Le ton est monté d'un cran, ce week-end, à Aïn Dara, où une population en colère, réunie samedi en sit-in à Dahr el-Baïdar, s'en est prise aux bétonneuses et pompes à béton des frères Nicolas et Pierre Fattouche, dans une tentative de freiner les travaux de construction de leur mégacimenterie. Résultat : on dénombre des blessés de part et d'autre, quatre conducteurs de bétonneuses, victimes de coups et de jets de pierres (Moustapha Jaafar, Abdo Hussein, Camille Chamhi et Antar el-Assad), comme l'indique l'Agence nationale d'information, et un jeune habitant de Aïn Dara, Rami Yammine, blessé à la tête, au coude et au pied, après avoir été « traîné sur une centaine de mètres par une voiture qu'il tentait d'empêcher d'atteindre le site », rapporte Abdallah Haddad, membre du Comité d'initiative civile à Aïn Dara, interrogé par L'Orient-Le Jour. Le père du jeune homme, le général à la retraite Sleiman Yammine, « souffre aussi de contusions pour avoir été heurté par cette même voiture ».
Dans les détails, toujours selon Abdallah Haddad, la municipalité de la localité a été alertée par la police municipale de la présence de bétonneuses et de pompes à béton sur la route reliant Dahr el-Baïdar au chantier de la cimenterie. « Elles étaient accompagnées d'individus armés », précise-t-il. Et d'expliquer à ce propos que la police municipale surveille en permanence l'accès au site, avec pour objectif d'y empêcher le transport d'équipements et de matériaux de construction. Le président de la municipalité, Fouad Haydamous, s'est alors rendu sur les lieux avec un groupe d'habitants déterminés à faire obstacle aux véhicules. « Une voiture accompagnant les bétonneuses a foncé sur les habitants réunis en sit-in, provoquant une riposte immédiate de ces derniers, sous forme de jets de pierres en direction des poids lourds », affirme M. Haddad.
(Lire aussi : Les détracteurs de la cimenterie de Aïn Dara comptent « présenter des recours »)
« Des autorités complaisantes »
La colère des habitants de Aïn Dara s'explique par un fait. Malgré leur refus et celui de la municipalité de permettre la construction d'une mégacimenterie sur leur montagne, « les travaux de construction du site se poursuivent, avec la protection des Forces de sécurité intérieure », le chantier ayant eu l'aval des deux ministères de l'Environnement et de l'Économie. « La municipalité n'a pourtant pas donné de permis de construire », martèle M. Haddad, qualifiant « d'illégal » le chantier de construction des deux frères zahliotes. « Ces milices industrielles poursuivent leur activité, comme bon leur semble, et violent la souveraineté libanaise », accuse-t-il. « Cette montagne fait partie de la réserve du Chouf », souligne ce militant écologiste, qui met en garde : « Une pollution du site entraînera forcément la pollution des trois fleuves, Litani, Damour et Beyrouth. » Il fait enfin part de « la déception des habitants de Aïn Dara, au vu de la complaisance des autorités » envers ce projet de mégacimenterie sur un site qui devrait pourtant être protégé.
De son côté, le bureau de presse du député de Zahlé, Nicolas Fattouche, a tôt fait de réagir à l'incident, dans un communiqué. Il accuse « les milices » de Aïn Dara « d'agression brutale contre les camions et les véhicules » et même de « tirs intentionnels contre un véhicule afin d'en tuer le conducteur ». Mais il brandit surtout le permis accordé par les deux ministères de l'Environnement et de l'Industrie au projet de mégacimenterie à Aïn Dara. « Mon frère (Pierre Fattouche) travaille sur ses propriétés, sur base de permis légaux et respecte la loi », affirme-t-il, dans un appel au Premier ministre Tammam Salam, afin qu'un terme soit mis aux « agressions douteuses ».
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LA LIBRE EXPRESSION
10 h 30, le 09 août 2016