Samir Geagea campe toujours sur ses positions : pour le chef des Forces libanaises (FL), soutenir tout candidat de l'axe de la Moumanaa (la résistance pro-iranienne au Liban et ses alliés) à la présidentielle "revient à prolonger la vacance" dans laquelle le pays est plongé depuis la fin du mandat de Michel Aoun. Un sexennat qu'il avait pourtant soutenu au préalable et qu'il qualifie aujourd'hui de "destructeur". Ceci, au moment où le chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil lui tend à nouveau la main en vue de cette échéance, au grand dam du Hezbollah, qui a dernièrement officialisé avec le mouvement Amal son soutien au leader des Marada Sleiman Frangié. Face à ces développements, Samir Geagea a haussé le ton : "Vous n'entrerez pas dans le palais (présidentiel)", a-t-il lancé au Hezbollah et ses alliés, dans un discours transmis par écran interposé à l'issue d'une messe en mémoire des "martyrs de Zahlé".
Lors des onze séances électorales organisées depuis septembre, les parlementaires ont échoué à élire un successeur à Michel Aoun. Jusque-là, le député de Zghorta Michel Moawad, soutenu par l'Arabie saoudite et une partie de l'opposition (à la Moumanaa), a récolté le plus grand nombre de voix. Si le tandem chiite Amal-Hezbollah a affirmé soutenir M. Frangié, les députés chrétiens, eux, semblent encore profondément divisés. Dans son dernier discours, M. Bassil avait tenté de faire de la présidentielle une question maronite, estimant que son parti et celui de Samir Geagea doivent s'entendre afin que Sleiman Frangié, qui se heurte au véto chrétien, ne soit pas imposé. Le député de Batroun, de plus en plus isolé sur la scène locale, et dont les relations avec son unique allié se sont dernièrement tendues, souhaiterait donc reproduire le scénario de 2016, lorsque les deux partis avaient conclu l'accord de Meerab et permis à Michel Aoun d'accéder à la tête de l'État. Mais le leader des FL ne semble pas fléchir.
Prolonger la vacance
"Ils parlent de dialogue et d'entente, alors qu'ils ont décidé à l'avance du candidat qu'ils veulent, et de la manière dont ils le veulent", a fustigé Samir Geagea, dans une critique adressée au tandem chiite, qui a continué à voter blanc lors des séances parlementaires avant d'officialiser son soutien à Sleiman Frangié. "A celui qui nous provoque à chaque fois, et nous pousse à choisir entre son candidat ou la vacance, je lui dis : essayez toujours, on verra bien", a encore tonné le chef des FL. Pour lui, soutenir "tout candidat de l'axe de la Moumanaa, quels que soient son nom ou son identité, revient à prolonger la vacance à la tête de l'Etat. Son mandat ne sera qu'un prolongement du mandat précédent". Avant d'abonder : "Nous refusons tout candidat qui n'a pas d'identité claire et qui manque de traits souverain et réformateur. Tout candidat de rapiéçage, au moment où il n'y a plus rien à rapiécer dans cet Etat, est inacceptable". Comprendre : le leader chrétien s'oppose au choix de Sleiman Frangié, mais aussi à celui de Gebran Bassil, tous deux candidats officieux à la magistrature suprême. Revenant sur les événements de la bataille de Zahlé en 1981, qui avait opposé les habitants de la ville à l'armée syrienne, il a déclaré : "Vous leur avez dit (aux soldats syriens, ndlr) vous n'entrerez pas dans Zahlé et c'est ce qu'il s'est passé. Aujourd'hui, nous disons à l'axe de la Moumanaa : Vous n'entrerez pas à Baabda", où se trouve le palais présidentiel.
Ces propos interviennent alors que les efforts diplomatiques se sont dernièrement multipliés afin de débloquer la présidentielle. En février dernier, des diplomates américains, français, saoudiens, qataris et égyptiens avaient formulé, lors d'une réunion à Paris, une feuille de route pour une sortie de crise au Liban. Depuis, les contacts franco-saoudiens se sont multipliés dans cette perspective. Paris a proposé au royaume un troc entre le poste de président de la République, qui irait à M. Frangié, et celui de Premier ministre, qui reviendrait en contrepartie à un candidat approuvé par les Saoudiens. Une proposition que Riyad a rejetée, refusant de fléchir sur sa position hostile à l'égard du Hezbollah au Liban. Après avoir reçu une invitation officielle, Sleiman Frangié s'est rendu vendredi à Paris pour discuter de la présidentielle avec les responsables français. "On s’attend que les Français demandent à Sleiman Frangié une série de garanties afin de convaincre l’Arabie saoudite", avait affirmé un proche du leader des Marada à notre publication.
Critiques du mandat Aoun
Dans son discours, Samir Geagea s'est aussi livré à une longue critique du sexennat de l'ex-président Michel Aoun et de son alliance avec le parti chiite. "Le problème avec le mandat précédent n'était pas uniquement lié à l'identité du président et son nom, mais plutôt à la démarche de l'axe de la Moumanaa qui est un État dans l'État, et qui s'oppose complètement au concept de l'État, ce qui a mené le Liban à l'effondrement, à la faillite et à un rejet arabe et international", a fustigé M. Geagea. Pour lui, "tant que rien n'a changé dans cette démarche, tout candidat de cette ligne, quel que soit son nom, mènera à un résultat similaire au mandat précédent". "Les temps du rapiéçage, de la zone grise et de la procrastination sont révolus", a martelé le chef des FL.
Mais les piques de Samir Geagea ne s'arrêtent pas là. "L'axe de la Moumanaa a accédé à la présidence une fois, et a détruit le pays mille et une fois", a-t-il encore poursuivi, dans une référence au mandat aouniste. "Il est temps qu'il s'éloigne et pave la voie aux Libanais honnêtes, réformateurs et souverains résolus à sortir le pays de cette fournaise où il l'a mené, a dénoncé M. Geagea. "Cette fois-ci, nous ne nous laisserons pas faire", a-t-il renchéri.
Soutien à Michel Moawad
Le chef des FL a par ailleurs rappelé que son parti a participé aux onze séances parlementaires tenues depuis septembre dernier pour tenter d'élire un nouveau président, et réaffiché son soutien au député de Zghorta Michel Moawad. "Nous avons voté pour un candidat dont l'identité est connue, alors qu'ils ont voté blanc ou pour des personnes décédées au premier tour et suscité un défaut de quorum lors du deuxième", a reproché Samir Geagea au CPL et au tandem chiite Amal-Hezbollah, dont les députés se retiraient de la Chambre, provoquant ainsi une levée des séances. "Ils ne réévaluent pas les résultats des démarches de blocage depuis 2006, et ignorent le prix que paie le pays en raison de leurs politiques, leur avidité, leur échec, leur soif de pouvoir et leur attachement aux armes illégales", a-t-il encore déploré, dans une allusion à l'arsenal du Hezbollah. "Celui qui veut un État dans l'État et des armes illégales, qu'il les mette en place chez lui. Nous voulons un État qui assure aux citoyens leurs droits les plus basiques", a enfin conclu M. Geagea.
commentaires (32)
Mieux vaut être à la traine des saoudiens qu’à celle des iraniens. Eux ne sabotent pas le pays comme les vassaux de l’Iran : cpl,amal,hé zèb etcétéra
Citoyen Lambda
15 h 50, le 03 avril 2023