Le président du Parlement Nabih Berry. Photo d’archives/Reuters
Coup de poker ou pavé dans la mare ? Le président du Parlement, Nabih Berry, a relancé hier la polémique des fonds transférés à l’étranger par de riches déposants depuis la mise en place des mesures informelles de contrôle des capitaux par les banques du pays, qui traverse une grave crise économique et financière.
Le président de la Chambre, dont les propos ont été rapportés par le parlementaire Ali Bazzi depuis Aïn el-Tiné, aurait ainsi pu s’assurer que « cinq directeurs de banques avaient transféré leurs fonds personnels à l’étranger » pour un montant cumulé s’élevant à « 2,3 milliards de dollars ». Ali Bazzi, qui s’exprimait à l’issue de l’une des habituelles « réunions du mercredi », organisées par Nabih Berry à son domicile avec différents acteurs locaux venus s’entretenir avec lui, n’a en revanche pas communiqué les noms des banquiers et des banques concernés, la période pendant laquelle ces transferts auraient été effectués ou encore les pays vers lesquels les fonds en question auraient été transférés.
Contactée par L’Orient-Le Jour, l’Association des banques du Liban n’a pas fait de commentaires, estimant que c’était à la Commission de contrôle des banques de s’exprimer sur le sujet. Son président, Samir Hammoud, a pour sa part souligné que les dispositions relatives au secret bancaire toujours en vigueur dans le pays ne l’autorisaient pas dans le cadre de son enquête à identifier les titulaires des comptes sur lesquels il pouvait être amené à enquêter. « Je ne peux pas vous dire d’où le président du Parlement a obtenu les informations qu’il affirme détenir », a ajouté celui qui est également membre de la Commission spéciale d’investigation (CSI) du Bureau de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme de la Banque du Liban.
(Lire aussi : Contrôle des capitaux : des associations assignent l’Association des banques du Liban en justice)
Différences sur les montants
Cette dernière avait demandé courant janvier à toutes les banques exerçant dans le pays de réexaminer les comptes détenus par des « personnalités politiquement exposées » (PEP) afin de détecter les transferts de fonds vers l’étranger effectués depuis le début des manifestations. La CSI s’intéresse aux mouvements de comptes entre le 17 octobre et le 31 décembre 2019, et plus particulièrement à l’origine des fonds transférés, appelant les banques et leurs responsables à la notifier en cas de soupçon sur ces comptes.
Les banques avaient jusqu’au 31 janvier pour effectuer ces démarches. La veille de cette date, le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, avait indiqué que l’enquête se focalisait désormais sur un ensemble de transferts vers l’étranger totalisant 1 milliard de dollars dont tout ou une partie auraient pu être détenus par des PEP. Au début du même mois, il avait indiqué lors d’un passage sur la chaîne locale MTV que 2,6 milliards de dollars au total avaient été transférés hors du pays « depuis septembre », alors que les chiffres circulant dans le débat public évoquaient des montants bien plus importants – sans pour autant qu’ils soient corroborés par des éléments concrets. Il avait en outre assuré que les 1,6 milliard de dollars restants étaient liés à des dépôts fiduciaires en provenance de l’étranger et qui avaient été placés au Liban, puis rapatriés.
Le sort d’éventuels fonds détournés à l’étranger par une partie des responsables politiques est un des principaux points soulevés par le mouvement de contestation qui a débuté le 17 octobre dernier, contre la classe politique. Le dossier est d’autant plus sensible que les clients des banques libanaises subissent d’importantes restrictions bancaires.
Il est pour l’instant difficile de mesurer la véracité ou l’impact des déclarations de Nabih Berry, chef du mouvement chiite Amal et lui-même pointé du doigt par une importante partie des manifestants. Il reste que sa déclaration intervient en même temps que la publication par le quotidien local al-Modon d’un entretien avec le directeur et actionnaire de la société de change Mecattaf, Michel Mecattaf, dans lequel ce dernier a révélé avoir reçu des milliers de coups de fil depuis le début de l’année 2019 de responsables politiques et bancaires souhaitant transférer leur argent à l’étranger de manière illégale. « J’ai reçu jusqu’à 100 appels par jour depuis le 17 octobre. Certains étaient prêts à renoncer à 30 % de la valeur de leurs fonds pour les faire sortir du pays, ce qui démontre que ces fonds n’ont pas été générés de manière licite à la base », a-t-il indiqué.
Seuls une dizaine d’agents, détenteurs d’une licence de catégorie A, ont le droit d’exporter les différentes devises collectées auprès des touristes, et de ramener, en contrepartie, des dollars qui seront ensuite partiellement distribués aux changeurs de catégorie B. La société Mecattaf est l’une des seules à disposer de cette licence et détient près d’un milliard de dollars en cash, soit la moitié des liquidités en dollars en circulation au Liban.
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commentaires (13)
Attention MR Berry:يلي بيتو من ازاز ما يتراشق بل الحجار
mokpo
20 h 24, le 06 février 2020