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Culture - Polémique

Quand afficher son soutien à la Palestine signifie se mettre en danger

Ils sont libanais, jeunes, expatriés dans des villes occidentales et font partie de domaines créatifs, de l’art, du design et de la mode. Depuis le début des violences contre Gaza, ils expriment ouvertement sur les réseaux sociaux leur soutien aux Palestiniens, même au risque de subir des critiques, du harcèlement ou, pire encore, de mettre en péril leur emploi.

Quand afficher son soutien à la Palestine signifie se mettre en danger

"Falasteen Horrah" (Palestine libre), une illustration de Raphaëlle Macaron qui utilise les plantes natives à la Palestine. Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Le 6 novembre, vous avez pu lire dans ces mêmes pages un article signé Zéna Zalzal qui révélait que deux toiles de l’artiste Ayman Baalbaki avaient été retirées du catalogue de la vente semestrielle d’art du Moyen-Orient de Christie’s organisée le 9 novembre à Londres. Sur la première toile, un homme à la tête enveloppée d’un keffieh et sur la seconde, un homme avec un masque à gaz et un bandeau rouge autour du front, sur lequel est écrit en lettres arabes le mot tha’iroun » (« rebelles »). Si ce scandale a été particulièrement médiatisé, sans doute en raison de l’envergure de la maison de ventes anglaise, il ne reflète qu’une tendance plus globale dans les mondes de l’art et de la mode. Deux industries actuellement secouées par de véritables chocs sismiques sur fond d’une chasse aux sorcières désordonnée et aux relents racistes à l’encontre de personnalités (pour la plupart arabes) affichant leur soutien à la cause palestinienne. Et parfois même moins que cela.

Il a en ce sens suffi à certains acteurs de ces milieux d’exprimer leur indignation face aux crimes contre l’humanité et aux violations du droit international perpétrés par Israël pour être aussitôt accusés d’antisémitisme ; pour être harcelés, insultés, parfois cancelled (annulés) ou, pire encore, licenciés de leur emploi pour des raisons pour le moins obscures. C’est le cas de la rédactrice en chef du Harper’s Bazaar, Samira Nasr (une Libano-Canadienne de père libanais et de mère trinidadienne, NDLR), qui, après avoir posté sur son compte Instagram que le fait qu’Israël coupe l’accès à l’eau et à l’électricité des Gazaouis « est la chose la plus inhumaine qu’(elle) ait vue de (s)a vie », a suscité des réactions si violentes à son égard qu’elle a dû présenter des excuses publiques. Selon le New York Post, elle « se bat pour conserver son emploi ». C’est également le cas du rédacteur en chef d’Artforum, David Velasco, et de celui du journal eLife, Michael Eisen, qui ont été tous les deux carrément renvoyés. Le premier après que le magazine qu’il cornaque a publié une lettre signée par des milliers d’artistes et de commissaires d’exposition en soutien à la libération de la Palestine. Et le second pour avoir seulement retweeté un post du site satirique The Onion dénonçant l’indifférence généralisée envers les vies des Palestiniens. C’est le cas aussi de l’écrivaine palestinienne Adania Shibli, privée du prix littéraire LitProm qu’elle était censée recevoir à la Foire internationale du livre de Francfort pour son roman A Minor Detail narrant l’histoire d’une Bédouine palestinienne violée par des soldats israéliens en 1949. C’est le cas, aussi, de l’artiste palestinienne Emily Jacir dont un talk au Banhoff Museum de Hambourg a été annulé par l’Université de Potsdam qui l’organisait.


À la lumière de cette vague de censure, d’intimidation et de disqualification (au sens propre comme au figuré) des voix qui empoignent la cause palestinienne, principalement des voix arabes déjà en marge, qu’en est-il du sort des créatifs libanais dont un grand nombre s’est indigné contre les violences infligées aux Gazaouis depuis le 7 octobre ? Et notamment les photographes, directeurs artistiques, artistes, musiciens, chanteurs, illustrateurs, cinéastes, designers, stylistes et créateurs de mode installés dans des pays occidentaux et qui, de facto, se frottent plus étroitement à cette menace qui ne dit pas son nom. D’autant que ces derniers ont été de plus en plus nombreux à être forcés à émigrer, chassés par l’horreur et les crises qui se sont succédé au Liban, surtout les quatre dernières années.

