Gebran Bassil n’en démord pas. Il veut se replacer à tout prix au centre de l’échiquier politique. Pour se faire, il menace le Hezbollah en affichant une volonté de se rapprocher des Forces libanaises, et vice versa. Le chef du Courant patriotique libre a besoin de conclure une alliance solide, et qui lui serait profitable, au plus vite. Et peu importe avec qui. C’est la principale leçon à retenir de sa double intervention de ce week-end marathonien, durant lequel le CPL a organisé des rencontres, des débats et un dîner dans trois buts : récolter des fonds, annoncer le document politique de la formation pour l’année et détailler sa réorganisation.
La présidentielle demeure toutefois en tête des priorités de l’ancien ministre des Affaires étrangères. « Nous ne souhaitons rien d’autre que de nous entendre sur un candidat et un programme car il n’y a aucune autre solution », a-t-il insisté dimanche. Faute de pouvoir se présenter lui-même, il veut être au cœur du futur compromis. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre son appel du pied aux FL qu’il a invitées une fois de plus à faire un pas vers lui, faisant miroiter un éventuel accord de « Meerab Bis », qui réunirait les deux plus grandes formations chrétiennes autour de l’échéance présidentielle. Un peu sur le modèle de ce qui s’était produit en 2016 lors de l’élection de Michel Aoun. Les FL refusent depuis plusieurs semaines son appel au dialogue sous l’égide de Bkerké. Alors pour les convaincre, le gendre de Michel Aoun a joué à fond la carte maronite.
« Nous maronites, et c’est la première fois que je dis maronites et non chrétiens (...), nous sommes d’accord sur les fondamentaux chrétiens et nationaux et en désaccord au niveau du pouvoir. Le temps est venu que nous nous mettions d’accord sur une mise en pratique de ces fondamentaux si nous voulons rester dans ce pays », a-t-il déclaré dans son discours de dimanche. Jamais le leader du parti orange n’était allé aussi loin dans la logique du « nous » (chrétiens) contre eux (musulmans en général mais plus spécifiquement le tandem Hezbollah-Amal). « Aujourd’hui ils veulent un président faible pour qu’ils puissent le manipuler à leur guise. Ils veulent un chef d’État qui ramené l’heure du pays en arrière, au lieu d’avancer l’heure des réformes ; un président qui marginalise le Liban exactement comme ils l’ont fait avec la question de l’ajustement de l’heure à l’horaire international », a-t-il dit dans une pique à peine voilée au tandem chiite.
Pas de quorum sans le CPL
Pour reprendre la main, Gebran Bassil veut (re)faire de la présidentielle une question maronite. Dans sa logique, le CPL et les FL sont condamnés à s’entendre et à agir en tandem s'ils souhaitent élire un président qui ne leur soit pas imposé par le tandem chiite. Il en veut pour preuve le fait que les FL ne peuvent pas provoquer à elles seules un défaut de quorum au Parlement si le chef du Parlement, Nabih Berry, devait s’obstiner à tenir une séance électorale. Selon le chef du CPL, ce qui retiendrait encore Samir Geagea de faire un pas dans sa direction, c’est sa crainte que le conflit qui oppose le courant aouniste au parti chiite depuis quelques mois « ne soit un leurre ou que notre ouverture (aux FL) ne soit un moyen pour nous de renforcer notre position dans les négociations ».
Les FL restent convaincues à ce jour que le chef du parti orange est en train de bluffer. « Il est clair que nous sommes en désaccord avec le CPL sur le projet global que nous souhaitons pour le pays. Pour nous, il ne doit y avoir aucun rôle pour la « résistance » alors que pour le CPL, celle-ci doit venir en soutien à l’État », affirme à l’OLJ le porte-parole des FL, Charles Jabbour.
Le cadeau de Mikati et Berry
S’il tente une ouverture vers les FL, Gebran Bassil n’oublie pas de reformuler ses reproches à l’encontre du Hezbollah. Nous voulons l’État en premier et une résistance qui le protège et eux souhaitent l’inverse, une résistance protégée par l’État », a-t-il critiqué. Les relations entre les deux parties sont houleuses depuis que le parti chiite a imposé de manière unilatérale son candidat, le chef des Marada, Sleiman Frangié, que le CPL rejette catégoriquement. Gebran Bassil s’est ainsi plaint du comportement de son ancien allié chiite qui lui avait promis qu’il n’accepterait pas un président qui n’ait pas obtenu son aval et qui a quand même fait le contraire en exprimant au final son soutien à Sleiman Frangié, une annonce dont il a pris connaissance par le biais des médias, a-t-il déploré. Il a toutefois rappelé qu’il reste disposé au dialogue sans que l’une ou l’autre partie ne s’aventure à imposer son choix à l’autre. Autrement dit, il est prêt à revenir à ses anciennes amours à condition que le parti chiite lui donne ce qu’il souhaite en retour. Si le chef du courant patriotique libre souhaite donc respecter la trêve verbale convenue entre les deux formations, il n’en a pas moins tenté de faire chanter le parti chiite en œuvrant une fois de plus à un rapprochement avec les FL. Il a ensuite conclu son discours par un appel lancé à ses partisans qu’il a invités à descendre nombreux dans la rue sans préciser dans quel objectif et expliquer comment cela pourrait servir la cause de l’échéance présidentielle.
Dans un premier commentaire à chaud, un ancien responsable de la galaxie aouniste indique que le discours du chef du CPL a été une fois de plus « un simple exercice de rhétorique » qui ne change rien à la donne présidentielle. « La seule nouveauté est le scandale provoqué par la décision officielle du refus de l’ajustement de l’heure d’été, un cadeau que MM. Nagib Mikati et Nabih Berry (le Premier ministre et le chef du Parlement) ont servi sur un plateau d’argent à Gebran Bassil qui a utilisé cette mascarade comme un levier pour galvaniser ses troupes », commente-t-il.
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- COURT FUT NAPOLEON L,INTREPIDE, - SON CERVEAU TRAVAILLAIT A LA UNE. - MAIS QUAND ON EST COURT ET ON L,A VIDE, - LE TABOURET N,EST PLUS D,AIDE AUCUNE.
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 37, le 28 mars 2023