Le Hezbollah et les partis prosyriens ont appelé hier d’une même voix à la collaboration avec le régime Assad sur le retour des réfugiés, lors de la commémoration de l’exécution d’Antoun Saadé. Photo ANI
Les retombées du raid militaire et de quatre offensives terroristes dans les deux camps de Nour et Qariyé à Ersal ont continué d'alimenter les débats durant le week-end, les protestations des milieux militants pour les droits de l'homme se heurtant à un climat politique très largement soucieux de défendre l'armée comme « une ligne rouge infranchissable » , selon les propos utilisés hier par le député aouniste Ibrahim Kanaan, au lendemain des accusations de torture qui ont été soulevées ces derniers jours.
Au niveau politique, le Hezbollah a appelé à reprendre d'urgence le dialogue avec Damas afin d'assurer le retour des déplacés. Cet appel a suffi pour réintroduire dans l'arène consensuelle du pouvoir une question litigieuse d'ordre stratégique. Certes, le Premier ministre s'est hâté, lors du dernier Conseil des ministres, de rappeler l'impossibilité d'un compromis sur la question et l'inutilité d'en débattre, en même temps que d'autres ministres suggéraient l'alternative d'emprunter les voies onusiennes pour assurer un retour sûr des déplacés.
Mais à cette réponse « réaliste », le Hezbollah a opposé hier un refus net, par la voix du chef de son bloc parlementaire, le député Mohammad Raad. Prenant part à la commémoration annuelle de l'exécution d'Antoun Saadé, fondateur du Parti populaire syrien (PPS), devant des représentants des partis prosyriens, du Parti syrien national social, du mouvement Amal, des Marada, du Tachnag et du Courant patriotique libre (ce dernier étant le seul, toutefois, à ne pas avoir réclamé explicitement un dialogue avec Damas), M. Raad a appelé à « aborder le dossier des déplacés avec fermeté et courage (...). Il n'y a d'autre moyen de le faire que celle d'une entente directe entre les deux gouvernements du Liban et de la Syrie ». Et de préciser, dans un concert de voix le soutenant : « Le pari sur l'ONU est une perte de temps, une cause d'atermoiement, voire le moyen de livrer ce dossier au bazar politique, sans d'autre issue que celle de prolonger la pression et les souffrances des uns et des autres. »
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La nouvelle « bataille » de Ersal
Ces propos, qui ne font pas mention explicite du retour des déplacés, sont comme un appel général à une coopération entre Damas et Beyrouth sur tout ce qui a trait à la présence des Syriens sur le sol libanais.
Il serait possible d'y voir, plus précisément, un appel à une coopération bilatérale de nature militaro-sécuritaire (par opposition au « bazar politique » dénoncé par M. Raad). Des rumeurs circulent déjà dans les médias, attribuées à des milieux proches du Hezbollah, d'une nouvelle « bataille » à Ersal. Selon les sources, il est tantôt question d'une offensive conjointe du parti chiite et de l'armée syrienne régulière, tantôt question d'une opération menée par l'armée libanaise avec l'aide du Hezb. Une source chiite indépendante n'écarte pas l'éventualité d'une « coopération à trois », une coordination de fait entre Beyrouth et Damas, forcée par le Hezbollah, sous prétexte d'une nouvelle bataille à Ersal.
« Une bataille contre qui ? » s'interroge sur ce point l'avocat syrien Wissam Tarif, qui dénonce une volonté de « terroriser » les déplacés, plus que de les inciter au retour. « Si la volonté réelle du Hezbollah était de les ramener chez eux, aucun problème ne se serait posé », dit-il, en rappelant que la plupart des déplacés présents à Ersal sont originaires de Qousseir et « sont prêts à y rentrer à tout moment ». Mais des considérations similaires sont comme balayées par les politiques, qui préfèrent les discours alarmistes en guise de soutien à l'armée. En visite hier à Jeb Jennine au Liban-Sud au siège de la troisième brigade d'infanterie, le ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf, a ainsi appelé l'armée à prendre garde contre les « ennemis du Liban, qui prennent mal l'idée de la stabilité » du pays.
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Le cas des prévenus syriens décédés
L'appel du Premier ministre Saad Hariri, lors du dernier Conseil des ministres, à enquêter sur les cas de Syriens décédés en détention dans des casernes de Ersal aurait dû prendre la forme d'une décision prise en Conseil des ministres, sans quoi tout porte à croire que l'étau doive encore se resserrer sur les camps. Le bureau du Premier ministre a attendu hier pour signaler que c'est bien « une décision en Conseil des ministres » qui a été prise dans ce sens, sachant pourtant que rien ne l'a indiqué dans le procès-verbal de la réunion. Cette tentative de se rattraper laisse-t-elle présager une enquête transparente ? Rien n'est encore sûr.
