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À La Une - Liban

"Je suis innocent, je peux le prouver", lance un Carlos Ghosn combatif, à Beyrouth

"Je ne me suis pas soustrait à la justice. J’ai décidé de fuir l’injustice", assure l'ancien PDG de Renault-Nissan, lors d'une conférence de presse à Beyrouth devant plus d'une centaine de journalistes du monde entier. Il ne donne toutefois pas de détails sur sa fuite du Japon.

L'ancien PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn montrant des documents qui, selon lui, prouvent son innocence, lors d'une conférence de presse le 8 janvier 2020 à Beyrouth. REUTERS/Mohamed Azakir

Près de dix jours après son arrivée au Liban, au terme d'une fuite rocambolesque du Japon, où il était assigné à résidence et accusé de malversations financières, c'est un Carlos Ghosn combatif qui a pris enfin la parole publiquement, pendant plus de deux heures, mercredi à Beyrouth.

C'est devant plus d'une centaine de journalistes venus du monde entier, et méticuleusement sélectionnés par son équipe de communication, que l'ancien PDG de Renault-Nissan s'est exprimé "librement", comme il l'avait souligné dans un communiqué publié à son arrivée à Beyrouth. D'emblée, il a affirmé ne pas être là pour parler de la façon dont il a quitté le Japon, et ce afin de ne pas mettre en danger ceux qui l'ont aidé. "Je suis ici pour dire pourquoi, je suis ici pour faire la lumière sur un système qui viole les (droits de l'homme) les plus fondamentaux, je suis ici pour laver mon honneur", a-t-il énuméré, avant de réaffirmer: "Je n'aurais jamais dû être arrêté, les accusations portées contre moi sont fausses." Au bout d'une présentation, en anglais, d'une heure, M. Ghosn a lancé, avant de répondre aux questions des journalistes : "Je suis innocent, je peux le prouver".


(Lire aussi : "Je suis prêt à aider le Liban si on me le demande", affirme Ghosn lors de sa conférence de presse)



"Je suis là pour laver mon nom"

"Je suis fier d’être Libanais aujourd’hui, car s’il y a un pays qui s’est tenu à mes côtés, c’est le Liban. Aujourd'hui est un jour important pour moi, je l'ai attendu depuis 400 jours", a affirmé l'ancien PDG de Renault-Nissan, devant plus d'une centaine de journalistes venus du monde entier et rassemblés au siège de l'Ordre des journalistes à Beyrouth.

"Je ne suis pas là pour me présenter en tant que victime, je suis ici pour laver mon nom et vous expliquer ce qui a été perçu comme une hérésie. Je n'aurais jamais dû être arrêté, les accusations portées contre moi sont fausses", a-t-il ajouté, dans le cadre d'une déclaration faite en anglais.

"Présumé coupable", M. Ghosn a dit n'avoir "pas eu d'autre choix" que de fuir le Japon. "(Lors de ma première audition devant un juge, il y a un an), j’étais menotté, j'avais une chaîne en métal autour de la taille (…). J’avais passé Noël et le Nouvel An tout seul dans une cellule (…). Mes seuls contacts avec ma famille étaient des lettres (…). On m’a dit qu’il fallait avouer. Voilà ce que le procureur m’a dit à plusieurs reprises. Il y a des enregistrements. Vous pouvez le vérifier. On m’a dit que si je n’avouais pas, on allait me poursuivre et poursuivre ma famille. (…) Il n’y avait aucune issue à cela. J'ai ressenti un profond désespoir pendant plus de 130 jours de détention", a-t-il poursuivi, en s'affichant particulièrement combatif.

"Je ne suis pas au-dessus des lois, je souhaite que la vérité puisse jaillir et que je puisse blanchir mon nom. Je ne me suis pas soustrait à la justice. J’ai décidé de fuir l’injustice. C’était la décision la plus difficile de ma vie", a également déclaré M. Ghosn, précisant que ses avocats lui avaient dit qu'il risquait "d'attendre cinq ans avant un verdict au Japon".


