C'est à la veille du douzième anniversaire de la grande manifestation du 14 mars 2005 et de la sixième commémoration du déclenchement de la crise syrienne (15 mars 2011) que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s'est lâché contre le Hezbollah et son intervention dans le conflit en Syrie, estimant que le parti chiite a pris part à cette guerre sans aucune considération pour la position officielle libanaise de distanciation.
« Cela a embarrassé les Libanais et les a divisés entre ceux qui étaient favorables à cette intervention et ceux qui étaient contre », a affirmé sans détour le dignitaire religieux dans un entretien accordé à la chaîne Sky News. Et de poursuivre : « Lorsque le Hezbollah est entré en Syrie, il ne l'a pas fait sur ordre de l'État (...). La décision du parti divise à ce jour les Libanais. » Le chef de l'Église maronite a même été plus loin : « Je suis citoyen et mon partenaire est citoyen. Mais lui est armé et moi non. Cela est anormal. » Il a toutefois tempéré ses propos : « Si le Hezbollah était une milice en dehors de l'État, la situation aurait été différente. La réalité est tout autre, aujourd'hui le parti prend part au pouvoir. » En effet, le parti chiite est présent au Parlement ainsi qu'au sein du gouvernement dirigé par le Premier ministre Saad Hariri.
Outre le fait que ces propos que certains qualifient de « forts » émanent de la plus haute autorité religieuse chrétienne du pays, et pointent ouvertement un doigt accusateur en direction du Hezbollah, les propos de Mgr Raï revêtent une importance capitale, dans la mesure où ils interviennent un mois après le soutien apporté par le président de la République, Michel Aoun, à l'arsenal du parti dirigé par Hassan Nasrallah, et quelques jours après les attaques lancées par le secrétaire général du parti contre les pays du Golfe.
Dans certains milieux politiques, on lisait hier entre les lignes de l'entretien télévisé du patriarche maronite « une réponse implicite aux propos de Michel Aoun qui continue de graviter dans l'orbite du parti chiite, en dépit de son accession à la tête de l'État, le 31 octobre dernier ». Des sources proches des Kataëb vont même jusqu'à déclarer à L'Orient-Le Jour que c'est justement ce que le parti craignait, et c'est pour cette raison qu'il a refusé de voter Aoun.
De leur côté, les protagonistes politiques hostiles à l'intervention militaire du Hezbollah dans la guerre syrienne et au maintien de ses armes se sont félicités de la teneur des propos du patriarche, dans la mesure où ils rappellent l'importance du monopole du port des armes et les constantes de l'édification d'un État fort au Liban. C'est le cas bien entendu des Forces libanaises, du courant du Futur et des Kataëb.
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Sleiman exhorte Aoun
L'ancien président de la République Michel Sleiman met, lui, l'accent sur l'importance de respecter et appliquer la déclaration de Baabda (11 juin 2012) approuvée lors des séances de dialogue tenues au palais présidentiel durant son mandat.
Interrogé par L'OLJ, M. Sleiman estime que le patriarche maronite ne fait que plaider pour ce qui devrait s'appliquer (la distanciation du Liban par rapport au conflit des axes). Selon lui, « la non-application de la déclaration de Baabda entrave l'édification d'un État fort. La distanciation du Liban est une demande historique », ajoute l'ancien président, appelant Michel Aoun à tenir une table de dialogue pour établir une stratégie de défense et appliquer les décisions de la table de dialogue précédente. M. Sleiman a exhorté le chef de l'État à profiter de sa participation au sommet arabe pour plaider en faveur d'un appui au Liban et à la déclaration de Baabda.
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« Raï a ressenti le danger »
À Saïfi, le chef des Kataëb Samy Gemayel se félicite à son tour des propos du cardinal Raï, « qui viennent rappeler les constantes souverainistes pour lesquelles les Kataëb ont mené de grandes batailles ». À L'OLJ, le jeune député du Metn assure que sa formation poursuivra la lutte pour un Liban souverain parce qu'un État fort ne peut être édifié sans égalité et respect de la Constitution. « Il est intolérable de plonger le pays dans des problèmes dont il ne veut pas. Cela devrait être une décision prise par les Libanais », estime M. Gemayel.
Commentant le timing des propos du patriarche maronite, le chef des Kataëb souligne que « Mgr Raï a senti le danger après les propos présidentiels, dans la mesure où ils sont nocifs. Et il est normal que certains s'élèvent contre de telles prises de position ». Samy Gemayel a enfin exprimé l'espoir que M. Aoun revienne sur ses positions aux conséquences « dangereuses ».
Ammar Houri, député du courant du Futur de Beyrouth, s'est contenté quant à lui de faire état de l'appui de sa formation aux propos du patriarche. « Nous refusons toutes armes illégales », dit-il à L'OLJ, soulignant que « Mgr Raï s'en est pris au Hezbollah en ce moment parce qu'il en a ras le bol, notamment après l'attaque de Hassan Nasrallah contre les monarchies du Golfe. »
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« Pas de confrontation », pour les FL
De leur côté, les Forces libanaises se veulent plus prudentes : « Nous ne sommes pas dans une phase de confrontation », indique à L'OLJ un proche de Samir Geagea, notant, toutefois, que Mgr Raï a rappelé les motifs de la crise chronique du pays. Selon ce cadre, « si les propos du chef de l'Église maronite décrivent une réalité, ils reflètent une position nationale axée sur la consolidation de l'État et de ses institutions ».
Notons enfin que l'ex-ministre de la Justice, Achraf Rifi, farouche opposant au Hezbollah et au régime Assad, s'est félicité samedi des propos tenus par Mgr Raï. « Les propos du patriarche Raï sont ceux de tous les Libanais qui sont attachés à la souveraineté du Liban et refusent les armes illégales qui sèment le chaos sur la scène locale et représentent une carte entre les mains de l'Iran au service de ses projets expansionnistes (...) », a dit M. Rifi dans un communiqué.
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MAIS PAS DU TOUT, le liban se serait bcp mieux porter si le hezb ne se serait pas immiscer en syrie et cela la plupart des libanais le savent mais feins du contraire juste pour caresser le bon coter du poils si vraiment le LIBAN VOULAIT FAIRE UNE GUERRE PREVENTIVE CELA AURAIT A L'ARMEE LIBANAISE ET A ELLE SEULE DE RENTRER EN SYRIE
18 h 34, le 14 mars 2017