Depuis jeudi, Ahmad al-Assir est entre les mains des SR de l'armée pour la poursuite de son interrogatoire. Selon des sources qui suivent le dossier, c'est avec les enquêteurs des SR de l'armée que les choses sérieuses vont commencer, car c'est bien l'armée qui possède le dossier complet sur cet homme qui a occupé le devant de la scène pendant de longs mois et failli plonger le Liban dans une discorde confessionnelle, tout en combattant l'armée et en attaquant ses barrages. La Sûreté générale avait en effet un mandat pour l'arrêter aux voies de passage officielles, où elle a des postes de contrôle. Mais l'armée a, elle, constitué un dossier complet sur lequel elle travaille depuis des mois, avec des indices et des preuves.
C'est pourquoi les sources précitées estiment que l'interrogatoire de Assir ne devrait pas être long, la plupart des éléments étant déjà entre les mains des enquêteurs. Il s'agira donc essentiellement de vérifier les informations recueillies depuis que cet homme a commencé à provoquer des troubles avec son discours extrémiste et avec ses initiatives visant à ébranler la stabilité interne. Le dossier constitué se divise en trois parties : la première porte sur l'incitation à la discorde confessionnelle et sur la formation d'un groupe armé, la deuxième porte sur la bataille de Abra et les attaques contre des barrages de l'armée, et la troisième porte sur la période où il était en fuite et son rôle dans la dernière bataille de Tripoli, après les informations non encore vérifiées sur son séjour chez le cheikh Salem Raféi puis chez le cheikh Hoblos (lui-même arrêté).
Mais la question qui se pose aujourd'hui avec acuité dans les médias et dans les milieux politiques est la suivante : jusqu'où ira l'interrogatoire d'Ahmad al-Assir et est-ce qu'il sera possible de dévoiler ses appuis politiques locaux et régionaux ?
Dans les milieux proches des familles des martyrs de l'armée tombés pendant la bataille de Abra, on craint de plus en plus des « arrangements » qui feraient d'Ahmad al-Assir un phénomène isolé sans ramifications régionales et internes. Pourtant, même récemment, au moment de son arrestation, il y a eu une confusion à Ersal, Tripoli et Saïda, ce qui montre bien que cet homme avait réussi à tisser un réseau assez large, avec des cellules dormantes un peu partout dans certains milieux sunnites. Il a donc été un moment porteur d'un vaste projet qui ne se limite pas au Liban. Pour ces milieux, l'histoire du phénomène al-Assir a commencé lorsque, après le déclenchement de la crise syrienne et l'échec des premiers pronostics sur la chute imminente du régime de Bachar el-Assad, germe l'idée de créer une force sunnite en mesure de recruter des jeunes et de les former militairement pour, à la fois, participer aux combats en Syrie aux côtés de l'opposition syrienne et pour défier le Hezbollah et le mettre en difficulté à travers l'incitation à une discorde entre les sunnites et les chiites.
Ce n'est donc pas un hasard si les premiers discours d'Ahmad al-Assir étaient essentiellement dirigés contre le Hezbollah qu'il avait surnommé « le parti de Satan », et sa première initiative était de fermer la route reliant le Sud à la capitale, par un sit-in populaire, pour mettre en difficulté le Hezbollah et les chiites en général qui se déplacent entre le Sud et la banlieue de Beyrouth. Al-Assir avait même reçu des fonds importants pour monter son groupe, et comme les jeunes de Saïda étaient un peu récalcitrants à s'enrôler dans une milice, il a commencé à recruter ses partisans dans les milieux palestiniens, notamment à Aïn el-Héloué. Au début de son activité, Ahmad al-Assir bénéficiait d'une certaine sympathie dans des milieux politiques, médiatiques et populaires. Il recevait dans son quartier général établi à la mosquée Bilal ben Rabah des dirigeants du courant du Futur et d'autres partis politiques, alors que des responsables l'appelaient au téléphone. Les aides financières lui étaient transmises par des individus. Mais il n'existe pour l'instant aucune preuve que ces personnes étaient les intermédiaires d'États qui aidaient le cheikh dans son projet déstabilisateur. L'enquête pourrait bien ne pas aller au-delà des données élémentaires et considérer que ces individus agissaient de leur propre chef et utilisaient leurs fonds...
La grande faute du cheikh al-Assir a été justement de cibler l'armée libanaise au lieu de continuer à diriger ses piques contre le Hezbollah. En étendant inconsidérément « son émirat » armé autour de Saïda, il s'est heurté à l'armée libanaise chargée de la sécurité dans cette région particulièrement sensible. Que le cheikh soit tombé dans un piège en se détournant de sa cible initiale ou qu'il se soit laissé prendre au jeu du pouvoir importe peu aujourd'hui. Il est tombé dans les filets des autorités et il s'est trouvé bien peu de personnes ou de parties pour le défendre. Seules sa femme et une poignée de ses amies ont manifesté le premier jour pour exiger sa relaxe, alors que le Rassemblement des ulémas musulmans (extrémiste) a été le seul à condamner cette arrestation. Cheikh Saad Hariri et le ministre de l'Intérieur ont rendu hommage à la Sûreté générale qui a réussi le coup de filet, et d'autres figures du courant du Futur ou du 14 Mars ont retiré un commentaire qui aurait pu être interprété comme favorable à Ahmad al-Assir.
Le cheikh al-Assir a donc fait son temps. Et son arrestation marque le début d'une nouvelle étape, après l'échec des tentatives de susciter une discorde entre sunnites et chiites au Liban pour affaiblir le Hezbollah et alors que la menace de Daech est désormais reconnue. Mais il est tombé seul, ou avec des acteurs de second plan, si l'on tient compte des arrestations des derniers jours. Ceux qui souhaitent que son procès soit l'occasion de grandes révélations risquent donc d'être déçus, et les familles des martyrs de l'armée pourraient bien rester sur leur faim...
Pour mémoire
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commentaires (8)
Bla bla comme d'hab quoi !! Quand une personne ne voit pas la bout de bois dsns son œil mais de permet de reprocher la paille dans celui d'un autre on perd toutes objectivité !!
Bery tus
16 h 37, le 23 août 2015