Une "collusion" entre Nissan et le procureur japonais

M. Ghosn s'est ensuite attardé sur la justice japonaise, dénonçant, au sujet de son arrestation, une "collusion" entre Nissan et le procureur japonais et ajoutant avoir "subi une campagne orchestrée par une poignée de personnes". "Ce sont des responsables de Nissan, du ministère public japonais qui sont à l'origine de mon calvaire", a-t-il martelé. "Toyoda, un des membres du conseil d'administration de Nissan, avait des liens avec les autorités", a-t-il ajouté. En réponse à une question, M. Ghosn a déclaré considérer que le Premier ministre japonais Shinzo Abe n'était "pas impliqué" dans son arrestation, qu'il a qualifiée de "coup monté".

"Certains de nos amis japonais ont pensé que la seule manière de se débarrasser de Renault était de se débarrasser de moi", a-t-il également déclaré. "Mon calvaire s'explique aussi par l'amertume au Japon face à l'interférence de l’État français dans l’Alliance", a-t-il ajouté. "Cette affaire coïncide avec le début du déclin des performances de Nissan début 2017", a-t-il en outre relevé lors de sa conférence de presse.

M. Ghosn, ses proches et sa défense clament depuis le début son innocence et soutiennent qu'il a été victime d'un "complot" ourdi par Nissan, avec la complicité des autorités japonaises, car il s'apprêtait à organiser une fusion entre Renault et Nissan.

"Je peux vous dire ce qui s’est passé au sein du gouvernement japonnais, j'ai des noms. Mais je suis au Liban, je respecte le Liban et l’hospitalité qui m’a été accordée. Je ne souhaite en aucun cas faire des déclarations qui puissent saper les intérêts des autorités libanaises", a-t-il encore lancé.


(Lire aussi : Ce que Ghosn a plaidé et vécu depuis son arrestation au Japon)



"Carole est une femme très courageuse"

Au sujet de son incarcération, M. Ghosn a déclaré avoir "passé 130 jours en prison à l'isolement total, dans une petite cellule dépourvue de fenêtre, la lumière constamment allumée. Et le week-end, il ne m'était pas possible de sortir". "Vous être nourri, certes, mais j’ai passé six jours sans contact humain durant le Nouvel An. J’ai passé deux semaines sans pouvoir me doucher. J’ai été interrogé de jour et de nuit (…), sans présence d’un avocat. Il était impossible de parler avec qui que ce soit, parce que personne ne parlait anglais. L’interprète était disponible une fois par semaine. Le procureur m’a dit : « Inutile de jouer avec nous, vous êtes coupable ». Ils n’étaient pas intéressés par la vérité", a-t-il ajouté.   "(...) Pendant neuf mois, j'ai été séparé de ma femme. Carole est une femme très courageuse", a encore déclaré M. Ghosn. A de multiples reprises, lors de son intervention, M. Ghosn a dénoncé la séparation imposée par la justice nippone, d'avec sa femme qui se trouvait dans la salle.

"En m’interdisant d’avoir une vie privée normale, ils voulaient me détruire. (…) Je n’étais plus un humain, j’étais un animal, un objet, à leurs yeux", a-t-il encore dit, ajoutant :  "Je suis parvenu à la conviction que j’allais mourir au Japon".


"Une histoire de rémunération qui n'a pas été fixée"

L'ancien PDG de Renault-Nissan de 65 ans, qui distille savamment ses déclarations depuis son arrivée le 30 décembre au Liban, son pays d'origine, fait l'objet de quatre inculpations au Japon : deux pour abus de confiance aggravé et deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (aussi poursuivi sur ce volet), notamment des montants qu'il devait toucher après sa retraite estimés par la justice à 9,23 milliards de yens (74 millions d'euros) de 2010 à 2018. Les autorités japonaises ont dénoncé une évasion "injustifiable", tandis que le groupe automobile Nissan l'a qualifiée d'"extrêmement regrettable".

