« Il faut considérer également la pollution produite par les déchets, y compris les ordures dangereuses présentes dans différents milieux... La Terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage en un immense dépotoir. À plusieurs endroits de la planète, les personnes âgées ont la nostalgie des paysages d'autrefois, qui aujourd'hui se voient inondés d'ordures... »
François ne pensait pas si bien dire. Extrait de sa dernière encyclique « Laudato si », ce passage s'applique à nous à la lettre. « Un immense dépotoir », voilà ce que le Liban est en passe de devenir, compte tenu du délai de plusieurs mois que pourrait prendre la mise en place d'un nouveau plan de collecte et d'enfouissement des ordures. Déjà, de pittoresques ravines et vallons sont pollués par des déchets ménagers. Et le plus tragique, c'est que cette pollution par les déchets sera souvent irréversible, les décharges sauvages étant inaccessibles aux camions.
Déjà donc, pour quelques centaines de dollars, la beauté du Liban est bradée et des municipalités se débarrassent, sur des camionneurs sans scrupules, de leurs déchets ménagers, sans le moindre souci de l'endroit où ces déchets seront déchargés, pourvu que ce ne soit pas sous leur nez.
C'est le triste spectacle de notre incurie qui s'étale ainsi aux yeux du monde entier. Une incurie qui nous est familière et que nous avons déjà touchée du doigt quand il a fallu planifier le paysage urbain, ou le réseau électrique, ou ménager des réserves et des jardins publics. Ou quand il a fallu élire un président de la République ou établir une nouvelle loi électorale...
Qu'il y ait un responsable (ou plusieurs) ne fait pas de doute. Dans tout pays qui se respecte, et pour commencer, le ministre de l'Environnement aurait déjà démissionné depuis longtemps et recouvert son visage de honte. Pas chez nous, où son sourire d'incapable continue de s'afficher sur nos écrans.
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Déliquescence
Ce malheur qui s'est abattu sur le Liban illustre graphiquement la déliquescence de la vie politique provoquée par le blocage délibéré de l'élection d'un nouveau président de la République, et les blocages en série que ce premier enrayage institutionnel a provoqués.
Comme beaucoup de leurs collègues avant eux, les députés Élie Marouni (Kataëb) et Jean Oghassabian figuraient hier au nombre de ceux qui s'employaient à imaginer un déblocage de l'exécutif. M. Marouni s'est même prononcé en faveur de la déclaration d'un « état d'urgence ministériel », sans préciser ce que cela signifiait, sinon peut-être qu'il faudra siéger sans discontinuer pendant un certain temps, pour rattraper le temps perdu.
Pour sa part, M. Oghassabian a fait état de contacts visant à garantir le travail du Conseil des ministres que le Premier ministre a convoqué pour jeudi prochain. Mais le député a affirmé qu'il n'était pas optimiste à ce sujet, le CPL et le Hezbollah continuant d'exiger que le premier point à l'ordre du jour de la réunion soit celui du mécanisme de prise de décision au sein de l'exécutif, un autre exemple de ce que les constitutionnalistes appellent « abus de minorité », puisqu'une seule voix peut ainsi bloquer les décision d'un Conseil des ministres.
Justice à deux vitesses ?
Fort heureusement, quelques services continuent à fonctionner, au nombre desquels les services de sécurité. La Sûreté générale continue de recevoir les félicitations pour son exploit du 15 août et la capture d'Ahmad al-Assir qui, après avoir été interrogé par la SG, est désormais interrogé par les renseignements de l'armée.
Mais le terrain sur lequel s'avance la justice militaire ne sera pas facile à franchir. Déjà l'on parle d'une justice à deux vitesses qui, comme l'a souligné hier Dory Chamoun, est « une dérogation au principe de l'égalité de tous devant la loi ». De fait, il est troublant de constater qu'il est plus facile d'arrêter un Assir qu'un bandit de grand chemin, un islamiste sunnite qu'un islamiste chiite.
Contre la dérive vers l'extrémisme, des cercles académiques et des milieux sunnites modérés ont entamé une contre-offensive qui s'est traduite par un document-phare sur les libertés religieuses produit par les Makassed islamiques. De son côté, Saad Hariri, une fois de plus, a sauvé la mise hier en dénonçant comme une atteinte au vivre ensemble la destruction d'un monastère près de Homs. Il fait référence à une mémoire commune qui, par-delà toutes les indignités, continue de nous souder comme peuple. À condition que le sens de la justice ne nous déserte pas et que nous sachions toujours nous indigner.
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commentaires (5)
En France, ce cher pays qui nous a aidés à sortir du colonialisme ottoman qui avait duré 4 siècles, donc en France, pour avoir critiqué la politique économique du chef du gouvernement Manuel Valls, le ministre Arnaud Montebourg fut écarté illico du gouvernement. Au Liban, un ministre affairiste a attaqué le chef du gouvernement Tammam Salam, en proférant à son endroit des paroles provenant du vocabulaire d'un charretier et ce, devant les caméras de TV et des journalistes... il est toujours là narguant tous ceux qui ne sont pas de son bord ! Est-ce normal ?
Un Libanais
18 h 41, le 22 août 2015