Le premier obstacle sérieux qui a failli faire imploser le gouvernement de Hassane Diab a été réglé. Le plan préparé par la commission ministérielle (formée de la vice-présidente du Conseil et ministre de la Défense Zeina Acar, du ministre des Affaires étrangères Nassif Hitti, du ministre de l’Intérieur Mohammad Fahmi, du ministre de la Santé Hamad Hassan, du ministre des Transports Michel Najjar et du ministre des Affaires sociales Ramzi Moucharrafiyé) pour le rapatriement des Libanais de l’étranger qui le souhaitent a été adopté au cours de la séance d’hier du Conseil des ministres. La commission s’était réunie avant le Conseil au Grand Sérail.
Il faut préciser à cet égard que tous les ministres étaient conscients de la nécessité d’agir rapidement, car en ce qui concerne le coronavirus, on parle d’heures et de jours, non de semaines et de mois. Selon des sources ministérielles, le plan adopté sera exécuté en deux phases. La première se déroulera du 5 au 12 avril et la seconde du 27 avril au 4 mai. L’idée est donc d’exécuter la première phase, d’attendre deux semaines pour étudier la courbe de l’épidémie et ensuite de combler les lacunes éventuelles.
Toujours selon les mêmes sources, un mécanisme précis sera adopté. Dans un premier temps, des appels seront lancés par le biais des ambassades du Liban à tous les Libanais qui se trouvent hors du pays et qui souhaitent y retourner, pour qu’ils enregistrent leur nom. Le ministre des Affaires étrangères Nassif Hitti a d’ailleurs commencé il y a deux semaines à demander aux ambassades du Liban à l’étranger de conseiller aux Libanais qui veulent être rapatriés de respecter le confinement là où ils se trouvent. Ceux qui veulent rentrer devront remplir des formulaires précis sur les raisons de leur séjour à l’étranger, leur condition de santé, etc. Selon les sources ministérielles précitées, il y aurait près de 22 000 personnes déjà inscrites, mais il faudra commencer par « une première vague » de 10 000.
(Lire aussi : Le retour des Libanais de l’étranger, entre surenchère politique et souci humanitaire, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Les personnes qui ont inscrit leurs noms sur les listes devront subir un examen rapide pour voir si elles sont ou non atteintes du virus. Ensuite, les personnes désireuses de rentrer seraient divisées en deux : celles qui sont porteuses du virus et celles qui ne le sont pas. Il faut préciser qu’il est question de leur faire subir des tests dits « Anticorps et antigène » (plus rapides, ils visent à détecter les anticorps pour déterminer après coup si un individu a été en contact avec le virus, et non pas s’il est malade à l’instant), car le Liban n’a pas suffisamment de tests PCR (tests classiques qui nécessitent quelques heures pour rendre leur résultat).
À partir de là, il faudra affréter les avions, un appareil pour les malades et d’autres pour les personnes en bonne santé. L’avion qui transportera les personnes atteintes du virus devrait être doté d’un équipement spécial et avoir à son bord une équipe médicale. La MEA devrait se charger de négocier avec les aéroports des pays concernés pour obtenir les autorisations nécessaires pour le décollage des avions.
Les personnes dont le test aura été négatif devront laisser un siège vide entre elles et porter des masques chirurgicaux tout au long du vol. Des agents de la Sûreté générale seront aussi présents et feront signer aux passagers un engagement de se conformer aux instructions. L’embarquement des passagers sera supervisé par un diplomate de l’ambassade du Liban dans le pays en question.Une fois à Beyrouth, les passagers seront séparés entre ceux qui sont en bonne santé et ceux qui ont des problèmes antérieurs à l’apparition du coronavirus. Tous seront alors soumis à de nouveaux tests. Ceux qui paraîtront atteints du virus seront acheminés vers les hôpitaux, les autres devront suivre les consignes de confinement, pour certains à domicile et pour d’autres dans des lieux préparés à cet effet dans tous les mohafazats. Les passagers sains devront être accueillis par une seule personne qui conduira la voiture. S’il y a des groupes, les FSI devront se charger des dispositions pour leur transport.
Le plan a été donc conçu pour permettre à ceux qui le souhaitent de rentrer chez eux sans mettre en danger la vie des résidents au Liban. Il répond ainsi à une demande pressante de Nabih Berry et d’autres parties politiques, et, en même temps, il tient compte des risques et exige une prudence extrême.
Les caisses du Trésor étant pratiquement vides, les voyages du retour se feront aux frais des passagers, en demandant aux banques de faciliter les virements. Les sources précitées révèlent toutefois l’existence d’un véritable élan de solidarité, certains Libanais résidant à l’étranger ayant offert d’aider ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter leurs billets.
(Lire aussi : Les Libanais de l’étranger, « de véritables bombes à retardement », pour Abou Charaf)
Suivi médical
Il reste toutefois le risque que les Libanais rapatriés ne respectent pas strictement les consignes. Le plan prévoit un suivi médical de la part des hôpitaux, sous la supervision du ministère de la Santé, pour vérifier que les instructions de confinement sont suivies, sachant que les Libanais peuvent être indisciplinés.
C’était d’ailleurs la raison pour laquelle, sans jamais remettre en cause le droit des Libanais qui se trouvent à l’étranger de revenir au pays, le gouvernement avait quelques réserves au sujet d’un rapatriement massif. Pour la gestion de cette crise, il avait prévu un plan en deux temps, d’abord la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes aux passagers pendant deux semaines (du 14 au 29), afin de mettre un terme aux contaminations venues de l’étranger. En même temps, il avait donné un délai de 4 jours à ceux qui souhaitaient rentrer au pays en annonçant sa décision le 14 et en ne fermant l’aéroport que le 18 au soir. Ensuite, la prolongation de deux semaines de la mobilisation générale et celle des mesures strictes de confinement devraient permettre de limiter l’expansion du virus et d’aplanir la courbe du nombre de personnes qui en sont atteintes. C’est pourquoi lorsque le président de la Chambre avait évoqué le dossier du rapatriement des émigrés, Hassane Diab avait répondu : Pas avant le 12 avril, date d’expiration de la nouvelle prolongation des mesures de confinement. Mais il a dû modifier sa position, face à l’importance de la question, tout en essayant de prendre toutes les mesures qui permettront de maintenir sous contrôle autant que possible la propagation du virus. C’est un nouveau défi que relève ce gouvernement... en misant sur la coopération des Libanais. Jeudi soir, la commission ministérielle devrait se réunir pour fixer le calendrier et les détails pratiques du retour.
Lire aussi
Le gouvernement veut éviter « tout faux pas », alors que les mesures de confinement se relâchent
La MEA prête à rapatrier les expatriés
En France, plus de 600 Libanais veulent être rapatriés
Mission presque impossible d'acceuillir ces vagues de personnes et ou les loger et comment ils pourront vivre avec les banques fermées?
18 h 38, le 01 avril 2020