« Peur de me voir refuser une carte de séjour »

C’est vraisemblablement la raison pour laquelle une frange de cette génération d’artistes expatriés a fait le choix du silence, du moins sur les réseaux sociaux. « Il y a eu comme un accord tacite entre plusieurs institutions dans le domaine de l’art pour ne pas s’exprimer sur ce qu’elles considéraient comme “un conflit politique”. Mais du moment où il a été clair que ce qui se passe en Palestine en ce moment est une crise humanitaire et la punition collective d’un peuple, avec un enfant qui meurt toutes les dix minutes, les choses devaient changer. Cela n’a pas été le cas malheureusement. Tout le monde a peur de s’exprimer parce que toute prise de position, si humanitaire soit-elle, risque d’être considérée comme une affiliation politique. C’est très difficile, mais c’est ma carrière qui est en jeu », regrette, sous couvert d’anonymat, une experte en art libanaise qui travaille entre plusieurs villes européennes. Même demande d’anonymat de la part d’un artiste libanais installé à Berlin : « Mon cœur est à Gaza et ce qui se passe me rend littéralement malade. Je soutiens la cause palestinienne depuis mon adolescence et là, tout d’un coup, en plus de la colère et la tristesse, je suis obligé de ne rien poster, de me taire, parce que je suis en plein processus de renouvellement de mon visa long séjour. Et au rythme où vont les choses, un post sur Instagram peut me coûter mon titre de séjour. »

« J’ai de la famille à Beyrouth, je ne peux malheureusement pas risquer ma carrière et ma vie ici. Nous sommes scrutés, ici, en Allemagne, et il y a une politique silencieuse de zéro tolérance envers les pro-Palestiniens. C’est plus facile dans des villes comme Londres, par exemple, avec des manifestations de centaines de milliers de personnes », poursuit-il.

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À la recherche d’une histoire arabe, queer et féministe

Justement, dès le début des bombardements sur Gaza, le graphiste et directeur artistique Marwan Kaabour, qui vit et travaille à Londres depuis une dizaine d’années, publie quotidiennement sur son compte Instagram (@ustaz_marwan) des posts qui dénoncent, de manière brusque et quasi chirurgicale, le génocide des Gazaouis par Israël. « Bien sûr, je m’exprime de manière très claire sur Instagram et il n’y a aucune ambiguïté quant à ma position dans cette situation terrible. Le Royaume-Uni, où je vis, est heureusement légèrement différent de la France ou de l’Allemagne, où il y a eu plus de menaces directes, de censure et de licenciements ; même si nos grandes institutions artistiques n’ont pas été autorisées à faire de déclarations. »

Comme Marwan Kaabour, May Ziadé questionne à travers son travail de réalisatrice la représentation occidentale et colonialiste des Arabes, entre autres thèmes. Basée à Londres après avoir vécu à Paris, elle vient de lancer son premier court-métrage Néo Nahda, une fiction queer féministe. Pour elle, cette mise sous silence des artistes et acteurs du domaine remonte à bien avant le 7 octobre. « J’ai toujours été ouvertement en soutien de la libération palestinienne – cela n’a pas commencé le 7 octobre. J’ai vécu en Europe toute ma vie adulte... et cet engagement a toujours posé problème dans une certaine mesure, même si je n’ai jamais été licenciée pour cela. Cela m’avait déjà contrainte à reconsidérer avec qui je travaille et pour qui je travaille », dit-elle aujourd’hui. Dans cette même ligne de pensée, le réalisateur Ely Dagher, qui avait décroché la Palme d’or du court-métrage au Festival de Cannes en 2015 pour Vagues ’98, dénonce les doubles standards des institutions artistiques qui, selon lui, contribuent à – si ce n’est pas légitimisent – cette vague de censure. « Nous savons tous que de nombreux artistes libanais ou arabes en général dépendent des institutions et des financements européens et américains pour leur pratique artistique, et la censure que nous observons est sans précédent », observe le réalisateur, en rappelant que ce sont souvent des institutions financées par des gouvernements. « Les mêmes gouvernements qui financent le génocide en Palestine et finissent par envoyer une aide humanitaire et des fonds pour les arts, dit-il. Beaucoup de ces institutions et de ces financements ont, pendant des décennies, poussé à la surmédiatisation de l’iconographie du traumatisme et ont fétichisé notre “victimisation” au lieu de soutenir les voix reflétant historiquement notre réalité. »

