
Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, prononçant un discours le 31 août 2020. Photo Hassan Ibrahim/Parlement libanais
Le président du Parlement libanais et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, a appelé lundi, à l’occasion du 42e anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr, fondateur de la formation chiite, à "changer le système confessionnel" libanais, alors que le pays fait face à sa pire crise depuis 1990. Cet appel fait écho à celui lancé la veille par le chef de l'Etat, Michel Aoun, à l'occasion de la célébration du centenaire de la proclamation du Grand Liban, et au discours du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le jour même.
"Le drame du port a mis en lumière la chute du temple politique et économique, et il faut changer le système confessionnel, source de tous les maux et miné par la corruption et la privation", a martelé Nabih Berry, lors d'un discours prononcé devant une poignée de personnes dans sa résidence de Aïn el-Tiné. Ce n'est pas la première fois que M. Berry, président du Parlement depuis près de 30 ans et acteur politique-clé, se prononce pour l'abolition du confessionnalisme politique.
Le 4 août, une double explosion a ravagé le port de la capitale et de larges pans de Beyrouth, faisant 190 morts et plus de 6.500 blessés. Selon les explications officielles, cette catastrophe a été provoquée par un incendie dans un hangar du port contenant 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, stockées sans précaution depuis 2014. De nombreux officiels, avec à leur tête le président de la République et le Premier ministre démissionnaire, ont reconnu au cours des deux dernières semaines avoir été tenus au courant de la présence d'un tel stock de produits chimiques, en périphérie proche de la capitale libanaise.
"Beyrouth en deuil"
"Beyrouth n’a pas chuté sous l’occupation, et a résisté et gagné en se vengeant pour Jérusalem. Beyrouth est aujourd’hui en deuil après le drame du port. La douleur, fut-elle grande, aboutira à la vérité. Les martyrs qui sont tombés sont nos fils. Les maisons et les entreprises endommagées représentent une perte pour toute institution et foyer libanais. Pour couper court à tous ceux qui cherchent à exploiter cela sur le plan politique, j’appelle à ce que l’enquête prenne son cours, sans lenteur mais sans se hâter, et que les enquêteurs demandent l’aide à toute partie sur le plan technique, sans que la souveraineté libanaise ne soit atteinte", a plaidé Nabih Berry.
Le président Aoun refuse une enquête internationale, affirmant que cela "diluerait la vérité". Une enquête locale est en cours, avec le soutien d'experts français et américains, mais nombreux sont ceux qui doutent de l'efficacité et l'impartialité d'une telle enquête.
"Plus de marge sur le plan sécuritaire"
S'exprimant sur la situation locale, Nabih Berry s'est montré inquiet au sujet de la stabilité sécuritaire. Pointant du doigt "les responsables politiques au Liban qui cherchent des gains à court terme", le président du Parlement a prévenu que "le pays n’a plus de marge financière ou de confiance populaire, ni de soutien étranger". "La nation n’a plus de marge sur le plan sécuritaire non plus, car nous sommes témoins de plusieurs incidents dans diverses régions, notamment le crime de Kaftoun, dans le Koura, ou encore à Khaldé, a souligné M. Berry. Et les propos du président Macron sur le risque d'une guerre civile ne sont pas absurdes. Gare au réveil des démons endormis et gare à ceux qui veulent porter atteinte à la stabilité. La peur aujourd’hui ne provient pas de facteurs étrangers, mais locaux cette fois-ci. Le laxisme, la rancœur, l’égoïsme et l’arbitraire politique pourraient mettre le Liban au bord d’un gouffre existentiel. Ce danger peut être évité (…) à condition que les intentions soient pures", a prévenu Nabih Berry.
"Si nous lâchons le Liban, (...) ce sera la guerre civile", avait prévenu vendredi le président français Emmanuel Macron, qui doit arriver en soirée à Beyrouth.
"Gouvernement fort"
Nabih Berry a également abordé la question de la formation d'un nouveau gouvernement, quelques heures après la nomination de Moustapha Adib au poste de Premier ministre après la démission du cabinet de Hassane Diab, le 10 août, dans la foulée de la double explosion. "Il faut hâter, et sans conditions préalables, la formation d’un gouvernement fort, avec un programme de réformes bien défini dans le temps et avec une vision claire pour la reconstruction de Beyrouth, et les réformes sur tous les plans, notamment le secteur de l’électricité (…) et le recouvrement des fonds volés. Enfin, ce gouvernement doit réformer le système politique", a plaidé Nabih Berry.
