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Économie - Crise

Carburant : retour sur un lundi anxiogène

Des files d’automobilistes se sont formées devant les stations-service pour la troisième journée consécutive.

Carburant : retour sur un lundi anxiogène

Le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad (à g.) et le président de l’APIC, Maroun Chammas. Photo Dalati et Nohra

La crise que traverse le Liban depuis plus de deux ans est entrée dans une nouvelle phase depuis une grosse semaine, marquée par la hausse des prix, ainsi que par les perturbations de l’approvisionnement du marché local en carburant et en blé. Cette situation résulte de l’affolement des cours mondiaux de ces matières premières, dommage collatéral de la guerre en Ukraine, combiné à la précarité de la situation financière du pays du Cèdre. Si le taux de change s’est stabilisé entre 20 000 et 21 000 livres pour un dollar sur le marché (en incluant celui de la plateforme Sayrafa), la Banque du Liban (BDL) continue de puiser dans ses réserves de devises pour intervenir sur le marché, tandis que les résultats concrets des premières discussions officielles avec le Fonds monétaire international (FMI) se font toujours attendre. Ce taux marque une dépréciation de plus de 90 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport à la période où le taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar était encore effectif, tandis que les déposants doivent toujours conjuguer avec les importantes restrictions bancaires qu’aucune loi n’a encore entériné et qui sont contestées en justice, au Liban comme à l’étranger.

Files d’attente

Au niveau de l’essence, les automobilistes étaient lundi encore assez nombreux à faire la queue devant les stations-service ouvertes pour la troisième journée consécutive. La pression était plus ou moins forte en fonction du moment de la journée et de la localisation des stations, et notamment plus marquée aux abords de celles situées sur ou près des axes principaux par rapport à celles situées sur des axes secondaires. Toutefois, ces files d’attente étaient sans commune mesure avec celles qui avaient encombré les routes libanaises l’été dernier. « La situation était alors différente : le prix en livres de l’essence, du mazout et du gaz était encore fortement subventionné par la BDL et beaucoup de distributeurs du Liban-Nord, Liban-Sud et de la Békaa expédiaient la quasi-totalité de leur carburant en Syrie où il était revendu avec une marge importante. Les habitants de ces régions étaient alors obligés de se rabattre sur les distributeurs situés plus au centre du pays pour faire le plein de leur véhicule ou de leurs générateurs privés (pour le mazout) », témoigne un membre de la filière sous couvert d’anonymat. « Aujourd’hui, l’essence est plus chère pour tout le monde et une partie des distributeurs stocke de l’essence en attendant la hausse des prix, qui avait été annoncée pour (lundi), mais qui devrait avoir lieu (mardi) », rebondit un autre propriétaire de station-service.

Stations-service agacées

Un troisième souligne les difficultés liées au fait que les cours mondiaux grimpent à un rythme beaucoup plus élevé que celui des tarifs des carburants, amendés pour la dernière fois jeudi par le ministère de l’Énergie et de l’Eau. Il fustige le fait que les forces de sécurité astreignent les stations-service à vider leurs stocks, au lieu de se tourner vers les importateurs. « Le pétrole a passé la barre des 120 dollars depuis la semaine dernière, mais les prix (qui sont modulés en fonction des cours et du taux dollar/livre sur le marché, NDLR) n’ont pas évolué depuis jeudi. Par conséquent : à chaque fois qu’une station-service vide son stock, elle ne génère pas suffisamment de liquidités pour le renouveler, ce qui oblige son propriétaire à puiser dans ses réserves », déplore-t-il encore.

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Le spectre des files d’attente de retour, craintes de pénuries de carburant et de blé

Le président du syndicat des stations-service, Georges Brax, a lui-même dû composer avec une intervention des forces de l’ordre dans l’une de ses stations-service, située à Furn el-Chebback (Beyrouth) qui l’ont, en, présence du ministre de l’Économie et du Commerce Amine Salam, forcé à rouvrir après avoir constaté que ses réservoirs n’étaient pas totalement vides. « La station avait ouvert le matin jusqu’à midi. À la fermeture, il restait alors 2 900 litres dans les réservoirs de ce point de vente (de quoi faire moins de 50 pleins à 60 litres) », s’est agacé le syndicaliste, jugeant la pression infligée par les autorités pour une telle quantité inutilement excessive. « Il n’y a pas de plafond au prix du bidon d’essence, qui dépend du taux de change de la livre contre le dollar et du prix du baril de pétrole sur le marché mondial. Nous nous trouvons dans une situation exceptionnelle de guerre et personne ne sait jusqu’où les choses peuvent aller », a-t-il déploré dans une déclaration aux médias durant la journée.