« Un avant et un après-7 octobre »

De son côté, la photographe et artiste visuelle Ayla Hibri considère qu’il y a eu « un avant et un après-7 octobre ». Elle confie qu’elle a « toujours eu un pressentiment profond qu’il y avait quelque chose de problématique dans la façon dont le monde de l’art occidental voulait positionner les artistes de notre région. Soit ils fétichisaient nos luttes, soit ils voulaient que nos voix soient atténuées et notre vérité étouffée. Le voile a maintenant été levé et ma perception a radicalement changé. Tout est politique ». Pour elle, la question de parler haut et fort en faveur de la cause palestinienne ne s’est même pas posée et celle-ci influencera définitivement sa manière de travailler dans l’avenir. « À partir de maintenant, je choisirai soigneusement mes collaborateurs, je veillerai à ce que nos principes et nos valeurs soient alignés et je serai fière de m’exprimer sur la réalité des choses. En plus de cela, je ferai le travail nécessaire pour identifier et réviser les aspects inconscients et intériorisés de moi-même qui résultent du fait de venir d’un endroit colonisé, et je défierai l’hégémonie occidentale en explorant et en renforçant ce que cela signifie d’être arabe. »

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Quant au styliste Makram Bitar, installé à Paris depuis 2021 et qui vient d’être représenté par l’agence M+A Group, il affirme qu’« au-delà de l’horreur des images qui nous parviennent de Gaza », ce moment de l’histoire l’a amené à réfléchir à « notre rôle en tant qu’artistes et créatifs. Être dans ce domaine, créer une œuvre, quelle qu’elle soit, est, à mon avis, une question de sincérité. On ne peut pas être un artiste sans être sincère. La sincérité est en soi un acte politique. Il me semble donc impossible de revendiquer la sincérité de son œuvre, de son travail, tout en restant silencieux face au massacre du peuple palestinien. Je suis pleinement conscient qu’en affichant mon soutien au peuple palestinien, à cette cause humaine qui dépasse la politique, et rien que par le fait d’être un homme arabe, je mets ma carrière et mes contrats potentiels en danger. Cependant, aujourd’hui, notre silence coûterait tellement plus cher qu’un emploi ou un contrat. C’est une question morale ».

