
Le Premier ministre désigné lors d'une tournée à Gemmayzé, peu après sa désignation, le 31 août 2020. AFP AFP
L'ambassadeur du Liban en Allemagne, Moustapha Adib, a été chargé lundi de former le prochain gouvernement après avoir été désigné Premier ministre à l'issue des consultations parlementaires contraignantes lors desquelles il a obtenu 90 voix sur les 120 députés encore en poste. Dans sa première prise de parole officielle après sa désignation, il a affirmé que l'heure était "à l'action", s'engageant à former très vite une équipe d'"experts" réformatrice. Marié à une Française et père de cinq enfants, cet homme qui a fêté dimanche ses 48 ans, est né dans la ville de Tripoli, dans le nord du Liban.
Proposé la veille par les anciens Premiers ministres, ce proche de l'ex-PM Nagib Mikati dont il fut le directeur de cabinet, a reçu l'aval des principales formations politiques du pays, à savoir le tandem chiite (Hezbollah-Amal), le Courant patriotique libre, le courant du Futur et le parti joumblattiste. Les Forces libanaises, ainsi que le député indépendant Fouad Makhzoumi, ont, eux, nommé Nawaf Salam, ex-délégué du Liban aux Nations unies et juge à la Cour internationale de justice. Le Parlement compte 128 sièges, mais huit d'entre eux avaient démissionné dans la foulée de la double explosion meurtrière au port de Beyrouth, le 4 août dernier. Il s'agit des trois députés Kataëb - Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Elias Hankache - des deux députés joumblattistes Marwan Hamadé et Henri Hélou, ainsi que des députés Michel Moawad (ex-bloc CPL), Neemat Frem (indépendant) et Paula Yaacoubian (société civile).
Moustapha Adib a été chargé lundi 31 août 2020 de former le prochain gouvernement libanais. Photo AFP / JOSEPH EID
Dans un bref discours tenu à l'issue d'un entretien avec le chef de l'Etat, Moustapha Adib a affirmé que l'heure était "à l'action". "En ces circonstances, notamment après la double explosion meurtrière de Beyrouth le 4 août dernier, le temps n'est plus aux paroles, aux promesses ou aux espérances. Le temps est à l'action, avec la coopération de tous, pour que le pays se rétablisse et pour que le peuple retrouve la confiance en l'avenir, car l'inquiétude est grande", a déclaré le Premier ministre désigné qui s'est engagé à former un cabinet "en un temps record". "L'opportunité qui s'offre à nous est mince. Nous voulons former une équipe de travail homogène, formé d'experts et de personnes compétentes, et lancer rapidement, en coopération avec le Parlement, les réformes nécessaires face à la crise économique et financière, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international", a-t-il déclaré. Le Premier ministre désigné mènera, dans ce cadre, les consultations parlementaires non contraignantes mercredi à Aïn el-Tiné, le siège du Parlement étant endommagé après les explosions du port de Beyrouth.
Le Premier ministre désigné réuni avec le président Michel Aoun (c) et le président du Parlement Nabih Berry (g), peu après sa désignation, au palais de Baabda. REUTERS/Mohamed Azakir
Tournée dans les quartiers dévastés de Beyrouth
Juste après son discours, Moustapha Adib s'est dirigé vers les quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhaël, dévastés par cette double explosion qui a fait 190 morts selon un dernier bilan. Lors de cette tournée, il a affirmé à la presse avoir voulu effectuer cette visite "par solidarité" avec les Beyrouthins, soulignant qu'il n'y avait "pas de mots pour exprimer l'ampleur de la dévastation". "Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique", a-t-il déclaré. Moustapha Adib s'est entretenu brièvement avec des personnes présentes dans le quartier de Gemmayzé tandis que d'autres ont refusé de lui adresser la parole et ont scandé "Révolution !" à son passage.
La désignation de M. Adib devrait être rejetée par le mouvement de contestation populaire qui a exprimé aujourd'hui son refus de cette candidature, lors d'une manifestation place al-Nour, à Tripoli. Hassan Sinno, membre d'un groupe de la société civile, a averti que celle-ci refuserait tout candidat du système. "Nous ne donnerons pas de temps, comme certains d'entre nous l'ont fait par erreur à Hassane Diab, pour réussir. Nous n'avons plus le luxe du temps", a-t-il déclaré à l'AFP.
Le Premier ministre désigné lors d'une tournée à Gemmayzé. Photo Ani
Tournée auprès des anciens PM
Il a ensuite entamé une tournée auprès des anciens Premiers ministres, s'entretenant d'abord avec Nagib Mikati. "Il n'y a pas de temps à perdre car les défis sont de taille", a prévenu M. Mikati. "Il faut former un gouvernement en vitesse", a-t-il ajouté. M. Adib s'est ensuite entretenu avec MM. Fouad Siniora, Tammam Salam, Saad Hariri, et son prédécesseur Hassane Diab qui a souligné l'importance d'"une formation rapide du cabinet et une poursuite des réformes lancées par son équipe".
Moustapha Adib reçu par Saad Hariri. Photo Dalati et Nohra
Moustapha Adib s'est recueilli en soirée dans le centre-ville de Beyrouth devant les tombes de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et ses compagnons, assassinés dans un attentat à la bombe le 14 février 2005.
La désignation de M. Adib intervient quelques heures avant l'arrivée du président français, Emmanuel Macron, attendu dans la soirée à Beyrouth. M. Macron, dont c'est la deuxième visite au Liban depuis la double explosion meurtrière du 4 août, avait pressé les dirigeants libanais de constituer rapidement un "gouvernement de mission" pour sortir le pays de la crise économique et politique.
Le Premier ministre sortant, Hassane Diab, nommé par les partis au pouvoir, avait démissionné le 10 août, après cette double explosion qui a fait au moins 188 morts et dévasté des quartiers entiers de la capitale. Le drame, dû à la présence d'une énorme quantité de nitrate d'ammonium au port de Beyrouth au vu et au su des responsables, a alimenté la colère de la population qui rend la classe politique responsable par négligence et corruption.
M. Macron, comme les autres responsables étrangers qui se sont succédé à Beyrouth depuis, a souligné la nécessité de réformes en profondeur. "Ses exigences sont claires : un gouvernement de mission, propre, efficace, capable de mettre en œuvre les réformes nécessaires au Liban et donc de recevoir un soutien international fort", a souligné une source de l'Elysée.
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Contrairement à Diab, Adib ne prétend même pas être indépendant et ne peut pas dissimuler ses liens avec Mikati de sinistre mémoire.
Citoyen libanais
23 h 10, le 31 août 2020