Il semble de plus en plus évident que Gebran Bassil craint pour la survie de son bloc parlementaire. Si le chef du Courant patriotique libre assume publiquement sa convergence (ponctuelle) avec l’opposition sur la candidature de l’ancien ministre des Finances Jihad Azour dans la course pour Baabda face au chef des Marada Sleiman Frangié, soutenu par le tandem chiite, il craint une vague de désobéissance de plusieurs députés aounistes classés parmi ses détracteurs. Pour mater la contestation au sein de son parti, M. Bassil a donc joué mardi la carte des menaces à l’encontre des frondeurs. Tout dérapage « engendrera des mesures internes et une reddition des comptes », a-t-il martelé.
La pression sur les députés aounistes est donc à son paroxysme, à la veille de la séance électorale prévue mercredi, qui devrait témoigner du premier duel entre deux candidats. Dans cette bataille, chaque voix va compter et c’est pour cette raison que Gebran Bassil veut barrer la voie à toute « trahison ». Et surtout à toute tentative d’infiltration du Hezbollah, prêt à tout pour améliorer le score de son candidat. Il a ainsi appelé le tandem chiite à « ne plus interférer dans les affaires internes du CPL et à ne pas pousser certains de ses cadres et députés vers d’autres choix », qualifiant cette attitude de « contraire à l’éthique ». Ces menaces à peine voilées, Gebran Bassil les a lancées lors d’un point de presse tenu mardi à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc du Liban fort. L’occasion pour le chef du parti aouniste d’affirmer une fois pour toutes que les députés du bloc glisseront le nom de Jihad Azour dans l’urne. « Nous avons dit non à la moumanaa (le camp piloté par le Hezbollah) et non à la confrontation (la logique défendue par l’opposition). Mais en matière d’élection, il faut faire un choix », a lancé le chef du CPL. Gebran Bassil est toutefois conscient qu’il évolue sur un terrain miné, marqué par les objections internes contre ses choix présidentiels. Il a donc tenu à faire valoir que le soutien à l’ancien ministre des Finances est le fruit d’un long processus interpartisan. « Cette décision a été prise avec l’approbation » de toutes les instances aounistes. « Voter Azour devient ainsi un devoir », a-t-il tonné.
C’est d’ailleurs la troisième fois en l’espace de deux semaines que M. Bassil tente de faire taire les voix parlementaires aounistes hostiles à l’option Jihad Azour. S’il n’avait pas manqué, dans un premier temps, d’user de l’autorité morale et politique de son beau-père Michel Aoun pour dicter sa volonté, M. Bassil a haussé un peu plus la barre mardi. Il a donc menacé, pour la première fois, de sanctionner, les désobéissants. « Celui qui ne respecte pas la décision du CPL ne respecte pas l’unité du parti ni sa force ni son prestige et aura causé son affaiblissement. Cela engendrera une reddition des comptes conformément au règlement interne. Mais cela n’arrivera pas, car je mise sur l’engagement et l’éthique des membres du CPL », a-t-il lancé. Poursuivant sur sa lancée, il a réagi à la récente escalade verbale du camp du 8 Mars et ses satellites face au CPL. « Appuyer un candidat (autre que celui du Hezbollah) ne fait pas de nous des espions et des agents (à la solde d’Israël) », a tonné M. Bassil, dans une réponse au cheikh Ahmad Kabalan, gravitant dans l’orbite du parti de Hassan Nasrallah. Il a, dans ce cadre, tenu à souligner que Jihad Azour « n’est pas un candidat provocateur ni de défi ».
Un dernier pointage
C’est donc dans une atmosphère de polarisation aiguë que se tiendra la douzième séance électorale mercredi. À quelques heures de ce duel attendu, Jihad Azour est donné favori par rapport à Sleiman Frangié avec en principe une soixantaine de voix qui se répartissent comme suit : les Forces libanaises et Camille Dory Chamoun (19), le Parti socialiste progressiste (8), les Kataëb (4), le bloc du Renouveau de Michel Moawad (4), au moins cinq députés issus de la contestation (après le ralliement de Paula Yacoubian et Najate Saliba) et deux indépendants. Quant au CPL, M. Azour peut d’ores et déjà compter sur onze au moins de ses 17 députés, alors que la décision des six frondeurs (Alain Aoun, Simon Abi Ramia, Farid Boustani, Ibrahim Kanaan, Assaad Dergham et Élias Bou Saab) reste floue. En face, Sleiman Frangié est assuré des voix du bloc du Hezbollah (15), du mouvement Amal (15) et des Marada et leurs alliés (4). Les 5 députés sunnites pro-8 Mars voteront également Frangié, alors que les sunnites ex-haririens ne voteront pour aucun des deux candidats. La décision des deux députés Tachnag demeure inconnue.
Ce pointage s’appliquera au premier tour de vote, le second étant hypothétique. Car les deux camps peuvent provoquer un défaut de quorum, comme l’a fait le tandem chiite au fil des onze premières séances. Nabih Berry a d’ailleurs donné le ton mardi. Dans une déclaration au quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar, le chef du législatif a confirmé qu’il voterait Frangié, « indépendamment des résultats du premier tour », laissant entendre que le second tour n’aurait pas lieu car « dès qu’un camp ressent le danger de perdre, il provoquera le défaut de quorum ».
Paris appelle « à prendre au sérieux » la séance électorale
La France a appelé mardi le Liban à saisir l’occasion de la séance parlementaire pour élire un président. La France appelle à « prendre cette échéance au sérieux et d’en faire l’occasion d’une sortie de crise », a déclaré Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère lors d’un point de presse. « Il est entendu que nous continuons à appeler à la sortie de crise qui est notre message depuis 8 mois, et il s’agit de ne gâcher aucune occasion », a-t-elle souligné. Elle a par ailleurs annoncé que la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna rencontrera vendredi son prédécesseur Jean-Yves Le Drian, nommé « envoyé personnel pour le Liban » d’Emmanuel Macron. « Il sera reçu par la ministre pour évoquer les suites de sa mission définie », a-t-elle ajouté, précisant qu’il s’agit de « poursuivre nos efforts pour une sortie urgente de la crise, et cela reflète la priorité que la diplomatie française donne à cette question ». Elle a également souligné que la mission de M. Le Drian se déroulerait « en étroite coordination et concertation » avec le Quai d’Orsay. Interrogée sur la possibilité d’une conférence sur le Liban à Paris, la porte-parole a répondu : « Il s’agit pour nous de faire tout d’abord l’évaluation de cette session parlementaire. »
Comprenez le problème. C’est une grande partie du peuple qui a élu les députés. Si aux prochaines élections législatives, une petite partie des électeurs vont refuser de voter, ceux du Hezbollah et de Amal vont tous se présenter aux urnes, et ils risquent d’obtenir chacun au moins cinq élus supplémentaires chacun, ces élus seront les mécontents qui aspirent à êtres élus sous la bannière et la protection du Hezbollah. Faites travailler votre conscience morale au lieu d’être avides de gains pour être élus. Et ce sera un grand bravo pour le Hezbollah qui a su mobiliser ses hommes et son savoir faire. Et nous, on ne peut reconnaître que nos erreurs internes et se plier pour voir le Liban exsangue sous le joug de l’Iran et de la Syrie.
14 h 02, le 14 juin 2023