Si Rym Beydoun, fondatrice et directrice artistique de la marque Super Yaya, affiche quotidiennement son engagement envers la cause palestinienne sur son compte Instagram personnel, elle explique avoir choisi de garder la communication de sa marque en marge de cela. « En ce qui concerne l’expression de mes opinions sur les réseaux sociaux, je préfère ne pas publier au nom de ma marque, car c’est une entité indépendante, d’autant plus qu’étant basée au Liban et enregistrée au Liban, je suis déjà soumise à de nombreuses restrictions. Dix pour cent de mes clientes ne peuvent pas envoyer d’argent à Beyrouth pour des prétextes de sanctions contre les banques. Je prendrai position de manière significative, et de toute manière, j’ai déjà pris position, à commencer par le t-shirt que j’ai conçu pour le magazine Marfa et sur lequel j’ai brodé les mots “Pas L’Estime”. Je compte aussi collecter des fonds, lancer notre premier épisode de Radio Yaya abordant la question de la cause palestinienne à travers l’art, les poèmes et la musique. Cependant, je pense que cela doit rester poétique, car c’est une plateforme artistique que je gère, en fait. J’utilise ma voix personnelle, mais je suis prudente avec ma marque. » Et d’ajouter : « De toute façon, je suis africaine-arabe, c’est connu dans le milieu de la mode, d’ailleurs mon travail consiste à prouver que l’Europe n’est pas mon centre et que des choses sont possibles en dehors de l’Occident. Je soutiens évidemment les opprimés, les colonisés, les habitants du Sud et du Moyen-Orient dans l’absolu, mais je pense qu’il y a une manière de le dire et je n’ai pas encore trouvé la bonne façon de l’exprimer. Je suppose que cela se manifestera de manière subtile mais impactante dans ma prochaine collection, il y aura sûrement un message... » Dans le même domaine, la designer Sabine Ghanem Getty confie que « j’avais un projet de lancement d’une marque qui devait se mettre en route, mais il a été annulé parce que l’autre personne impliquée est fermement du “camp opposé”. Pourtant, je considère mon camp comme humaniste et humanitaire, certainement opposé au colonialisme, mais en aucun cas radical. Sauf qu’il semble que même parler d’un cessez-le-feu ou des droits humains des Palestiniens soit devenu problématique. Nous en sommes arrivés là ».

La designer Rym Beydoun a conçu, pour le magazine "Marfa", un t-shirt sur lequel elle a brodé les mots “Pas L’Estime” sur une calligraphie de P-Thugg. par . Photo DR

La crainte des conséquences financières que pourrait avoir une telle prise de position sur une entreprise soutenant la cause palestinienne n’est pas l’unique appréhension qu’ont pu avoir les artistes en s’engageant. Micheline Nahra, designer installée aux Pays-Bas, l’explique de la sorte : « Au début de la guerre que les forces d’occupation israéliennes ont lancée contre les Palestiniens, j’ai développé beaucoup d’anxiété et de peur. J’avais en réalité peur des gens, non seulement des dirigeants mondiaux dont nous suivions les discours à la télévision, mais aussi des personnes autour de moi. Vivre dans un endroit où je sais que le gouvernement soutient “le droit d’Israël à se défendre” a créé en moi cette crainte d’avoir quelqu’un devant ma porte qui croit aussi en cela, car cela nous placerait automatiquement à des extrémités différentes du spectre de l’humanité, et je ne peux pas concevoir comment avancer après cela. Il m’a fallu de la force pour réussir à me recentrer sur moi-même et trouver la volonté d’expliquer aux gens autour de moi la réalité de la lutte palestinienne, en particulier à ceux qui sont disposés à en apprendre davantage. Heureusement, je suis entourée d’amis et de collègues solidaires, bienveillants et partageant les mêmes idées, donc ma peur et mon anxiété à l’égard des gens sont définitivement un peu moins présentes. Cependant, je suis malgré tout paralysée et je n’arrive pas à trouver en moi la motivation pour travailler, rien ne semble faire sens à ce stade. Cela pose un problème car nous sommes des travailleurs indépendants et nous devons être autonomes. »

« J’ai reçu une vague de messages haineux de personnes qui me suivaient »