Lors de sa conférence de presse, M. Ghosn est ensuite revenu sur plusieurs dossiers dans lesquels il est accusé de malversation, présentant des documents, via un rétro projecteur, à partir desquels il a réfuté les accusations portées contre lui. "J'ai été arrêté pour une histoire de rémunération qui n’a pas été fixée, pas été décidée et qui n’a pas été payée", a-t-il notamment déclaré.


La maison de Beyrouth

Carlos Ghosn a en outre affirmé détenir une autorisation écrite de la part de Nissan l'autorisant à séjourner dans la résidence cossue dont l'entreprise est propriétaire dans le quartier d'Achrafieh, ainsi que dans celle située à Rio de Janeiro. Il a précisé qu'il pouvait acheter ces résidences au prix de leur valeur initiale après la fin de ce contrat écrit. Si lui et sa femme, Carole, l’employaient comme pied à terre lorsqu’ils séjournaient dans la capitale libanaise, cette bâtisse des années 1930, achetée en 2016 pour 9,5 millions de dollars selon des documents de Nissan, appartient à Phoinos Investments, une structure établie en Hollande et contrôlée par une filiale de Nissan Europe, notait Le Commerce du Levant.


Le château de Versailles

Carlos Ghosn est aussi revenu sur l'affaire d'une soirée privée, organisée il y a quelques années au château de Versailles. Une enquête préliminaire a été ouverte en mars 2019, qui s'intéresse à deux soirées organisées au château de Versailles en échange d'une convention de mécénat entre le constructeur automobile Renault et l'établissement qui gère le château. Une information judiciaire pour "abus de biens sociaux" et "corruption" a aussi été ouverte en France par le parquet national financier concernant des contrats de conseil conclus par la filiale néerlandaise de l'alliance Renault-Nissan, RNBV.

"Il y a des gens qui pensent que je suis en prison à cause de l’affaire de Versailles. Pourquoi Versailles ? C’est le symbole du génie de la France (…). Ce n’est pas pour faire comme Louis XIV. (...) On voulait salir mon image. Nous étions des mécènes de Versailles (…). Nous avions soutenu la restauration du Salon de la Paix. Nous avons payé plus d’un million d’euros. Mais ce n’était pas un abus de biens sociaux. (...) On m’a dit que l'on pouvait mettre une salle à notre disposition. Je me suis dit « Pourquoi pas », à l’occasion du 51e anniversaire de Carole. (…) Sur les documents, il est écrit « offert par Versailles »", s'est défendu l'ancien PDG de Renault-Nissan.

"Je suis prêt à répondre aux questions éventuelles de la justice française si elle me, convoque. Je n’ai rien à me reprocher", a également déclaré M. Ghosn lors des séances de questions-réponses, qui a ajouté "ne rien demander à Emmanuel Macron, ni au gouvernement français". "Je suis innocent, je peux le prouver, d'autres documents viendront", a-t-il martelé à la fin de sa présentation, ajoutant : "Si je ne peux obtenir justice au Japon, je l'obtiendra ailleurs".


(Lire aussi : Les invités du soirl'éditorial de Issa GORAIEB)



Ampleur internationale

L'affaire Carlos Ghosn a pris une ampleur internationale et des enquêtes sont en cours au Japon et en Turquie, où M. Ghosn -détenteur des nationalités française, libanaise et brésilienne- a fait escale.

Il fait l'objet depuis la semaines passée d'une demande d'arrestation d'Interpol. Beyrouth affirme, pour sa part, qu'il est entré "légalement" au Liban muni d'un passeport français.

"Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias", avait assuré M. Ghosn au lendemain de son arrivée au Liban. "C'est moi seul qui ai organisé mon départ", avait-il martelé.

