C'est avec beaucoup de pragmatisme que le chef du courant du Futur, Saad Hariri, qui a rencontré hier à Paris l'ambassadeur US au Liban David Hale, a abordé jeudi avec le correspondant de l'agence Reuters l'éventualité de la formation d'un gouvernement où le Hezbollah serait représenté, ce qui contraste fortement avec les positions qu'il soutenait jusque-là, en rejetant net la formation d'un gouvernement d'union nationale et en réclamant celle d'un gouvernement neutre.
La déclaration de M. Hariri a été accueillie avec un immense soupir de soulagement par Nagib Mikati, qui a affirmé qu'il « espérait qu'elle se confirme ».
De son côté, le président des Kataëb, Amine Gemayel, a fait état de « signes positifs » concernant le dossier gouvernemental de la part d'une grande partie des protagonistes. Dans une intervention télévisée, M. Gemayel a estimé que les contacts établis dernièrement par son parti ont été « encourageants ». Selon lui, « toutes les parties concernées doivent œuvrer à arriver à la stabilité ».
Qu'est-ce qui a modifié la position de M. Hariri ? À cette question simple, il n'y a pas trente-six réponses. Il semble en effet que les grands acteurs internationaux sur le terrain syrien, et par proximité libanais, se soient entendus pour calmer le jeu. On ignore ce que se sont dit hier MM. Hariri et Hale, mais on n'oublie pas qu'il y a quelques jours encore, c'est le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en personne qui avait rencontré cette fois M. Hariri à Paris. Du reste, les appels à l'apaisement sont bienvenus à l'heure où la situation sécuritaire se dégrade dangereusement en raison de la contagion syrienne, comme le prouve le grave incident de Ersal hier.
De toute façon, ajoute-t-on dans ces milieux, les Libanais doivent tenir compte du contexte international et composer. Ce qui s'appelle, selon les points de vue, concessions, compromis ou... compromissions.
Fascination
Toujours est-il qu'au moment même où, fascinés par la précision des juges, les Libanais voient le nœud coulant de la justice se resserrer autour du cou des auteurs de l'assassinat de Rafic Hariri, son héritier politique affirme clairement qu'il est disposé à siéger aux côtés de ministres du Hezbollah au sein d'un même gouvernement.
Les alliés de M. Hariri n'ont pas tous réagi de la même façon à cet ultrapragmatisme, qui semble animé par un souci de stabilité. Toutefois, les composantes du 14 Mars assurent que l'ouverture de M. Hariri n'est pas inconditionnelle. De toute façon, insistent ces milieux, en acceptant la formation d'un gouvernement de 24 ministres formé de 8 ministres de chaque camp, le 14 Mars a déjà accepté de s'asseoir sur la même table que le Hezbollah. Mais pas sans préalables. En effet, selon une source haut placée au sein du 14 Mars, « l'écrasante majorité de ce courant exige un accord sur la déclaration ministérielle avant la formation du gouvernement. Les deux conditions impératives étant que la formule armée-peuple-résistance soit bannie de son vocabulaire et que la déclaration de Baabda en soit le centre ».
Cependant, ajoute la source, il existe au sein du 14 Mars une minorité qui, forte des assurances apportées sur ces deux points par le chef de l'État et M. Salam, souhaite que ces conditions soient ajournées et que le formation du nouveau gouvernement prenne la préséance. Sur ce plan, ils rejoignent le président de la Chambre qui refuse toute condition préalable à la formation du gouvernement, quitte à discuter par la suite la teneur de la déclaration ministérielle.
Les ministres du 14 Mars pourront toujours démissionner, si la déclaration ministérielle ne leur convient pas, fait-on dire aux partisans de l'approche souple et pragmatique qui serait celle de M. Hariri.
Coordination
Notons que la politique d'ouverture de Saad Hariri a été au centre d'un entretien de coordination entre Nouhad Machnouk, l'un des conseillers de Fouad Siniora, et Samir Geagea. Du mutisme observé de part et d'autre au sujet de sa teneur, on peut déduire que l'entretien n'a pas abouti à une totale convergence de vues.
La position d'un Marwan Hamadé et d'autres radicaux du 14 Mars ne serait pas très différente de celle des Forces libanaises. Selon M. Hamadé, le 14 Mars ne devrait pas former un même gouvernement avec le Hezbollah, avant qu'un accord clair soit conclu sur un retrait du Hezbollah de Syrie et des assurances de coopération avec le TSL.
Ces signes étant totalement absents du paysage politique, M. Hamadé estime que le chef de l'État et Tammam Salam composent « pour ne pas laisser au Hezbollah le pouvoir, à travers une vacance présidentielle », ce qui reviendrait à « couvrir leurs actes ».
« Tout le monde travaille pour un gouvernement par crainte pour les présidentielles, reprend M. Hamadé, et les divisons des chrétiens ne sont pas pour arranger les choses ! »
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commentaires (3)
Entre le nœud coulant de la justice se resserrer autour du cou des auteurs de l'assassinat de Rafic Hariri et entre la déclaration de ce dernier pour la formation d'un gouvernement où le Hezbollah serait représenté,on ne comprend plus ce monde de contradictions .
Sabbagha Antoine
16 h 45, le 18 janvier 2014