Entre le chaud et le froid, une explosion, des obus et une audience du TSL, la formation d'un gouvernement dit rassembleur reste à l'ordre du jour. La déclaration hier du chef du courant du Futur Saad Hariri qui s'est prononcé pour un cabinet de coalition en est le meilleur indice, même si les réserves des Forces libanaises et des Kataëb n'ont pas encore été réglées.
Les sources proches de Aïn el-Tiné continuent de se déclarer optimistes quant à la formation prochaine de ce gouvernement, précisant toutefois qu'il ne faut pas non plus trop en attendre, l'heure des grandes solutions n'ayant pas encore sonné au Liban. Tout ce dont il s'agit actuellement, c'est d'un compromis partiel qui porte sur la formation d'un gouvernement regroupant toutes les parties selon la formule des « 3 huit », pour permettre au Liban de souffler un peu, en y faisant baisser la tension. Et cela passe par le fait d'intégrer les composantes du 14 Mars au gouvernement, au lieu de les laisser à l'extérieur.
Les sources proches de Aïn el-Tiné déplorent à ce sujet la mauvaise compréhension de la situation et du contexte actuel par certaines composantes du 14 Mars. Celles-ci ont immédiatement vu dans la soudaine acceptation par le Hezbollah de la formule des « 3 huit » le signe de sa faiblesse, de la crainte de son isolement et du succès des pressions exercées sur lui, à l'intérieur et à l'extérieur. Elles ont donc cru le moment venu de lui soutirer un maximum de concessions, surtout avec l'ouverture du procès des assassins présumés de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri à La Haye.
Les sources précitées ajoutent que ceux qui exigent à la fois le retrait du Hezbollah de Syrie ainsi que le règlement de la question des armes pour accepter d'intégrer un gouvernement rassembleur se comportent comme s'ils étaient victorieux, aussi bien sur le plan interne que sur le plan régional. Or il faut rappeler qu'il n'en est rien. Sur le plan régional, non seulement le rapprochement entre l'Iran et les États-Unis sur le dossier nucléaire se précise et est en train de devenir une réalité nouvelle sur l'échiquier mondial, mais, de plus, les développements du dossier syrien ne sont pas dans le sens des paris du 14 Mars. Trois ans après le début des affrontements, non seulement le régime est encore en place, mais il est aujourd'hui plus solide qu'au début de la rébellion, se voulant le « paravent contre les takfiristes et contre l'internationale terroriste » et bénéficiant d'un regain de popularité à cause du modèle déplorable donné par les factions de l'opposition dans les régions passées sous leur contrôle. Même la dernière tentative de l'Arabie saoudite de redorer le blason de l'opposition en l'unifiant sous le label du « Front islamique » et en la poussant à combattre Daech (l'État islamique en Irak et au Levant) devenue trop encombrante n'a pas obtenu le succès escompté, puisque les combats se poursuivent depuis plus de deux semaines, sans que le Front islamique n'en soit sorti victorieux.
De même, sur le plan interne, le rapport des forces politiques et sur le terrain est toujours en faveur du 8 Mars et de ses alliés. Le leader druze Walid Joumblatt rejette toujours la formation d'un gouvernement du fait accompli et continue d'assurer la majorité parlementaire à ce camp, alors que l'armée ne s'est pas transformée en force hostile au Hezbollah et continue de remplir sa mission dans la lutte contre les cellules takfiristes. Certes, les fiefs des deux composantes chiites, dans la banlieue sud de Beyrouth et dans la Békaa, sont la cible d'attaques régulières et les mesures préventives ne sont pas en train d'enrayer les risques d'explosions, mais la communauté chiite est loin de s'être retournée contre Amal et le Hezbollah. Au contraire, elle resserre les rangs autour de ces deux formations, se sentant prise pour cible en tant que confession et non en tant que « milieu environnant favorable »... En tout cas, aucun climat de rejet n'a été enregistré et si cela avait été le cas, les médias du 14 Mars se seraient empressés de le mettre en avant.
Si donc le Hezbollah et le Mouvement Amal, ainsi que leurs alliés, ont décidé de faire une concession au sujet du nouveau gouvernement, ce n'est certainement pas parce qu'ils y sont acculés et qu'ils craignent le verdict du TSL, mais parce qu'ils ont voulu donner un signe de bonne volonté et montrer leur attachement à la formule libanaise, tout en mettant en échec le scénario du gouvernement du fait accompli annoncé par le chef de l'État. La proposition du président de la Chambre Nabih Berry – qui a un mandat inconditionnel du Hezbollah pour négocier la formation du nouveau gouvernement – de laisser à plus tard l'élaboration de la déclaration ministérielle pour ne pas buter sur le tryptique armée-peuple-résistance, considérant qu'elle fait partie des prérogatives du nouveau gouvernement, est en réalité une offre sage en faveur du 14 Mars.
Car si les parties ne parviennent pas à s'entendre et si le nouveau gouvernement ne se présente pas devant le Parlement pour obtenir sa confiance, il se contentera d'expédier les affaires courantes à la place du gouvernement Mikati. Le 14 Mars participera ainsi à la gestion des affaires courantes du pays au lieu d'en être écarté. Si, par contre, il y a une entente sur la déclaration ministérielle, le nouveau gouvernement aura les pouvoirs ordinaires et peut-être même plus s'il s'avère impossible d'élire un nouveau président à la date prévue. En fait, estiment les sources proches de Aïn el-Tiné, le problème du Liban, c'est que l'échéance présidentielle arrive trop tôt cette année, avant que les contours de « la solution politique » en Syrie ne se soit précisés. Il faut donc faire avec cette réalité et tenter de limiter autant que possible les conséquences négatives du dossier syrien sur le Liban... en revoyant à la baisse les conditions posées pour la formation d'un gouvernement « rassembleur ».
Lire aussi
Gouvernement : double dose de pragmatisme russo-américain, l'article de Fady Noun
Concertations accélérées entre le Futur et les FL...toujours réticentes
Les sources...
commentaires (5)
UNE ANALYSE AUSSI MAKHLOUTA QUE LA MAKHLOUTA LIBANAISE !
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 01, le 18 janvier 2014