Interpellé en novembre 2018 à la descente de son jet au Japon, l'homme d'affaires avait été libéré sous caution en avril 2019, au terme de 130 jours d'incarcération. Assigné à domicile, il avait interdiction de quitter le Japon dans l'attente d'un procès dont la date n'a pas été fixée, ainsi que de contacter son épouse Carole.

Des procureurs ont tenté mercredi de fouiller les bureaux d'un de ses avocats, Junichiro Hironaka, et de saisir des ordinateurs mais l'accès leur a été refusé, les avocats invoquant la "confidentialité entre un avocat et son client". Son équipe juridique en France a fustigé les accusations de Nissan, qui affirme avoir des preuves contre M. Ghosn, quelques heures avant la conférence de presse, qualifiant l'enquête du constructeur automobile japonais de "grosse déformation de la vérité". Cette enquête "a été lancée et entreprise dans le but spécifique et prédéterminé d'écarter Carlos Ghosn", ont ajouté ses avocats dans un communiqué.


"Une surprise pour toi"

Carole Ghosn, visée depuis mardi par un mandat d'arrêt du parquet de Tokyo pour faux témoignage, a elle assuré qu'elle n'était "au courant de rien" concernant la fuite de son mari. "J'étais à Beyrouth avec mes enfants pour fêter Noël, quelqu'un m'a appelée pour me dire: j'ai une surprise pour toi", a-t-elle affirmé mardi au quotidien Le Parisien. "Partir était le seul choix possible alors qu'il voyait son procès reporté indéfiniment et qu'il était maintenu dans des conditions de privation de liberté visant à le déshumaniser", a-t-elle ajouté.

M. Ghosn est soupçonné de s'être enfui en prenant un jet privé à l'aéroport international du Kansai, près d'Osaka (ouest japonais), avec deux complices présumés, de nationalité américaine, selon la télévision japonaise. Il aurait échappé aux contrôles en se cachant dans un caisson de matériel pour des concerts, selon des médias japonais.

Le Liban, qui n'a pas d'accord d'extradition avec le Japon, a reçu une demande d'arrestation d'Interpol. On apprenait, durant la conférence de presse de M. Ghosn, que celui-ci a été convoqué par la justice libanaise et devra se présenter jeudi devant le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, au palais de Justice de Beyrouth.


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commentaires (6)

Je ne comprends pas comment les gens peut determiner que Monsieur Ghosn est parfaitement innocent et que c'est la justice Japonaise qui est corrompue.

Algebrix

23 h 41, le 08 janvier 2020

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Commentaires (6)

  • Je ne comprends pas comment les gens peut determiner que Monsieur Ghosn est parfaitement innocent et que c'est la justice Japonaise qui est corrompue.

    Algebrix

    23 h 41, le 08 janvier 2020

  • J'ai trouvé les représentants de la presse française nuls. Ce n'était pas du journalisme, c'était un lynchage, mesquin, irrespectueux, digne d'un pays communiste. Pauvre France, tellement gilet-jaunisée que le succès y est devenu un délit.

    El moughtareb

    23 h 16, le 08 janvier 2020

  • UN MONSTRE SACRÉ, BIENVENU AU LIBAN CHEZ TOI. LES JAPONAIS QUI ONT ORGANISÉ CE COMPLOT COMMENCENT À LE REGRETTER APRÈS CET INTERVIEW D'AUJOURD'HUI. ON EST FIER DE TOI CARLOS.

    Gebran Eid

    20 h 30, le 08 janvier 2020

  • Ministre de l'économie dans le prochain gouvernement Diab !

    Chucri Abboud

    20 h 14, le 08 janvier 2020

  • LES JAPS S,ACHARNENT A DEMENTIR CAR C,EST VRAI CE QUE GHOSN DIT DE LEUR SYSTEME JUDICIAIRE. HONTE AU JAPON !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 07, le 08 janvier 2020

  • Un vrai résistant, solide et combatif. La vrai justice reignera et fera démasquer les ingrats et les comploteurs.

    Esber

    18 h 49, le 08 janvier 2020

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