Il a ensuite évoqué plusieurs points qui devraient, selon lui, faire l'objet d'un dialogue sur le plan national. "J’appelle toutes les formations politiques ainsi que les personnes actives et sincères au sein de la contestation populaire à un dialogue autour du thème suivant : Le Liban vers un Etat civil. Ensuite, l’élaboration d’une loi électorale non confessionnelle avec une seule circonscription (…), puis la mise en place d’un Sénat, et le renforcement du pouvoir judiciaire, ainsi que la mise en place d’un système d’impôt progressif. Ces sujets ne sont pas proposés dans le cadre d’une fuite en avant", s'est défendu le chef d'Amal.
S'adressant enfin à ses partisans, Nabih Berry les a appelés à éviter la sédition. "Vous devez résister à l’ennemi israélien à la frontière, a-t-il déclaré. Et sur la scène interne, il est interdit de tomber dans le piège que l’ennemi veut nous tendre. Nous sommes frères et unis, et nous mettrons en échec la discorde", a-t-il affirmé. Cette mise en garde intervient après un grave incident, il y a une dizaine de jours, au cours duquel un partisan d'Amal a été tué et dix autres personnes ont été blessées lors d’une dispute qui a dégénéré entre des proches de ce parti et des membres du Hezbollah, pourtant leur allié politique, dans un village proche de Saïda. Réagissant dimanche à cet incident, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'est voulu rassurant, insistant sur la solidité des liens entre les deux formations.
"Le tyran Mouammar Kaddhafi"
En début de discours, Nabih Berry est revenu sur la disparition de l'imam Sadr. "La disparition de Moussa Sadr et de ses compagnons en Libye, il y a 42 ans, est un crime imputé au tyran Mouammar Kaddhafi, a-t-il affirmé. Nous devons reconnaître que la situation sécuritaire en Libye, surtout durant les dix derniers mois, n’aide pas à l’ouverture de canaux avec les autorités libyennes qui se combattent", a regretté le leader chiite.
L’imam Moussa Sadr, président du Conseil supérieur chiite, et ses deux compagnons, le cheikh Mohammad Yaacoub et le journaliste Abbas Badreddine, ont disparu le 31 août 1978 lors d’une visite à Tripoli, en Libye, où ils devaient rencontrer le colonel Mouammar Kadhafi qui à l'époque dirigeait le pays. Au Liban, la thèse de l’enlèvement, voire de l’élimination des trois hommes, est privilégiée. En août 2017, le président Berry avait assuré lors de son discours de commémoration que l’imam était toujours en vie. En juillet 2019, le juge Zaher Hamadé, chargé de l'instruction de l'affaire devant la Cour de Justice libanaise, un tribunal d'exception, a lancé un mandat d'arrêt par contumace à l'encontre de Seif el-Islam Kadhafi, fils de l'ancien dictateur libyen, et neuf autres Libyens, accusés d'être impliqués dans la disparition de l’imam et de ses compagnons.
Le président du Parlement libanais et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, a appelé lundi, à l’occasion du 42e anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr, fondateur de la formation chiite, à "changer le système confessionnel" libanais, alors que le pays fait face à sa pire crise depuis 1990. Cet appel fait écho à celui lancé la veille par le chef de l'Etat, Michel Aoun, à...
commentaires (19)
Abolir le confessionnalisme aujourd'hui revient à étaler le pouvoir de ceux qui contrôlent le pays pour passer de 80% actuellement à 100%. Ils placeront des marionnettes partout et leur main mise sur le pays sera totale et implacable. Taëf est le dernier rempart pour les chrétiens pour avoir encore un mot à dire dans la politique libanaise. Le Président Hariri avait murmuré à l'oreille du Roi Fahd qui a dit pendant la Conférence de Taëf: dès qu'on arrive à 50/50 il faut arrêter de compter.
Shou fi
16 h 37, le 01 septembre 2020