Réunion marathon hier pour le Conseil des ministres, convoqué par le chef du gouvernement, Tammam Salam, pour une réunion extraordinaire afin d'examiner la crise née de la décision de l'Arabie saoudite de geler son aide à l'armée libanaise. Sept heures durant, les ministres ont donné chacun son point de vue, avec véhémence certes, par moments, mais sans qu'il n'y ait de clashs, avant de s'entendre sur un communiqué, que d'aucuns jugeraient tiède, mais qui reste le fruit d'un compromis que les ministres Sejaan Azzi, Waël Bou Faour et Ali Hassan Khalil ont notamment pu dégager après moult concertations avec la Maison du Centre, Clemenceau et Aïn el-Tiné.
Les deux principaux éléments du communiqué se rapportent l'un à l'attachement du Liban à ses relations avec les pays du Golfe ainsi qu'à l'unanimité arabe pour ce qui a trait aux causes communes, et l'autre à la volonté du gouvernement de former une délégation qui effectuera une tournée dans les pays du Conseil de coopération du Golfe afin d'expliquer la position officielle du Liban et d'assurer leurs leaders de l'attachement du Liban au maintien des meilleures relations avec leurs États respectifs.
Pourtant, les déclarations faites par les ministres du Hezbollah, Mohammed Fneich et Hussein Hajj Hassan, avant le début de la réunion, laissaient croire que le gouvernement ne parviendra pas à s'entendre sur une position commune. « À ceux qui nous demandent de nous conformer à l'unanimité arabe, nous disons : quid de l'unanimité arabe face à tout ce qui se passe dans la région ? Est-ce que les États arabes se sont réunis et ont décidé d'arrêter la guerre en Syrie ou au Yémen ? Nous expliquerons notre position en Conseil des ministres. Nous ne nous soumettrons pas aux pressions et nous ne laisserons personne nous dicter nos convictions », a déclaré M. Hajj Hassan, tout en soulignant que son parti est pour les meilleures relations avec les pays arabes et islamiques « à travers le dialogue, la connaissance, la culture et le développement ». « Mais, a-t-il repris, est-ce que tous les États arabes sont d'accord avec ce qui se passe à Bahreïn ? »
« Lorsque l'Arabie saoudite s'excusera de l'atteinte qu'elle a portée au Hezbollah et à la Résistance, nous réfléchirons à l'opportunité de la formation d'une délégation ministérielle pour visiter le royaume », a-t-il dit, alors que son collègue de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Élias Bou Saab, se disait pour la formation d'une telle délégation.
(Lire aussi : Levée de boucliers face à la remise en question du positionnement du Liban)
Des excuses ?
Durant la réunion, après l'intervention de Tammam Salam, qui est revenu sur toute l'aide politique et matérielle apportée au fil des années par l'Arabie saoudite au Liban, en insistant sur le fait que le royaume n'a jamais envoyé de milices au Liban, Mohammad Fneich et Hussein Hajj Hassan ont longuement exposé la position du Hezbollah par rapport à la crise dans la région. Un exposé ponctué de nombreux commentaires, avant le débat autour du point de savoir s'il faut ou non présenter des excuses au royaume wahhabite. Les ministres du Hezbollah étaient évidemment contre cette option, estimant que leur parti n'a rien fait de mal pour que Riyad bloque son aide à l'armée avant d'accuser les autorités saoudiennes d'avoir elles-mêmes commencé à attaquer l'Iran et leur parti, d'avoir envahi le Yémen et Bahreïn, et de soutenir le terrorisme.
Le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, devait à son tour expliquer sa position lors des réunions de l'Organisation de la conférence islamique et de la Ligue arabe – des positions que Riyad avait avancées pour tancer le Liban – mettant en relief son attachement au texte de la déclaration ministérielle et à la politique de distanciation que le Liban a adoptée par rapport aux crises régionales. Les autorités saoudiennes, rappelle-t-on, avaient reproché au Liban de ne pas avoir condamné les attaques contre leurs représentations diplomatiques en Iran, lors des réunions de la Ligue arabe et de l'OCI, en faisant remarquer que celles-ci avaient été pourtant condamnées par le Conseil de sécurité de l'Onu.
Plusieurs ministres du 14 Mars et du groupe des indépendants étaient également contre le fait que le gouvernement présente des excuses à Riyad, partant du principe que ce n'est pas le Conseil des ministres qui est pointé du doigt aujourd'hui et qu'il ne peut pas dès lors assumer la responsabilité d'erreurs commises par une partie déterminée, même si celle-ci fait partie du gouvernement. Pour ce groupe, il appartient au parti de Hassan Nasrallah de présenter des excuses à l'Arabie. On peut imaginer la réponse des ministres hezbollahis....