Raphaëlle Macaron, une illustratrice basée à Paris et qui, avec le DJ d’origine libanaise P-Thugg (Patrick Gemayel), a mis en vente plusieurs produits au profit de Medical Aid Palestine, sur la plateforme de la marque Ya Habibi Market, raconte les premières représailles au moment où elle s’est mise à publier des postes et des illustrations en faveur de Gaza sur son compte Instagram. « Bien que je ne sois pas dans une situation où des contrats de travail ont été interrompus, je sais que je suis déjà dans une position où des clients qui avaient l’intention de me contacter ne le feront pas en raison de ma position de soutien à la cause palestinienne. Je ne peux pas quantifier ou savoir combien, mais dès le premier jour où j’ai commencé à m’exprimer sur Instagram, j’ai reçu une vague de messages haineux de personnes qui me suivaient et étaient sensibles à mon travail. Cela m’a profondément perturbée, en particulier deux messages de personnes sionistes dont j’ai vu en consultant leurs profils qu’elles avaient acheté mes œuvres. Je me suis sentie utilisée, presque violée, en sachant que mon travail était entre les mains de personnes racistes qui vont à l’encontre de mes principes et de mes valeurs. » Dans cette perspective, le photographe et directeur artistique Eli Rezkallah, fondateur de Plastik Studios et Plastik Magazine, décrit justement cet engagement humain comme une décision presque clivante. « Il est clair que lorsque j’ai commencé à exprimer ouvertement mon soutien à la cause palestinienne, il y avait en quelque sorte une décision délibérée qui la précédait. Et le simple fait que nous devions “décider” d’exprimer notre soutien à quelque chose d’aussi fondamental que les droits de l’homme en dit long sur l’état du monde. Malgré le fait que cela concerne simplement l’humanité, il semble y avoir une sorte de scénario “eux contre nous” dans le milieu de l’art et de la mode qui se déroule sous nos yeux, et je ne comprends pas pourquoi ni comment cela se produit », dit-il.

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Eli Rezkallah, talent aiguille

À l’instar de Rezkallah, la designer Sabine Ghanem Getty s’est installée il y a quelques mois à New York où, dit-elle, « la situation est très tendue ». « Au début des bombardements sur Gaza, je me trouvais sur la Cinquième Avenue où cinq personnes s’étaient rassemblées avec des drapeaux palestiniens, simplement pour montrer leur soutien et leur solidarité envers le peuple palestinien. En les voyant, je leur ai simplement fait un geste d’encouragement. De l’autre côté de la rue, un homme s’est aussitôt mis à hurler et nous a traités de terroristes, et d’autres personnes l’ont rejoint pour l’encourager. Cela montre à quel point l’atmosphère est tendue ici aux États-Unis, et celle-ci a un écho sur notre industrie. »

Sabine Ghanem Getty avoue que la cause palestinienne la touche depuis qu’elle est très jeune. « À douze ou treize ans, c’est ce que je voyais déjà à la télévision, les horreurs infligées aux Palestiniens, et cela m’a marquée pour toute ma vie. Il était donc impossible pour moi de rester silencieuse. Bien sûr, j’ai condamné les attaques du Hamas, mais surtout depuis lors, la punition collective illégale infligée au peuple palestinien. Je reçois des menaces directes sur Instagram ainsi que d’autres, plus silencieuses, comme le coup de fil d’une connaissance à New York à qui on a demandé de me faire taire parce que je les dérange. J’ai la chance d’être privilégiée et de ne dépendre de personne pour mon travail, et c’est sans doute ce qui les dérange le plus. »

Les menaces et l’intimidation ne surprennent presque plus Hamed Sinno, artiste et ex-chanteur du groupe Mashrou’ Leila, habitué à se faire taper dessus à chaque fois qu’il emploie sa voix pour s’engager envers telle ou telle cause. « En tant que travailleur indépendant, je n’ai pas connu de harcèlement professionnel depuis le 7 octobre. J’ai reçu des menaces en ligne aléatoires, ce n’est rien de nouveau et je ne prendrais pas ça au sérieux, simplement parce que je me suis habitué. J’ai été harcelé dans la rue par un sioniste qui a craché sur mes amis et moi, avec la police regardant la scène sans broncher », raconte-t-il. En revanche, ce qui l’inquiète, c’est la suite. « Je suis déjà obligé de travailler avec des institutions occidentales qui pourraient ne pas être alignées sur mes convictions et mes valeurs. J’essaie de ne pas y penser. Mes convictions sont basées sur des principes, pas sur des opportunités. Les gens oublient que la plupart du temps, les Arabes en Amérique ont du mal à simplement obtenir une chance équitable, juste parce qu’ils sont arabes. »

