Le président de l’ordre des médecins de Beyrouth, Charaf Abou Charaf, constate qu’en s’engageant dans la lutte contre le coronavirus aux côtés de l’Hôpital public Rafic Hariri, « les grands hôpitaux privés du pays font aujourd’hui le travail que l’État n’a pas réussi à réaliser en un siècle ». « J’aurais préféré que les hôpitaux privés continuent de se concentrer sur leurs patients, sur les maladies cardiaques, les cas de cancer, les interventions chirurgicales… » déclare-t-il à L’Orient-Le Jour, se demandant ce qu’il adviendra de ces malades. « J’aurais souhaité que l’État mobilise et réquisitionne des hôpitaux vides dans sa réponse à la pandémie », insiste-t-il. Car de nombreux hôpitaux publics n’ont jamais accueilli de patients, alors que des sommes faramineuses ont été dépensées pour les construire, les aménager et les équiper. Et ce pour cause de corruption, de conflits d’influence politique, de querelles de chefs communautaires. Le professeur Abou Charaf tient d’ailleurs à saluer le travail titanesque entrepris par l’Hôpital Hariri dans la lutte contre la pandémie, avec l’aide du ministère de la Santé, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Ordre des médecins. « L’État envisage-t-il d’engager le secteur privé dans la lutte contre le coronavirus, sans en payer le prix ? » s’interroge-t-il toutefois, rappelant les investissements colossaux entrepris par les hôpitaux privés pour la prise en charge des patients contaminés par le Covid-19. Le professeur Abou Charaf dénonce cette initiative qui risque « de mettre en danger les hôpitaux privés et leur personnel ». « Leurs capacités sont minimes. Ils souffrent d’importantes difficultés financières, d’un manque dramatique d’équipement et certains n’hésitent pas à renvoyer les infirmières », révèle-t-il. Et d’ajouter que « cette maladie a besoin d’espace, dont seules les structures hospitalières publiques vides bénéficient ». Le président de l’ordre des médecins a d’ailleurs demandé, il y a quelques jours, à ses confrères de limiter leur activité professionnelle aux urgences médicales et à la prise en charge des patients du coronavirus.
Revenant sur les appels à transformer les hôtels en centres d’isolement, le praticien fait part de ses réserves quant à l’initiative. « Cela nécessite des équipements et des ressources financières que les municipalités n’ont pas », prévient-il, invitant les médecins du pays à constituer plutôt des équipes de travail dans leurs régions, en collaboration avec les municipalités et la Croix-Rouge libanaise pour mener des actions préventives auprès des populations locales, dans le sens du confinement notamment. « Car seule la solidarité permettra de surmonter la crise », dit-il. Le Dr Abou Charaf émet toutefois une condition. Que le pays ne permette pas aux Libanais de l’étranger de rentrer au pays dans cette situation, si ce retour n’est pas organisé de manière sûre, aux niveaux sanitaire et social. Car 50 000 personnes au moins seraient susceptibles de revenir au Liban. « C’est autant de malades potentiels, de véritables bombes à retardement », prévient le cardio-pédiatre, martelant que « ni le pays, ni aucun autre pays, n’ont les moyens et les capacités de traiter, d’isoler ou de protéger autant de personnes ».
Le sujet est à double tranchant, d'un point de vue humanitaire et moral le liban se doit de rapatrier ses ressortissants qui le souhaitent, mais en même temps il faudrait que ces expatriés de retour au pays accepent de se voir confinés en quatorzaine dans des centres dédiés. Le plus délicat serait de trier les personnes saines à embarquer sur des vols MEA, puis les malades ou juste contaminés asymptomatiques dans des avions sanitaires. Bon courage à tous.
17 h 34, le 31 mars 2020