Pour plusieurs des importateurs concernés, les difficultés actuelles sont autant liées à la hausse des prix qu’à la disponibilité des différents carburants concernés – essence, mazout et gaz. Pour eux, le rythme d’approvisionnement du marché dépend de trois grands facteurs : le rythme auquel la BDL débloque les crédits demandés – elle détermine toujours 85 % du prix total des importations, selon un taux dollar/livre qu’elle a fixé elle-même à 20 200 jeudi dernier, les 15 % de dollars restants devant être fournis par les sociétés, qui les puisent sur le marché – ; les quantités importées, qui ont baissé en même temps que la demande depuis le début de la crise ; et enfin l’accessibilité des voies maritimes reliant le Liban à la mer Noire et par où passe un tiers du carburant commandé par le pays, des axes où le trafic est perturbé à cause de la guerre en Ukraine. « Certains importateurs cherchent des alternatives, mais cela prend du temps », a déclaré Maroun Chammas, le président de l’Association des sociétés importatrices de pétrole (APIC) lors d’un point presse lundi en cours de journée avec le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Walid Fayad.

Fayad sur le dossier

À noter que la disponibilité du mazout ne dépend que des deux derniers facteurs, n’étant majoritairement plus subventionné. Idem pour le gaz, dont la demande est plus élastique que celle de l’essence et du mazout, et dont les circuits d’approvisionnement ne sont pas impactés par les événements en Ukraine (les deux sociétés importatrices se fournissent en Algérie et en Grèce). Pour rappel, l’APIC a négocié la semaine dernière avec le ministère un ajustement du mécanisme de fixation des prix des carburants en dollars et en livres, qui tient désormais compte du niveau des cours à deux jours près.

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Walid Fayad a, lui, consacré une grande partie de la journée du lundi au dossier du carburant. Un circuit démarré par une tournée effectuée auprès des sociétés importatrices de carburant avec le directeur général du ministère de l’Économie, Mohammad Abou Haïdar, pendant laquelle il a assuré que les stocks du pays suffisaient actuellement pour « au moins 15 jours », appelant les Libanais à « ne pas paniquer ». Un optimisme pas forcément partagé par l’ensemble des importateurs. « Nous faisons notre possible pour améliorer l’approvisionnement du marché », a sobrement déclaré Maroun Chammas à L’Orient-Le Jour. Lors du point presse, celui qui est aussi vice-président de Medco a estimé les besoins journaliers du marché libanais à 10 millions de litres, pour des stocks actuels atteignant 90 millions. Or, selon lui, « le prix de vente d’une partie de ce total n’a pas encore été fixé, tandis qu’une autre attend encore d’être réglée par la BDL pour pouvoir être déchargée. » Il a enfin mis en avant le fait que certains chargements étaient déjà en route vers le pays.

Le ministre de l’Énergie a, de son côté, considéré qu’il n’y avait pas de crise du carburant à craindre et que les sociétés importatrices « coopéraient entre elles » pour contourner les obstacles actuels et s’étaient engagées à ne pas modifier les fréquences de livraison en fonction du rythme d’évolution des cours. Il a de plus menacé les distributeurs, qui comptaient stocker du carburant pour le revendre lorsque les prix auront augmenté, de mesures diverses – procès-verbaux, saisie de marchandises et même retrait de licence. 

La crise que traverse le Liban depuis plus de deux ans est entrée dans une nouvelle phase depuis une grosse semaine, marquée par la hausse des prix, ainsi que par les perturbations de l’approvisionnement du marché local en carburant et en blé. Cette situation résulte de l’affolement des cours mondiaux de ces matières premières, dommage collatéral de la guerre en Ukraine,...

commentaires (3)

a ecouter parler le sieur chammas, on comprend mieux le pourquoi du comment notre pays est arrive a ce stade de pourriture. a voir -aucune reaction intelligente-le ministre fayad lors de cette reunion on comprend encore mieux le desespoir qui nous prend a la gorge

Gaby SIOUFI

10 h 21, le 08 mars 2022

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Commentaires (3)

  • a ecouter parler le sieur chammas, on comprend mieux le pourquoi du comment notre pays est arrive a ce stade de pourriture. a voir -aucune reaction intelligente-le ministre fayad lors de cette reunion on comprend encore mieux le desespoir qui nous prend a la gorge

    Gaby SIOUFI

    10 h 21, le 08 mars 2022

  • Ce "Docteur" Fayad est un genius! NOT!

    Marwan Takchi

    09 h 32, le 08 mars 2022

  • Ces files finiront par tarir, car pour la moitié c'est une panique qu'ils provoquent.

    Esber

    21 h 20, le 07 mars 2022

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