Après une période floue, les forces politiques hostiles à l'élection du général Michel Aoun à la présidence sont en train de sortir de leur léthargie. La déclaration du président sur la complémentarité entre les armes du Hezbollah et celles de l'armée dans le cadre d'une stratégie nationale de défense, suivie par celle du secrétaire général du Hezbollah dans son dernier discours relative à l'Arabie saoudite et à son influence dans plusieurs pays de la région, a eu l'effet d'un coup de fouet sur tous ceux qui croyaient que l'arrivée du général Aoun à Baabda était de nature à calmer ses ardeurs en direction du Hezbollah, surtout après l'ouverture marquée de l'Arabie saoudite à son égard.
Tous ceux qui croyaient donc à une « déviation centriste » du nouveau président et à son rapprochement des thèses du 14 Mars, suite notamment à son alliance avec les Forces libanaises, en ont donc été pour leurs frais et ils ont immédiatement décidé de réagir. Comme par hasard, les positions au sujet de la nouvelle loi électorale se sont radicalisées et alors qu'on croyait un accord proche, les discussions semblent être revenues au point de départ. C'est dans ce contexte de blocage interne qu'est intervenu l'appel téléphonique tant attendu de l'homme fort d'Arabie saoudite, l'émir Mohammad ben Salmane, au Premier ministre Saad Hariri, suivi d'une invitation adressée à ce dernier pour effectuer une visite officielle à Riyad. Quelques jours auparavant et dans le cadre de la cérémonie destinée à la commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri le 14 février, le chef du courant du Futur et le chef des Forces libanaises Samir Geagea avaient fait une entrée spectaculaire main dans la main dans la salle. À leur tour, les États-Unis se sont soudain souvenus du Liban. La semaine dernière, le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat Bob Corker est venu pour une visite de plusieurs jours, au cours de laquelle il s'est même rendu à Ersal. Lundi prochain, une délégation militaire américaine de haut rang se rendra aussi à Beyrouth.
Mis à bout à bout, tous ces développements donnent le sentiment que « la période dite d'état de grâce » après le compromis qui a abouti à l'élection de Michel Aoun à la présidence serait terminée. C'est donc un peu comme si la déclaration du président (qui a été globalement sortie de son contexte parce qu'il n'a jamais dit que l'armée était trop faible face au Hezbollah) avait déclenché une véritable tempête qui a brusquement sorti le camp arabo-occidental traditionnellement hostile à Michel Aoun de sa confortable léthargie.
Placés dans un contexte politique, les différents développements montrent donc que ce camp-là a décidé de réagir. D'abord dans une tentative de redonner vie au mouvement du 14 Mars à travers le resserrement des liens entre les FL et le Futur, ensuite dans un appui plus prononcé au Premier ministre Saad Hariri de la part des dirigeants saoudiens, qui s'est traduit par une invitation officielle. Le tout pour contrebalancer le poids du président et réduire l'influence du Hezbollah.
De même, les deux visites américaines successives sont aussi un message adressé au chef de l'État et à ses alliés sur le fait que Washington rejette l'équation selon laquelle le Hezbollah serait plus fort que l'armée. Même si, selon des sources militaires jusqu'à présent, il n'y a eu aucune mesure concrète qui montre que l'administration américaine est décidée à augmenter son aide à l'armée libanaise. Dans le même sillage, des sources saoudiennes affirment qu'une partie des armes françaises qui étaient destinées à l'armée libanaise dans le cadre du fameux don saoudien de trois milliards de dollars a été remise à l'armée saoudienne, alors qu'il avait été question de relancer ce don après la visite du président Aoun à Riyad.
Pour l'instant, il s'agit de messages médiatiques forts, qui se sont accompagnés de nouvelles menaces israéliennes à l'adresse du Hezbollah. En même temps, la situation régionale semble connaître une nouvelle redistribution des cartes. La Turquie, qui s'était rapprochée de la Russie au cours des derniers mois, semble amorcer un nouveau virage proaméricain alors que l'idée de créer une force arabe sous la houlette des Américains et avec l'appui des Israéliens face à l'Iran fait son chemin. La volonté affichée du nouveau président américain Donald Trump de contenir et de réduire l'influence iranienne au Moyen-Orient a donné un nouvel élan aux monarchies du Golfe et à la Turquie. Il devrait se traduire par de nouvelles flambées de violence en Syrie et au Yémen. Selon des sources concordantes, le Liban doit rester en principe à l'abri de toute secousse significative sur le plan sécuritaire. Mais la situation politique, elle, est en train de se compliquer. Le bras de fer entre les protagonistes s'intensifie au moment où d'importants développements régionaux se produisent. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Même s'il n'est plus la caisse de résonance des divergences interarabes, le Liban reste sous l'influence de ce qui se passe autour de lui...
Du baratin comme toujours...pauvre LIBAN...
15 h 46, le 25 février 2017