Le ministre du Travail, Sejaan Azzi, devait souligner que la distanciation ne signifie pas que le Liban doit également prendre ses distances par rapport aux lois internationales, en situant l'attaque contre l'ambassade saoudienne à Téhéran en janvier dernier comme une atteinte à ces lois, que le Liban aurait bien pu dénoncer. Il s'est prononcé en faveur d'un communiqué modéré qui rappelle les bases de la politique étrangère du Liban, pendant que son collègue de la Réforme administrative, Nabil de Freige, faisait observer que la réunion n'a pas été convoquée pour discuter de l'Iran et de l'Arabie saoudite, mais pour réparer une erreur qui a été commise et qui va coûter cher au Liban, en allusion aux attaques ininterrompues du Hezbollah contre l'Arabie saoudite et à la position de Beyrouth aux réunions de la Ligue arabe et de l'OCI.
Il était entendu que le courant du Futur ne pouvait pas tolérer un communiqué au ton mièvre pas plus que le Hezbollah n'était en mesure d'accepter un texte au ton violent. Au terme de discussions auxquelles le président de la Chambre, Nabih Berry, les chefs du courant du Futur, Saad Hariri, du PSP, Walid Joumblatt, et l'ancien président Amine Gemayel ont été associés, le gouvernement a adopté un communiqué que certains ont situé dans le cadre de « la langue de bois », mais qui peut servir de base pour reprendre langue avec l'Arabie saoudite sur les questions des relations bilatérales et des armes.
Des propositions avaient été entre-temps faites par le Hezbollah pour que la phrase relative à l'attachement du Liban à l'unanimité arabe soit associée d'un « à condition qu'elle corresponde à l'unanimité libanaise » et pour mettre en garde contre toute atteinte à une composante du gouvernement. Elles ont été rejetées.
Une fois le communiqué approuvé, le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, a soulevé le point de savoir si le Hezbollah compte maintenant mettre une sourdine à ses attaques contre l'Arabie saoudite. Il n'a pas pu obtenir de réponse.
(Lire aussi : Bassil : Entre l'unanimité arabe et l'unité nationale, nous penchons pour la seconde)
Le texte du communiqué
C'est le Premier ministre qui a pris la parole au terme de la réunion et non pas le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, pour donner lecture du communiqué officiel.
Après avoir rappelé les textes de la Constitution en rapport avec l'identité arabe du Liban et les relations du pays avec les États de la région, M. Salam a indiqué que le Conseil des ministres a réaffirmé « le soutien permanent (du Liban) aux frères arabes et son attachement à l'unanimité arabe pour ce qui a trait aux causes communes », en insistant sur l'importance que Beyrouth accorde à ce dernier point.
Le Conseil des ministres, a poursuivi le chef du gouvernement, renouvelle son attachement à l'article de la déclaration ministérielle, qui stipule qu'« en ces temps difficiles que traverse la région, nous devrons œuvrer pour limiter autant que possible les dégâts en nous conformant, pour ce faire, à une politique de distanciation par rapport aux crises qui nous entourent, afin de protéger le pays et de ne pas exposer au danger sa paix civile, sa sécurité, ainsi que la vie des Libanais ».
M. Salam a ensuite salué l'aide saoudienne fournie au Liban au fil des ans : « Le Liban n'oubliera pas le parrainage saoudien du congrès de Taëf, qui avait mis fin à la guerre libanaise, son importante contribution à la reconstruction de ce qui avait été détruit à cause des hostilités et son soutien permanent en temps de paix à ses institutions monétaires, économiques, militaires et de sécurité ». « Il n'oubliera pas non plus, a-t-il ajouté, que le royaume (wahhabite) et les autres États du Golfe arabe, ainsi que tous les États frères et amis ont accueilli et continuent d'accueillir des centaines de milliers de Libanais, toutes appartenances communautaires confondues. »
M. Salam a ensuite affirmé que « le Conseil des ministres juge nécessaire de réchauffer les relations entre le Liban et ses frères arabes, et de supprimer toutes les anomalies qui auraient pu les entacher récemment », avant d'annoncer qu'il a été mandaté pour entreprendre les contacts nécessaires avec les dirigeants de l'Arabie saoudite et des États du Conseil de coopération du Golfe afin de préparer la voie à une tournée auprès des pays du CCG à la tête d'une délégation officielle ministérielle.
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commentaires (12)
Attention les arabes se réveillent...les saoudiens vont sauver l'honneur des arabes! Aux nostalgiques des empires ottomans et perses je leur dis fuyez...loin loin
CBG
09 h 35, le 25 février 2016