Le soulagement après l'échec du putsch en Turquie vendredi soir s'est vite transformé en inquiétude. Dès le lendemain, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, avait exprimé l'espoir que la « démocratie » turque sortirait « renforcée » après « la tentative de coup de force contre son ordre constitutionnel et démocratique ». De nombreux chefs d'État redoutent en effet une nouvelle dérive autoritaire du pouvoir turc. Ce coup d'État manqué pourrait effectivement amener le président turc Recep Tayyip Erdogan à présidentialiser le régime, ce dont il rêve depuis des années. « S'il ne parvient pas à la modification constitutionnelle par voie parlementaire, il le fera par voie référendaire », estime Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques à Paris (Iris) et spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient.
Quelques jours à peine après le putsch, Recep Tayyip Erdogan a déjà durci son régime en matière de droits de l'homme. D'abord, l'ampleur des opérations de purge débutées dès ce week-end est impressionnante. Au total, ce sont déjà plus de 6 000 militaires, 750 magistrats et 100 policiers qui sont en garde à vue, selon le Premier ministre turc Binali Yildirim. Vingt-six généraux et amiraux ont également été placés en détention préventive. Relayées sur les réseaux sociaux, de nombreuses images montrant des militaires maltraités témoignent des brutalités commises envers les soldats putschistes. Dimanche, le président turc a également évoqué un autre point sensible : la possibilité de réintroduire la peine capitale, pourtant officiellement abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne.
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Certes, l'événement historique de vendredi marque un tournant dans le pays même. Mais il bouscule également les relations entre la Turquie et le reste de ses partenaires internationaux, notamment l'UE. L'annonce du président Erdogan sur l'éventualité de rétablir la peine capitale risque effectivement de couper court à toute négociation pour l'entrée de la Turquie au sein de l'UE. « Aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort », a d'ailleurs expliqué la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Un point que confirme le spécialiste Didier Billion, qui ajoute cependant qu'« il y a de fortes probabilités pour que la majorité parlementaire (le groupe parlementaire AKP et le Parti d'action nationaliste) vote en faveur du rétablissement de la peine de mort ». Lundi, M. Erdogan avait affirmé qu'il soutiendrait la décision du vote du Parlement.
Officiellement candidate à l'UE depuis 1999, la Turquie voit le processus d'adhésion piétiner depuis des années. Cette lenteur s'explique par des désaccords sur des dossiers de premier plan comme les droits de l'homme, le génocide arménien et la question kurde. Les négociations qui avaient été relancées en mars dernier suite à la crise migratoire en Europe risquent donc d'être interrompues si les libertés fondamentales sont de nouveau entravées dans le pays.
Comme les États-Unis, l'UE a également mis en garde la Turquie contre la tentation d'une répression généralisée, demandant à Ankara de « respecter l'État de droit ». M. Erdogan et son gouvernement seront donc surveillés de près par la communauté internationale, sachant toutefois que la Turquie est un partenaire indispensable pour endiguer le flot de migrants, notamment en direction de l'Europe.
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Une nouvelle vague de migrants vers l'UE ?
Le 18 mars dernier, la Turquie et l'UE ont en effet conclu un accord inédit à propos de l'immigration vers l'Europe. Si la Turquie accueille des réfugiés et réadmet l'ensemble des migrants irréguliers depuis les îles grecques sur son territoire, l'UE s'engage à relancer la procédure d'adhésion et à accélérer la mise en œuvre de la feuille de route sur la libéralisation des visas pour les Turcs. Un engagement qui semble être plus théorique que jamais, dans la mesure où la Turquie n'accepte pas de revoir sa définition du terrorisme comme le lui demande l'UE.
Malgré ces divergences, l'afflux de migrants vers l'Europe s'est tout de même considérablement réduit. Mais aujourd'hui, si le processus d'adhésion prend fin, « l'accord risque d'être gelé dans les semaines à venir et une nouvelle vague de réfugiés partirait vers l'UE », explique Didier Billion. Les négociations entre les deux parties pourraient donc cesser temporairement...
Avant de nouvelles discussions ? Mais pour le spécialiste, « la Turquie, telle qu'elle est aujourd'hui, n'entrera jamais dans l'Union européenne ».
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Et pourtant ce pays, la turquie d'erdo a été ce qu'il y a eu de plus docile pour exécuter les basses besognes de cette Europe ingrate . C'est pas la turquie d'erdo qui aurait le plus besoin de cette cooperation/adhésion. Au fait les 6 milliards payés à erdo , on fait quoi ? Il les rembourse ou pas ?
10 h 51, le 20 juillet 2016