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Liban - Ersal

Tentatives d’entraîner l’armée dans une guerre qui n’est pas la sienne

Khalil Hélou.

Les spéculations sur une prochaine offensive de l'armée contre des groupes armés syriens dissimulés dans le jurd de Ersal se multiplient dans les médias, attribuées le plus souvent à des sources « proches du commandement du Hezbollah ». Est évoquée à cet égard une éventuelle coopération entre l'armée libanaise et l'armée syrienne d'Assad, au même titre que la coopération de la première avec le Hezbollah. Dans ce contexte, des raids aériens de l'armée syrienne régulière sur des positions du Front al-Nosra dans le jurd de Ersal, dans la nuit de dimanche à lundi, ont été rapportés par l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).

Mais le Premier ministre Saad Hariri a déclaré hier que cette bataille, si elle doit avoir lieu, serait décidée souverainement par l'armée libanaise. « L'armée sait ce qu'elle a à faire, et son commandant ainsi que le ministre de la Défense savent qu'ils bénéficient de la couverture politique pour mettre en œuvre toute opération qu'ils jugeraient opportune », a-t-il affirmé, lors d'un point de presse ayant fait suite à son entretien avec le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, en présence du ministre de la Défense Yaacoub Sarraf. M. Hariri a en outre coupé court aux tentatives de mettre en confrontation armée et déplacés, en insistant sur le souci de l'institution de sauvegarder la sécurité des civils. Le chef du gouvernement a enfin opposé un non solennel à tout acte de guerre unilatéral du Hezbollah dans le jurd de Ersal. « Absolument pas », s'est-il contenté de répondre à la question de savoir s'il soutiendrait l'ouverture d'une bataille par le parti chiite.

Même s'il n'a pas rejeté explicitement l'optique d'une coordination entre l'armée et le Hezbollah sur le terrain de Ersal, le Premier ministre a opté pour un ton d'apaisement, qui rompt avec l'atmosphère de prébataille charriée par des médias ou sources proches du parti chiite.

De l'avis du général à la retraite Khalil Hélou, l'armée libanaise n'aurait actuellement nul intérêt à mener une bataille dans le jurd de Ersal. « Cette étendue de 400 km2 aux frontières non délimitées, où sévissent des groupes syriens armés, souvent en rivalité », est sans utilité stratégique pour l'armée libanaise. Ayant réussi à sécuriser « l'intérieur des frontières libanaises », y compris le village de Ersal, l'armée se trouve en position de mener, si besoin est, des opérations « préventives » ponctuelles face au risque d'attentats sporadiques. « Pourquoi dès lors s'aventurer au-delà de son territoire, dans un no man's land, pour y mener une attaque coûteuse contre l'État islamique et le Front al-Nosra ? » s'interroge M. Hélou en substance.

Sa lecture est confortée par des informations sécuritaires, transmises hier à L'Orient-Le Jour : il y aurait effectivement dans les environs de Ersal une mobilisation militaire en vue d'une offensive contre le jurd. Mais cette mobilisation ne concerne pas l'armée libanaise, elle est uniquement observée dans les rangs du Hezbollah. Toujours selon nos informations, une offensive est à prévoir, mais « pas avant vingt jours ».
Cela confirme la disposition du parti chiite à entamer son attaque, en coordination avec le régime syrien. Mais rien n'est sûr concernant les motifs de cette offensive, ni ses cibles potentielles (les camps de Ersal seraient-ils inclus ?).

 

(Lire aussi : Le dossier des déplacés syriens entre contraintes internationales et considérations locales, le décryptage de Scarlett Haddad)

 

 

Le délai de vingt jours est en soi un indice que la décision de la bataille n'est pas encore tout à fait tranchée du côté du Hezbollah, qui aurait néanmoins intérêt à garder cette option ouverte. Et à le faire savoir. Le terrain libanais reste en effet une carte de pression aux mains des Iraniens, face aux deux principaux décideurs sur le terrain syrien, à savoir les États-Unis et la Russie. Rappelons que ces deux puissances sont convenues vendredi dernier, et sans la participation de l'Iran, d'un cessez-le-feu dans le sud de la Syrie, en vue de créer une zone de désescalade dans les provinces de Deraa, de Quneitra et de Soueida, qui serait supervisée dans un premier temps par la Russie, en coordination avec la Jordanie et les États-Unis. Pour M. Hélou, cette décision est « une épée à double tranchant pour l'Iran et ses forces déployées sur le terrain ». Si la décision est mise en échec comme les précédents accords de cessez-le-feu, le régime syrien et le Hezbollah pourront bénéficier de ce temps intermédiaire, en se concentrant sur Deir ez-Zor et Palmyre. En revanche, le maintien durable du cessez-le-feu préluderait à un règlement politique du conflit, auquel Bachar el-Assad n'aurait aucun intérêt dans l'absolu, ni l'Iran tant qu'il n'a pas consolidé ses zones d'influence sur le terrain.

