuel est Ayman Choucair. C'est ensuite à ce ministère, et au Conseil des ministres de former les deux instances en question, qui comprennent chacune cinq membres.


« La loi accorde de très vastes prérogatives à la commission nationale pour la prévention de la torture, se félicite Mme Jabbour. Ainsi, ses membres sont nommés pour six ans et bénéficient d'une immunité. Elle peut effectuer des visites inopinées (unanounced) partout où elle considère que des formes de torture pourraient être exercées : prisons, postes, centres de détention, et même dans les voitures transportant les prisonniers. Ses visites ne doivent pas être annoncées, et elle peut les multiplier autant qu'elle le souhaite, de nuit comme de jour. »


« Disons-le tout de suite, ajoute-t-elle, s'il existe une volonté réelle de lutter contre la torture au Liban, cette commission doit être formée sans tarder. En attendant, l'armée a tout intérêt à ce qu'une enquête transparente et publique ait lieu. Il n'existe pas d'armée au monde qui soit à l'abri de tels usages. Ainsi, douze militaires danois sont aujourd'hui poursuivis en justice pour torture pratiquée durant la guerre d'Irak. L'important, c'est que des comptes soient demandés à l'issue d'une enquête transparente. Soyons donc transparents et demandons des comptes, et les choses en resteront là. L'État doit encourager ce processus. L'incident n'est pas du tout une preuve que c'est là une politique suivie par l'institution. »
« La torture engendre l'extrémisme, a affirmé dans un tweet Walid Joumblatt, avant de se reprendre pour qu'on n'aille pas croire qu'il justifie une éventuelle violence en retour, conclut Mme Jabbour. Mais le fait est là : on ne peut baser la sécurité sur ces méthodes, la haine engendre une haine en retour. » Un avertissement qui s'adresse à tous, à un moment où une vague de xénophobie, alimentée inconsciemment parfois par certains médias, déferle sur le pays.

 

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Il est étrange que notre culture juridique soit si indigente, mais le fait est là. Le Premier ministre a nié hier que les quatre détenus, morts après l'opération coup de poing de Ersal, aient pu décéder sous la torture, alors que le pays dispose de l'institution adéquate pour infirmer ou confirmer ces allégations, sans qu'il soit besoin de taire ses doutes, de se mentir ou de s'engager...

commentaires (3)

ON DONNE RAISON A L,EGYPTE ET A D,AUTRES POUR LA LIQUIDATION DES TERRORISTES... ON SE FAIT DE LA BILE PRETENDUMENT SI 4 ONT TREPASSE CHEZ NOUS...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 36, le 11 juillet 2017

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Commentaires (3)

  • ON DONNE RAISON A L,EGYPTE ET A D,AUTRES POUR LA LIQUIDATION DES TERRORISTES... ON SE FAIT DE LA BILE PRETENDUMENT SI 4 ONT TREPASSE CHEZ NOUS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 36, le 11 juillet 2017

  • Que de mauvaise foi, Mon Dieu!!!!

    NAUFAL SORAYA

    10 h 04, le 11 juillet 2017

  • "La partie suspectée ou accusée de pratiquer la torture ne peut être celle qui enquête". propos de simple de bon sens.

    Yves Prevost

    07 h 42, le 11 juillet 2017

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