Mais par-delà l’engagement immédiat et, selon eux tous, urgent envers la cause palestinienne, c’est toute une éthique de travail qui est remise en question pour ces créatifs. « Je n’ai jamais eu peur d’afficher mes opinions, surtout lorsqu’il y va de ma sincérité, et c’est la raison pour laquelle je refuserai d’être puni ou annulé au motif d’avoir choisi le bon côté de l’histoire, et c’est moi qui, dès à présent, filtrerai les personnes avec lesquelles je collabore, affirme en ce sens Makram Bitar. Comme je l’ai mentionné, mon travail ne pourra jamais être sincère si ceux qui y participent ne partagent pas mes principes ou, en tout cas, ne font pas preuve d’humanité alors que nous vivons un génocide. » Et Eli Rezkallah de renchérir : « Je pense que lorsqu’il s’agit d’emplois et de contrats, il est grand temps de penser que si les personnes avec lesquelles nous collaborerons ne partagent pas nos valeurs, alors il n’y a tout simplement aucun intérêt à faire ce travail. En vivant à New York, au milieu du capitalisme sauvage, je peux comprendre que certaines personnes s’inquiètent de perdre leur emploi. Les gens ont besoin d’argent pour en gagner et une simple prise de position en faveur de vies humaines peut malheureusement compromettre cela. Mais en ce qui me concerne, je pense que le seul moyen de réussir est d’être aligné, sur le plan des valeurs, avec les personnes avec lesquelles vous travaillez. »

Mêmes pensées chez Marwan Kaabour qui avance « devoir être plus vigilant et examiner attentivement les clients qui me sollicitent et voir avec qui je me sens à l’aise de travailler ». « Je refuserai catégoriquement de fournir mes services à des entités ou des institutions qui ne sont clairement pas alignées avec mon point de vue. D’un autre côté, il y a une anxiété certaine selon laquelle une fois que la poussière retombera, des personnes comme moi seront punies pour la position qu’elles ont prise. Il s’agit d’une véritable anxiété, sauf que de toute façon, je ne voudrai catégoriquement pas collaborer avec quiconque ne partage pas mes principes. Il s’agit d’une question de principes, d’humanité à ce stade », souligne-t-il. Le réalisateur Ely Dagher va encore plus loin, concluant : « Nous devrions non seulement prendre la parole, mais aussi annuler tout institution ou fonds menaçant de punir les voix de la résistance. Nous devrions être ceux qui tiennent responsables les apologistes et les complices des crimes commis contre le peuple palestinien. Nos vies et nos libertés sont en jeu. Et si des personnes perdent leur carrière, c’est un très petit prix à payer lorsque d’autres paient de leur vie. »

Le 6 novembre, vous avez pu lire dans ces mêmes pages un article signé Zéna Zalzal qui révélait que deux toiles de l’artiste Ayman Baalbaki avaient été retirées du catalogue de la vente semestrielle d’art du Moyen-Orient de Christie’s organisée le 9 novembre à Londres. Sur la première toile, un homme à la tête enveloppée d’un keffieh et sur la seconde, un homme...

commentaires (3)

Ces libanais qui soutiennent une soit disant cause palestinienne sont ridicules , surtout avec tout le mal que les palestiniens ont fait au liban. Ils veulent soutenir ce qu’ils appelent la palestine au point de mettre leur carrieres en danger (si on s’en tient à ce que dit l’article) ca en vaut vraiment la peine ??

JPF

23 h 47, le 10 novembre 2023

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Commentaires (3)

  • Ces libanais qui soutiennent une soit disant cause palestinienne sont ridicules , surtout avec tout le mal que les palestiniens ont fait au liban. Ils veulent soutenir ce qu’ils appelent la palestine au point de mettre leur carrieres en danger (si on s’en tient à ce que dit l’article) ca en vaut vraiment la peine ??

    JPF

    23 h 47, le 10 novembre 2023

  • Combien de LIbanais ignorent aujour'dui la cause principale du declenchement de la guerre Libanaise de de 15 ans ?

    Remy Martin

    12 h 14, le 10 novembre 2023

  • Le problème avec ça c'est que si quelqu'un crie "Vive Israël" on ne saura jamais s'il le pense vraiment ou s'il le dit parceque c'est obligatoire...

    Gros Gnon

    11 h 31, le 10 novembre 2023

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