Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fustigé une nouvelle fois mardi la position du Liban officiel qui a condamné l'invasion russe de l'Ukraine lancée le 24 février, et a implicitement accusé le camp politique de son allié chrétien, le chef de l'Etat, Michel Aoun, et son gendre Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, de se soumettre aux Etats-unis qui sanctionnent ce dernier pour corruption. Il a affirmé, dans ce contexte, que le communiqué officiel du ministère libanais des Affaires étrangères a été envoyé à l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth, qui l'aurait modifié pour qu'il soit plus ferme à l'égard de la Russie.
Lors d'un discours télévisé retransmis en direct à l'occasion de la "Journée du résistant blessé", le leader chiite n’a toutefois à aucun moment mentionné le dossier épineux des négociations autour du tracé de la frontière maritime entre le Liban et Israël, alors que ces derniers jours son parti soufflait le chaud et le froid sur cette question. Mais son appel aux autorités libanaises à ne pas se "soumettre aux dictats américains" pourrait être interprété comme un message adressé au président de la République qui gère ces négociations, conformément à l’article 52 de la Constitution. Hassan Nasrallah a également omis de commenter les législatives du 15 mai prochain, ainsi que les récentes menaces d’Israël contre le Liban et le Hezbollah, après un accès de tension entre les deux pays suite à des survols de drone du parti chiite au-dessus du territoire de l’Etat hébreu.
"Dictats américains"
Le chef du Hezbollah s’est donc longuement attardé sur l’invasion militaire russe de l’Ukraine. Il s'est d'abord lancé dans une diatribe contre Washington, l'accusant d’avoir délaissé son allié ukrainien face aux forces russes, avant de cibler les autorités libanaises, principalement le camp aouniste sans le nommer. "Aux responsables libanais au pouvoir, à la population et aux forces politiques je dis : se soumettre aux dictats américains ne va pas sauver le Liban mais aggraver ses problèmes. Si vous voulez faire plaisir à l’Amérique, je vous le dis dès maintenant, vous n’allez pas réussir, car leurs exigences n’ont pas de limites. Ce n’est pas de la sorte qu’on agit avec les Américains. Qu’avez-vous gagné en agissant comme cela ?", a demandé le leader chiite.
Le Liban officiel avait condamné le 24 février l'invasion russe de l'Ukraine, et voté en faveur d'une résolution isolant Moscou à l'Assemblée générale de l'ONU. Si dans un premier temps, le chef de l'Etat, Michel Aoun, fondateur du CPL, a semblé prendre se distances avec le communiqué du ministère des Affaires étrangères, il s'y serait finalement aligné en plaidant pour un règlement pacifique du conflit militaire en Ukraine, assurant que "le Liban est contre toute guerre". Cette position officielle libanaise a fait polémique sur la scène locale, le Hezbollah et ses alliés la critiquant, prenant fait et cause pour Moscou et estimant que Beyrouth fait l'objet de pressions américaines. Certains observateurs affirment que cette position qui s'aligne sur celle de Washington aurait pour but de tendre une perche aux Etats-Unis en espérant que ceux-ci lèvent les sanctions visant Gebran Bassil. Mais l'intéressé a démenti ces accusations.
"Nous ne sommes pas vos esclaves"
"Le Liban officiel a voté à l’ONU en faveur des Etats-Unis. Il aurait pu s’abstenir de le faire (l'Iran, entre autres, s'est abstenu de voter, ndlr), car c’est là que réside l’intérêt du Liban. Les Libanais doivent dire aux Américains et à l’ambassade américaine : Nous ne sommes pas vos esclaves. C’est ce que dictent la souveraineté, l’indépendance et la liberté. La dernière fois, je n’avais pas commenté la position officielle exprimée par le ministère des Affaires étrangères. Mais aujourd’hui, je peux vous assurer que le communiqué est passé par l’ambassade qui a requis qu’il soit musclé. C’est cela la souveraineté ?", a ironisé Hassan Nasrallah.
"Nous n’appelons pas à la neutralité, mais les forces politiques s’étaient mises d’accord pour que le gouvernement reste neutre. Où est cette neutralité lorsque le cabinet adopte une position en faveur des Etats-Unis ? Il y a deux jours, j’ai lu une analyse du concept de neutralité que je n’ai honnêtement pas compris", a encore lancé le chef du Hezbollah, alors que dimanche, le patriarche maronite, Béchara Raï, avait apporté son soutien à l’Ukraine tout en affirmant que cela ne contredit pas le principe de neutralité. "De toute façon nous, au Hezbollah, n’appelons pas à la neutralité. Chaque situation nécessite une position particulière. Si le Hezbollah dominait vraiment le Liban, ce dernier aurait-il pu voter de la sorte à l’ONU ?", a encore demandé le chef du parti chiite.
Carburants et pénuries
Hassan Nasrallah a enfin commenté la crise de carburants et le risque de pénuries de blé et d'autres denrées, réapparues au Liban suite à la guerre en Ukraine. Sur ce plan, il a appelé les autorités à "signer sans tarder un accord avec la Russie pour la mise en place d’une raffinerie de pétrole", affirmant que ce projet pourrait assurer au Liban ses besoins "d’ici un an et demi". Il a dans ce contexte accusé l’ambassade des Etats-Unis de "s’opposer" à ce projet. "J’appelle les autorités à donner leur feu vert, sinon les files d’attentes seront de retour, et les gens s’entretueront de nouveau devant les stations-service", a prévenu le chef du Hezbollah. "Jetez en prison les accapareurs, confisquez les biens qu’ils stockent, contrôlez les prix, tapez fort, il n’y a pas d’autre solution, car le pays aura des problèmes si rien n’est fait', a martelé le leader chiite à l'adresse des autorités.
commentaires (19)
Ainsi font font font, nos petites marionnettes... Voilà comment elles nous occupent avec des polémiques stériles (je suis d'accord, je ne suis pas d'accord...) , pendant qu'elles passent tranquillement des accords avec les uns et les autres! Un peu de modestie, notre avis importe peu, notre maison brûle, vous vous souvenez?
Levantine
17 h 18, le 09 mars 2022