Après avoir établi sa compétence exclusive en la matière, le tribunal militaire a décidé de mener une enquête sur trois des sept cas de décès signalés 48 heures après leur détention. Mais les avocats des familles des trois victimes en questionnent les procédés et doivent se rendre demain au siège du tribunal militaire pour déposer une demande de désignation de quatre médecins légistes, dont deux qui soient choisis par elles.
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Des pressions politico-sécuritaires
Outre les procédés judiciaires, ce sont surtout les pressions politico-sécuritaires qui couvent sous le dossier, révélées d'ailleurs par un mutisme politique quasi général sur l'hypothèse de décès qui auraient été provoqués, ne serait-ce qu'accidentellement, par des éléments de l'armée – cela sans parler de la possibilité, comme le rapportent des sources bien informées, que ce soient « des éléments du Hezbollah, familiers des casernes militaires de Ersal, qui aient mené les interrogatoires ». Seul à avoir condamné vertement les décès des détenus, le député haririen Okab Sakr essuie des accusations de « soutien au terrorisme contre l'armée » par des inconditionnels de Bachar el-Assad, comme le général à la retraite Moustapha Hamdane, qui a appelé hier à « lever l'immunité parlementaire » du député.
Des pressions directes s'exerceraient en outre sur les familles des trois victimes pour renoncer à leur action, selon des sources proches du dossier, qui évoquent le risque que les trois corps, qui sont toujours à l'hôpital de Zahlé, ne disparaissent mystérieusement... D'ailleurs, ceux des quatre autres victimes ont été enterrés à Ersal dans des conditions équivoques. « Les corps ont été remis par l'armée au président du conseil municipal de Ersal, qui s'est vu contraint de coopérer », affirme une source proche des victimes. Le responsable municipal aurait été conseillé par des activistes des droits de l'homme présents sur le terrain d'obtenir l'autorisation officielle préalable du ministère de l'Intérieur. Une autorisation qu'il aurait sollicitée, sans que le ministère ne lui réponde, le laissant seul face à une « situation peu enviable », selon la source. De fait, les corps ont été enterrés sans avoir été examinés et leur état n'a été documenté que par le biais de photos d'amateurs ou de journalistes-citoyens présents sur les lieux.
(Lire aussi : La polémique enfle dans l’affaire des quatre Syriens décédés à Ersal)
En revanche, des photographies ont été prises sur les trois autres, aussi bien par les médecins légistes que par les avocats des victimes. Ceux-ci entendraient les soumettre à une expertise internationale, parallèlement à l'enquête menée par les autorités locales. On apprenait par ailleurs que parmi ces trois victimes, l'une d'elles, un Syrien membre du corps infirmier de l'hôpital de Zahlé, n'a pas été arrêté dans la foulée du raid à Ersal, mais à son domicile, situé hors du camp. Toujours selon nos informations, en plus des sept morts remis par l'armée, six blessés seraient actuellement soignés à l'hôpital Hraoui à Zahlé et placés sous haute surveillance militaire. Contacté hier par L'Orient-Le Jour pour des éclaircissements sur ces cas, le ministère de l'Intérieur restait injoignable.
Il reste qu'une réunion est prévue aujourd'hui au Grand Sérail entre le Premier ministre et le commandant en chef de l'armée, à la demande du premier. Mais, dans une tentative manifeste de faire pression sur le Premier ministre et de mener le dossier à l'impasse, des voix s'élevaient déjà hier soir, par le biais de certains organes de presse, pour dénoncer cette « convocation irrégulière » du commandant en chef de l'armée par Saad Hariri et « le silence honteux » du ministre de la Défense à cet égard...
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Les milliers de réfugiés syriens au Liban et ailleurs sont les victimes du régime syrien et des regimes arabes qui ont alimenté la guerre civile et encouragé la population à se déplacer vers les pays voisins et en particulier le Liban afin de créer une nouvelle donne explosive ! Encourager des populations arabes a fuir vers d'autres pays n'est pas nouveau! En 1948 les regimes arabes ont encouragé les palestiniens a fuir( pour quelques semaines !!!) leur disaient ils, et on connaît la suite.: création au Liban d'une force militaire avec l'OLP afin de déstabiliser le pays qui a sombré dans une sale guerre civile! Et aujourd'hui certains régimes arabes ont tenté d'exploiter le drame des refugies syriens au Liban en cherchant à les militariser pour les utiluser par la suite en tant que milice "sunnite " dans des affrontements qui nous auraient renvoyer 40 ans en arrière, comme en 1975 avec le déclenchement de la guerre civile libanaise !
00 h 17, le 11 juillet 2017