Mode de transport privilégié des chefs d’État, les engins aériens ont été à de multiples reprises impliqués dans la mort de personnalités politiques de premier plan. Avant le président iranien Ebrahim Raïssi, dont le décès et celui de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, ont été officialisés par les médias officiels lundi matin, au lendemain du crash de leur hélicoptère au nord-ouest du pays, de nombreux drames aériens ont touché des présidents depuis la démocratisation de ce mode de transport au milieu du siècle dernier.
Réputé plus sûr que l’avion d’après des spécialistes, l’hélicoptère – militaire ou civil – n’en demeure pas moins également impliqué dans un certain nombre d’accidents mortels depuis le début des années 1950. Outre les accidents marquants de célèbres personnalités comme le chanteur français Daniel Balavoine en 1986 ou le basketteur américain Kobe Bryant en 2020, on peut recenser les cas de plus d’une dizaine de chefs d’État ayant perdu la vie à bord d’un avion ou d’un engin volant.
Accidents et soupçons
Parmi eux figure notamment un chef d’État arabe, le président baassiste irakien Abdel Salam Aref, décédé dans un crash d’hélicoptère le 13 avril 1966 entre Bassora et al-Qournah. Plus récemment, le 6 février 2024, l’ancien président chilien Sebastian Piñera, encore au pouvoir deux ans plus tôt, périt à son tour dans un engin à hélices à Lago Ranco, un lieu de villégiature à 920 km au sud de la capitale Santiago.
Comme ce fut vraisemblablement le cas pour le Bell 212 véhiculant la délégation iranienne alors qu’il survolait une zone escarpée et boisée dans un épais brouillard, ces drames sont souvent liés aux mauvaises conditions météorologiques lors du vol. C’est ainsi que le 10 avril 2010, un Tupolev 154 transportant 96 personnes, dont le président polonais Lech Kaczynski et d’autres hauts responsables politiques et militaires, s’est écrasé en tentant d’atterrir au milieu de la brume sur la piste d’un aéroport près de Smolensk (ouest de la Russie), suite à des erreurs des pilotes polonais et des contrôleurs aériens russes, tuant tous les passagers.
Si l’enquête sur les causes du crash de ce lundi est en cours et la piste accidentelle privilégiée, des soupçons d’attentat circulent déjà sur les réseaux sociaux, certains n’hésitant pas à relier cet événement à la « guerre froide » que se mènent la République islamique et Israël, rappelant notamment les tentatives d’assassinat fomentées par le passé par Tel-Aviv contre des chefs d’État ennemis, dont l’ancien raïs irakien Saddam Hussein. Ces théories s’appuient aussi sur la longue liste d’accidents aériens provoqués ou soupçonnés de l’être. Le dernier en date ne remonte pas plus loin qu’au mois d’août 2023, lorsque le jet privé transportant Evguéni Prigojine, l’ancien chef de la milice russe Wagner, et sa garde rapprochée s’est écrasé dans la région de Tver, au nord-ouest de Moscou, seulement deux mois après ce qui fut considéré comme une « tentative de coup d’État » contre Vladimir Poutine.
Saddam, Hussein et Karamé
D’autres crashs ne laissent même pas de place au doute. Le 17 août 1988, ce sont pas moins de trois organisations différentes qui revendiquent l’attaque de l’avion transportant le président du Pakistan, le général Mohammad Zia-ul-Haq, qui avait lui-même fomenté un coup d’État contre son prédécesseur. Il disposait de tellement d’ennemis qu’un roman satirique pakistanais Attentat à la mangue (Mohammad Hanif, 2009) imaginait la possibilité que les trois groupes étaient en réalité impliqués.
Pas de doute non plus pour le crash du 6 avril 1994, lorsque deux missiles lancés dans la nuit de Kigali abattent le Falcon 50 du président rwandais Juvénal Habyarimana, accompagné de son homologue burundais Cyprien Ntaryamira. Cet attentat, qui n’a jamais été revendiqué, est considéré comme l’élément déclencheur de la reprise des massacres ayant mené au génocide des Tutsis perpétré entre avril et juillet 1994.
D’autres chefs d’État sont eux sortis indemnes des tentatives d’assassinat à leur encontre. Le roi Hussein de Jordanie avait par exemple échappé de peu le 10 novembre 1958 à l’attaque de deux jets syriens alors qu’il rentrait à bord de son avion présidentiel de vacances en Suisse. À la veille de la guerre fratricide que se sont livrée les fedayin et l’armée jordanienne lors de « Septembre noir » en 1970, le monarque hachémite fera à nouveau l’objet de trois complots à son encontre, dont l’un fut organisé près de l’aéroport de Amman, à une époque où les commandos palestiniens étaient spécialisés dans les détournements d’avion, comme ils l’avaient prouvé quelques jours plus tard en faisant atterrir trois avions civils à Zarqa devant les caméras du monde entier.
Cette longue liste n’épargne pas le pays du Cèdre. Parmi les nombreux assassinats de responsables politiques libanais, se trouve celui commis contre l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, dont l’hélicoptère avait été piégé le 1er juin 1987 alors qu’il s’apprêtait à rejoindre Beyrouth depuis Tripoli. Fait notable s’agissant d’un crime politique au Liban, la justice a rendu un verdict, plus d’une décennie après les faits. En 1999, la Cour de justice pointera la responsabilité d’une cellule des Forces libanaises, alors dissoutes, et de leur chef, Samir Geagea. Ce verdict, rendu sous l’occupation syrienne, sera cependant fortement contesté par une partie de l’opinion et d’ONG de défense des droits humains.
L’article renvoie à : 1- "VERDICT" : le compte rendu de Scarlett Haddad qui a couvert les procès (au pluriel) de Geagea. 2- "CONTESTé" : un article du "Monde", et la tendance politique des personnalités ayant contesté. 3- "ONG", publication d’Amnesty International de 1995, où il n’est pas question du meurtre de Karamé, mais du meurtre de Chamoun un autre crime plus sordide... et fidèle à sa réputation, en attente d’une copie complète du jugement. La gravité de ces crimes, sans procéder à aucun examen de conscience, c’est qu’ils sont commis sous occupation syrienne pour faire diversion…
11 h 50, le 21 mai 2024