C'est ce qui expliquerait que les forces du régime, secondées par le Hezbollah, aient lancé hier une attaque contre Soueida. Pour justifier cette attaque contre la province druze, devenue prorégime en partie sous la contrainte, un proche du Hezbollah interrogé par L'OLJ évoque « la survivance de poches terroristes dans cette province ». Ce serait en réalité, pour lui, un moyen de gagner du temps, pour pouvoir consolider ses assises sur le terrain. C'est sous cet angle que pourraient s'expliquer les efforts qu'il a menés pour tenter de convaincre une partie des déplacés, issus de l'opposition, installés à Ersal de retourner vers des villages de l'ouest du Qalamoun et qui sont sous son contrôle. Pour M. Hélou, la tactique du parti chiite serait de démontrer sa capacité à préserver la sécurité des opposants dans des zones qu'il contrôle, de manière à ôter tout prétexte à Moscou d'y étendre la zone de désescalade. Ses efforts n'ont pas abouti pour l'instant, en grande partie en raison du fait que le régime syrien ne s'est pas conformé aux garanties de sécurité faites par le Hezbollah aux opposants. Faut-il comprendre qu'une bataille ouverte dans le jurd de Ersal soit l'ultime moyen pour le parti chiite de circonscrire la désescalade ?

Cette bataille ne sera pas en tout cas sans de lourdes retombées pour l'armée libanaise. Parce qu'une telle offensive, menée par le Hezbollah, aurait de fortes chances d'entraîner la troupe dans une bataille qu'elle n'aurait pas choisie.
Et cela, même si les spéculations médiatiques se font plus prudentes. Des sites d'informations annonçaient hier, cette fois en citant des « sources ministérielles », que « la bataille contre les Syriens armés dans le jurd de Ersal est désormais inévitable ». Selon les mêmes sources, « le timing de la bataille sera décidé par le régime syrien, en coordination avec l'armée libanaise, étant donné que l'offensive sera menée par des unités relevant du régime syrien et de ses alliés, et que l'armée libanaise aura pour seul rôle de circonscrire les groupes armés fuyant le front ». Ce rôle d'arrière-garde suffira-t-il à épargner l'armée, et avec elle le cabinet, d'une guerre qui n'est pas la leur ?

 

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Les spéculations sur une prochaine offensive de l'armée contre des groupes armés syriens dissimulés dans le jurd de Ersal se multiplient dans les médias, attribuées le plus souvent à des sources « proches du commandement du Hezbollah ». Est évoquée à cet égard une éventuelle coopération entre l'armée libanaise et l'armée syrienne d'Assad, au même titre que la coopération de...

commentaires (5)

Il est clair que le régime syrien et ses alliés chiites cherchent à exporter leur conflit antisunnite au Liban. Ersal est un verrou sunnite dans la continuité de la ligne chiite qui longe les plateux et les crêtes de l'Anti-Liban. Ersal doit tomber ... selon cette logique sauf si l'armée libanaise tient. Mais si le verrou de Ersal tombe, le Liban ne sera plus qu'une vulgaire province de la Syrie Utile, capitale Damas.

COURBAN Antoine

16 h 34, le 12 juillet 2017

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Commentaires (5)

  • Il est clair que le régime syrien et ses alliés chiites cherchent à exporter leur conflit antisunnite au Liban. Ersal est un verrou sunnite dans la continuité de la ligne chiite qui longe les plateux et les crêtes de l'Anti-Liban. Ersal doit tomber ... selon cette logique sauf si l'armée libanaise tient. Mais si le verrou de Ersal tombe, le Liban ne sera plus qu'une vulgaire province de la Syrie Utile, capitale Damas.

    COURBAN Antoine

    16 h 34, le 12 juillet 2017

  • L'armée libanaise pendant la guerre de nahr el berid l'armée n'avait pas les instruments nécessaire et à quand même gagner cette guerre !! Alors l'armée est qualifiée et à les instruments de faire la guerre et c'est à elle et à elle seule de défendre le territoire libanais et si la population pense devoir aider l'armée alors se sera toute sa population qui l'aidera et non une seule communauté !!!

    Bery tus

    14 h 02, le 11 juillet 2017

  • Cette region fait-elle partie du territoire libanais? Oui. Le hezbollahbet l'armee syrienne peuvent-ils y intervenir? OUI. Pourquoi? Que peut-elle faire d'autre? On a une armée sur qualifiée et sous armée. T'as pas les armes pour te defendre et t'affirmer tu restes de côté.

    Chady

    11 h 06, le 11 juillet 2017

  • LES AVENTURIERS ATTIRENT PAR REACTION LES TARES DANS CE PAUVRE PAYS POUR LE DETRUIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 35, le 11 juillet 2017

  • La question qui se pose est: "Cette région fait-elle partie du territoire libanais ou non?" Si oui, l'armée libanaise et elle seule est habilitée à intervenir si elle le juge opportun. Ni l'armée syrienne, ni la milice du Hezbollah n'ont à y faire. Si non, c'et l'armée libanaise qui n'est pas concernée.

    Yves Prevost

    07 h 16, le 11 juillet 2017

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