L’ambassadeur du Japon, Takeshi Okubo, a été reçu hier au palais de Baabda par le ministre d’État sortant pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati. Il s’agit de la troisième visite au palais présidentiel de l’ambassadeur nippon, depuis l’évasion de l’ancien PDG de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors du Japon où il se trouvait en résidence surveillée et son arrivée-surprise au Liban, le 30 décembre dernier.
Aucun communiqué n’a été publié suite à cette rencontre, mais selon M. Jreissati, contacté par L’Orient-Le Jour, l’ambassadeur Okubo est venu le « remercier ainsi que le palais et le gouvernement pour leur intervention en faveur d’une modération des propos de Carlos Ghosn lors de la conférence de presse » qu’il a donnée le 8 janvier. « Carlos Ghosn ne s’est pas attaqué au pouvoir souverain du Japon ou aux autorités souveraines de l’empire du Soleil levant, ni même aux autorités judiciaires ou au ministre nommément désigné », constate Salim Jreissati. « M. Takeshi Okubo est venu en toute élégance nous remercier, le président, le gouvernement et moi-même, pour cette attitude responsable qui a eu une influence favorable pour la pérennité et la solidité de nos relations », explique-t-il, évoquant « le discours plutôt modéré » de l’ancien magnat déchu de l’automobile, « suite à la demande des autorités libanaises ».
« Nous lui avons dit que s’il dépendait de lui de raconter ses 15 mois passés au Japon, il ne lui appartenait pas de mettre en péril nos relations bilatérales », ajoute le ministre sortant. « Carlos Ghosn est un homme intelligent, il a compris le message. En relatant son séjour japonais, il a su faire la part des choses et adopté le ton qu’il faut, en se gardant de compromettre les relations entre le Liban et le Japon. Et c’est tout à son honneur », conclut M. Jreissati.
Lors de sa conférence de presse devant la presse internationale le 8 janvier à Beyrouth, M. Ghosn s’était abstenu de critiquer les responsables japonais. « Je peux vous dire ce qui s’est passé au sein du gouvernement japonais, j’ai des noms. Mais je suis au Liban, je respecte le Liban et l’hospitalité qui m’a été accordée. Je ne souhaite en aucun cas faire des déclarations qui puissent saper les intérêts des autorités libanaises », avait-il affirmé.
(Lire aussi : Avec Carlos Ghosn en roue libre, le chemin de croix de Nissan s’allonge)
Une cérémonie organisée par l’Université hébraïque de Jérusalem à Paris
Sur un autre plan, les trois avocats qui avaient déposé une plainte il y a deux semaines contre M. Ghosn pour « collaboration avec Israël » ont présenté hier de nouveaux documents au bureau du procureur général près la Cour de cassation. Les avocats Hassan Bazzi, Jad Tohmé et Ali Abbas ont notamment présenté des documents faisant état d’une cérémonie en l’honneur de Carlos Ghosn organisée par l’Université hébraïque de Jérusalem à Paris en 2018. Ils ont encore réclamé au parquet qu’un témoin puisse témoigner sur une éventuelle implication du Mossad dans l’évasion du patron déchu de Renault-Nissan de Tokyo à Beyrouth.
Selon l’Agence nationale d’information, le procureur général de la République, Ghassan Oueidate, a décidé de classer ces documents sans suite.
Alors qu’il était encore président de Renault-Nissan, M. Ghosn, détenteur des nationalités française, libanaise et brésilienne, s’était rendu en Israël en 2008, dans le cadre d’un partenariat pour le lancement d’une voiture électrique. Or la loi interdit aux Libanais de se rendre en Israël. Après l’avoir interrogé jeudi dernier sur ce sujet, le procureur général de la République, Ghassan Oueidate, avait décidé de le relâcher sous caution d’élection de domicile. L’enquête à ce sujet se poursuit.
Lors de sa conférence de presse, M. Ghosn avait affirmé qu’il s’était rendu en Israël en tant que ressortissant français à la demande du conseil d’administration de Renault et s’en était « excusé » auprès des Libanais.
À l’issue de l’audition conduite jeudi par le procureur général de la République, Carlos Ghosn avait en outre été interdit de quitter le territoire libanais et son passeport français avait été confisqué, suite à une demande d’arrestation d’Interpol, le Japon réclamant l’extradition de l’homme d’affaires accusé de malversations financières.
Rappelons que M. Ghosn fait l’objet de quatre inculpations au Japon : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet) et deux autres pour abus de confiance aggravé. Interpellé en novembre 2018 à la descente de son jet au Japon, l’homme d’affaires, qui fut le chef d’entreprise le mieux payé au monde, avait été libéré sous caution en avril 2019, au terme de 130 jours d’incarcération. Assigné à résidence, il avait interdiction de quitter le Japon dans l’attente de son procès dont la date n’a pas été fixée. Mais fin décembre, l’ancien PDG de Renault-Nissan a fui le Japon pour le Liban via la Turquie au prix d’une exfiltration aux allures de film hollywoodien.
Lors de sa conférence de presse mercredi dernier, il avait déclaré avoir pris la fuite pour laver sa réputation face à une « campagne » orchestrée à son encontre au Japon et s’est dit prêt à être jugé là où il aurait la garantie de bénéficier d’un procès équitable.
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commentaires (4)
OU3A YIA CARLOS... OU3A ! HAL SAMOURAI MEKHETRIN KTIR. ILS SONT REVANCHARDS.
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 43, le 14 janvier 2020