Une branche de la banque SGBL en banlieue de Beyrouth. Photo d'illustration D.R.
Un scénario évoqué par le quotidien al-Akhbar qui s’est basé sur la décision de la banque française, qui vient de publier ses résultats financiers de fin 2019, de réduire à 0 la valeur de sa prise de participation dans la SGBL, qui s’élève à 158 millions d’euros. Une mesure comptable qui signifie que la SG considère que ces actifs ne valent rien sur l’exercice comptable 2019. Ce, parce qu’elle ne peut pas les récupérer et qu’ils ne génèrent pas non plus de revenus, ont expliqué plusieurs sources bancaires à L’Orient-Le Jour - qui avait pris connaissance de ces informations jeudi et avait sollicité la réaction de la SGBL, laquelle n’a réagi que ce matin.
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IFRS 9
Selon les même sources, la SG n’a fait qu’appliquer à la lettre les consignes dictées par la norme IFRS 9 (International Financial Reporting Standard), émanant du bureau international des normes comptables (Accounting Standards Board, ASB). S’inscrivant dans une série de mesures prises par le secteur bancaire après la crise financière mondiale de 2008, ces normes ont vocation à harmoniser les pratiques et garantir la transparence concernant la présentation des comptes financiers consolidés.
Une des mesures-clefs de l’IFRS 9 concerne justement les méthodes de calcul de la valeur des actifs des banques et de leur dépréciation dans le temps ou face à l’augmentation du risque, ce qui impacte par ricochet ceux qui sont relatifs au niveau des fonds propres des banques, soit les provisions exigées par la réglementation pour couvrir leur exposition au risque. Pour une des sources interrogées, la SG a privilégié "le pire scénario envisageable, soit qu’elle ne puisse pas récupérer son investissement dans son bilan consolidé". "C’est un constat limité de son bilan de 2019 mais qui illustre son pessimisme concernant la situation au Liban”, considère-t-elle. Une autre explique que la banque française a fait ce "write-off" (réduction de la valeur de l’actif sur le plan comptable) pour éviter d’avoir à provisionner (affecter des fonds pour couvrir) sa prise de participation.
Dans un communiqué publié ce matin, la SGBL a pour sa part critiqué la lecture faite par al-Akhbar de la manœuvre de la banque française, soulignant que "la procédure comptable" concernée était habituelle "en cas de baisse de la notation financière du pays dans lequel la banque locale exerce son activité, et ce conformément aux standards (…) internationaux”. "Par conséquent, et contrairement aux fausses informations publiées dans cet article, la procédure comptable précitée n’implique absolument pas le désengagement de la Société Générale (France) du capital de la SGBL et n’a aucun lien avec la situation financière de cette dernière", a ajouté la direction de la banque libanaise.
Les principales agences de notation financières américaines - Moodys, Fitch et Standard & Poor’s - ont en effet toutes les trois dégradé la notation souveraine du pays et des banques libanaises qu’elles observent. Mais les banques du pays devront également compter avec l’impact sur leur bilan de la crise économique sur le taux de créances douteuses dans leur portefeuille de prêts.
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Augmentation de capital
Elle a de plus assuré être en train de finaliser l’opération d’augmentation de ses fonds propres de base (Common Equity Tier 1) à hauteur de 283 millions de dollars au moyen d’apports en numéraire affectés au capital en dollars US, en application de la Circulaire Intermédiaire de la Banque du Liban (BDL) No. 532 du 4/11/2019”.
Cette circulaire qui a été publiée suite à la crise de liquidités que connaît le pays depuis la fin de l’été, doit permettre aux banques de renforcer leur solvabilité. Elle impose aux établissements bancaires de ne pas redistribuer à leurs actionnaires les profits réalisés en 2019 et d’augmenter leurs fonds propres de 20 % par rapport au 31 décembre 2018. Une opération en dollars réalisée en deux temps – soit 10 % avant le 31 décembre 2019 puis 10 % encore avant le 30 juin 2020. Le montant cumulé des nouveaux apports devrait dépasser les quatre milliards de dollars pour l’ensemble du secteur. Seule une poignée de banques ont finalisé la première phase de l’opération dans les délais. Les établissements qui ont communiqué sur le sujet sont Bank Audi, BBAC, BLC Bank, BLOM Bank, Byblos Bank, Crédit libanais, First National Bank, Fransabank, IBL Bank et LGB Bank SAL.
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Fragilisée par des décennies de mauvaise gestion, l’économie libanaise est dans le dur depuis plusieurs mois, tandis que ses dirigeants sont contestés par une importante partie de la population, un mécontentement à l’origine d’un mouvement de contestation qui a démarré le 17 octobre. Face à la dégradation de la situation financière, les banques libanaises, très exposées à la dette publique du pays (près de 90 milliards de dollars, soit 150 % du PIB, un des pires ratios du monde), ont de leur côté mis en place de façon informelle et unilatérale des mesures de contrôle de capitaux. Ces dernières ont un peu plus pénalisé une activité économique déjà exsangue et alimenté un climat anxiogène qui a poussé de nombreux déposants à chercher à retirer leur argent ou à le transférer hors du pays.
Enfin la BDL, qui espère être bientôt investie par le Parlement pour réglementer les mesures de contrôle de capitaux prises par les banques, a autorisé cette semaine les banques libanaises à déroger aux règles de l’IFRS. L’initiative a fait l’objet de critiques dans les milieux financiers qui appréhendent la réaction des auditeurs internationaux, notamment en Angleterre où certaines banques libanaises sont cotées en bourse.
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commentaires (7)
Comment connaître les niveaux du PIB du pays à fin 2019 ainsi que de la dette. Le ratio sera plus réaliste que ce sempiternel 150% et l'on verra que le montant de la dette approche les 100 milliards. Merci qui?
TrucMuche
11 h 32, le 10 février 2020