L'émissaire de l'ONU à Beyrouth, Jan Kubis, a estimé lundi dans un message posté sur son compte Twitter que les politiciens libanais étaient responsables "du dangereux chaos" qui régnait au Liban, au moment où le Premier ministre désigné, Hassane Diab, tente depuis presqu'un mois de former sa future équipe ministérielle. Ces déclarations interviennent au lendemain d'une nuit de violences ayant opposé des contestataires aux forces de l'ordre dans les rues du quartier de Hamra, à Beyrouth.
"Une nouvelle journée de confusion autour de la formation d'un gouvernement, au milieu de protestations de plus en plus marquées par la colère et d'une économie en chute libre. Politiciens, ne blâmez pas le peuple libanais, blâmez-vous vous-mêmes pour ce chaos dangereux", a écrit M. Kubis sur son compte twitter.
Another day of confusion around the formation of a government, amidst the increasingly angry protests and free-falling economy. Politicians, don’t blame the people, blame yourselves for this dangerous chaos.
— Jan Kubis (@UNJanKubis) January 15, 2020
Le 8 janvier déjà, l'émissaire de l'ONU à Beyrouth avait estimé qu'il était "de plus en plus irresponsable" que le Liban reste sans gouvernement. "Etant donné la situation et les derniers développements dans le pays et la région, il est de plus en plus irresponsable que le Liban reste sans gouvernement crédible et efficace", a écrit M. Kubis. "J'appelle les dirigeants à agir sans plus tarder", a-t-il ajouté.
Missive de Guterres
Plus tard dans la journée, après avoir été reçu par le président de la Chambre, Nabih Berry, M. Kubis a annoncé avoir remis à ce dernier une missive du secrétaire générale de l'ONU, Antonio Guterres, concernant "l'importance de former un cabinet le plus rapidement possible". "Nous attendons de voir si le gouvernement sera réellement formé dans la semaine à venir", a-t-il encore déclaré.
Il est par ailleurs revenu, dans un nouveau tweet, sur les violences de la veille à Hamra. "Le vandalisme ne peut pas être un moyen approprié pour les manifestants d'exprimer leur colère et leur désespoir légitimes". "Faites attention aux manipulations politiques et aux personnes infiltrées qui tentent de détourner les manifestations légitimes et de provoquer les forces de sécurité, qui sont également une composante du peuple libanais", a-t-il ajouté.
Mardi soir, la rue de Hamra s'était transformée en véritable champ de bataille, lorsque la brigade antiémeute avait tenté de disperser des jeunes qui vandalisaient les façades de plusieurs banques de ce quartier. Les deux parties s'étaient alors opposées à coups de jets de pierres, de gaz lacrymogène et de feux d'artifice, faisant de nombreux blessés.
(Lire aussi : Tragi-cosmique, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Salamé "est le seul qui travaille"
L'émissaire onusien a en outre pris la défense, à deux reprises au cours de la journée, du gouverneur de la Banque centrale du Liban (BDL), Riad Salamé, personnalité particulièrement conspuée par la rue.
"Le Liban est vraiment unique - le gouverneur de la BDL demande des pouvoirs extraordinaires pour au moins et en quelque sorte gérer l'économie pendant que les responsables la regardent s'effondrer. Incroyable", a-t-il écrit sur Twitter.
Lebanon is truly unique - the BDL Governor requesting extraordinary powers to at least somehow manage the economy while those responsible watch it collapsing. Incredible.
— Jan Kubis (@UNJanKubis) January 15, 2020
Et de défendre dans l'après-midi ses propos, en déclarant de Aïn el-Tiné que M. Salamé "est le seul qui travaille pour trouver une solution à la crise actuelle, alors que les responsables politiques ne font rien du tout" à cet égard.
Le gouverneur de la Banque du Liban avait demandé la semaine dernière au ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, que les autorités concernées accordent à la Banque centrale une autorisation afin qu'elle puisse réglementer les restrictions bancaires mises en place de manière informelle par les banques du pays. Depuis des mois, un contrôle des capitaux de facto est effectué par les banques tandis qu'une hausse du cours du dollar est enregistrée sur le marché parallèle, le tout dans un contexte de crise financière et monétaire aiguë, exacerbée par la révolte populaire inédite contre la classe politique et les banques.
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10 h 42, le 17 janvier 2020