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Liban - Polémique

Un recours au nom de Aïn Dara contre le projet de mégacimenterie

L'enjeu de la démarche auprès du Conseil d'État vise à demander l'annulation pure et simple du permis d'établissement de l'usine, accordé par le ministère de l'Industrie à ses propriétaires.

La bataille se poursuit, a assuré hier le président du conseil municipal de Aïn Dara. Photo Ani

La polémique autour de la construction d'une mégacimenterie dans le village de Aïn Dara (caza du Chouf) par l'homme d'affaires Pierre Fattouche a pris hier une nouvelle tournure : plusieurs notables du village, dont le président du conseil municipal, Fouad Haydamous, ainsi que des associations de la société civile, ont signé un recours qui a été présenté au Conseil d'État pour l'annulation du permis d'établissement de l'usine, octroyé par le ministère de l'Industrie. Le recours a été présenté par l'avocat Nach'at Hassaniyé.

Ce projet de mégacimenterie était prévu à Zahlé initialement, mais il a été transféré vers Aïn Dara après le refus opposé par les habitants et les partis politique du chef-lieu de la Békaa. Bien que les propriétaires ont obtenu un permis pour l'établissement de leur usine, délivré par le ministère de l'Industrie, ils se heurtent désormais au refus du nouveau conseil municipal de Aïn Dara de leur octroyer un permis de construire, ainsi qu'à l'opposition populaire. Pas plus tard que ce week-end, des habitants ont bloqué le transport d'équipements vers le terrain où M. Fattouche prévoit d'installer son usine, d'où un bras de fer engagé avec les hommes de ce dernier, et une interruption de son activité.

Antoine Haddad, secrétaire général du mouvement du Renouveau démocratique, originaire de la région et militant contre le projet, explique les enjeux de ce recours.
« Nous avons déjà reçu l'appui de plusieurs forces politiques majeures, mais notre objectif, à travers cette démarche, est une annulation du permis par une institution comme le Conseil d'État, ce qui bloquerait officiellement ce projet », dit-il à L'Orient-Le Jour. M. Haddad rappelle que le permis du ministère de l'Industrie avait été initialement octroyé aux propriétaires en septembre 2015. « Le conseil municipal d'alors, beaucoup plus proche du point de vue des propriétaires de l'usine, n'avait pas objecté dans les délais, ni les habitants d'ailleurs, parce qu'il n'y avait pas eu d'annonce publique, contrairement à l'usage », explique-t-il.

 

(Pour mémoire : Entre sit-in et agressions, le ton monte d'un cran entre Aïn Dara et les frères Fattouche)

 

Au confluent de quatre fleuves
Le secrétaire général du Renouveau démocratique affirme que les arguments présentés dans le recours contre le projet sont substantiels. « Premièrement, il est prévu que l'usine s'installe dans un terrain limitrophe de la réserve naturelle des Cèdres du Chouf, transgressant ainsi une des règles de la loi sur les réserves, qui oblige à respecter une zone-tampon d'au moins 500 mètres autour du site, explique-t-il. Deuxièmement, la compagnie qui a demandé le permis avait précédemment enfreint les règles du plan directeur des carrières, en ne respectant pas les principes d'exploitation de carrières comme le terrassement et le reboisement par exemple. Des carrières qu'elle avait exploitées à Aïn Dara, de surcroît. Sur un troisième plan, l'étude d'impact environnemental du projet est trop complaisante, à nos yeux, envers les constructeurs de l'usine. Comment peut-on négliger le fait qu'un tel projet, situé à 1 500 mètres d'altitude, peut causer des émanations polluantes sur trente kilomètres à la ronde, soit près du quart de la superficie du Liban, de Beyrouth jusqu'à Masnaa ? »
Enfin, M. Haddad évoque un quatrième argument, crucial selon lui : cette région est un confluent entre quatre fleuves majeurs du pays, les fleuves de Damour, de Beyrouth, de l'Awali et du Litani. « Tous prennent leur source à cet endroit, affirme-t-il. Deux d'entre eux alimentent Beyrouth en eau. Par quel prodige veut-on y installer une source de pollution? »

Forts de ces quatre arguments, les habitants de Aïn Dara ont donc deux attentes en ce qui concerne ce recours, insiste M. Haddad : d'une part l'espoir d'une annulation du permis du ministère de l'Industrie, d'autre part la sensibilisation du grand public à cette affaire. « Il faudrait qu'il y ait davantage de positions officielles, voire une opposition claire du Conseil des ministres, contre un projet qui menace quatre fleuves essentiels, qui suscite la colère de la population, qui est susceptible de causer une pollution allant bien au-delà d'un seul village », affirme-t-il. Il rappelle que c'est le second recours présenté dans cette affaire auprès du Conseil d'État, le premier étant celui du ministre de la Santé, Waël Bou Faour, qui n'avait pas été consulté avant l'octroi du permis.

 

(Lire aussi : Les détracteurs de la cimenterie de Aïn Dara comptent « présenter des recours »)

 

Un sit-in hier
Parallèlement à la présentation du recours hier, un nombre d'habitants de Aïn Dara et de militants de la société civile se sont rassemblés devant le Palais de justice, en présence du président du conseil municipal et du moukhtar Antoine Badr. Ils portaient des banderoles avec des messages demandant « l'annulation du permis accordé à la cimenterie ».

Sur place, Me Hassaniyé a expliqué que le recours porte sur « un abus de pouvoir » de la part du ministère de l'Industrie, qui a accordé ce permis « à ce qui a été appelé une usine de ciment ». Pour lui, « ce permis va à l'encontre des droits des citoyens dans plus d'une région ». Il a appelé le Conseil d'État « à prendre une décision qui protège la santé des citoyens » et à « ne pas céder à de quelconques pressions ».
M. Haydamous, pour sa part, a estimé que ce recours est une étape dans un processus légal visant à interdire cette usine, assurant que le combat se poursuit et qu'il a « pleinement confiance dans le Conseil d'État ». Il a souligné que « les habitants de Aïn Dara restent vigilants en vue d'empêcher tout travail qui serait entrepris dans le secret et par la force ».

 

 

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