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Société - Justice

L’épouse de Carlos Ghosn, à son tour, dans le collimateur de la justice japonaise

Aujourd’hui à 15h, l’ancien magnat de l’automobile s’exprimera devant les journalistes à l’ordre de la presse.

Carlos et Carole Ghosn lors du 70e festival de Cannes, en mai 2017. Jean-Paul Pelissier/File Photo/Reuters

Nouveau rebondissement dans l’affaire Carlos Ghosn ce mardi, à la veille de la conférence de presse tant attendue que donnera le patron déchu de Renault Nissan, cet après-midi à 15h, à l’ordre de la presse. L’épouse du magnat de l’automobile, Carole Ghosn, est désormais visée par un mandat d’arrêt japonais pour faux témoignage dans l’enquête visant son mari, lequel fait déjà l’objet d’une demande d’arrestation par Interpol, après sa fuite au Liban. C’est ce qu’a annoncé hier le parquet de Tokyo dans un communiqué. Il précise que Carole Ghosn, qui se trouve actuellement au Liban, est soupçonnée de fausses déclarations devant un tribunal de Tokyo en avril 2019, quand elle avait été interrogée sur ses éventuelles rencontres avec une personne en lien avec les accusations visant M. Ghosn.

Ce dernier avait été arrêté en novembre 2018 à Tokyo pour malversations financières présumées, puis inculpé. Après un cumul de 130 jours en détention, l’ancien magnat de l’automobile avait été libéré sous caution fin avril 2019, avec l’interdiction formelle de quitter le Japon dans l’attente de son procès. Mais, fin décembre, dans un scénario hollywoodien autour duquel demeurent plusieurs zones d’ombre, il a réussi à fuir le Japon pour rejoindre le Liban, son pays d’origine. Il fait, depuis, l’objet d’une demande d’arrestation par Interpol.


(Lire aussi : L'enquête de Nissan "visait à abattre Carlos Ghosn", assurent les avocats de ce dernier)



Le cerveau de l’opération d’exfiltration

Carole Ghosn, qui n’est pas revenue dans l’archipel depuis la libération de son mari, n’avait cessé de clamer l’innocence de ce dernier, tout en protestant haut et fort contre les strictes conditions de sa liberté sous caution. Les juges japonais interdisaient notamment à Carlos Ghosn de voir ou d’entrer en contact avec sa femme.

Le parquet la soupçonnait d’être entrée en contact avec des protagonistes de l’affaire. Son smartphone et l’un de ses deux passeports avaient notamment été saisis par les enquêteurs en avril dernier. Les juges avaient fait deux exceptions récemment, fin novembre et à Noël, en autorisant le couple à se parler par vidéoconférence en présence des avocats de M. Ghosn.

Après la fuite de ce dernier du Japon dans la nuit du 29 au 30 décembre, plusieurs médias ont présenté son épouse comme le cerveau de l’opération d’exfiltration. Carlos Ghosn a cependant assuré la semaine dernière qu’il avait organisé sa fuite « seul ».

En se réfugiant au Liban, qui n’a pas d’accord d’extradition avec le Japon, Carlos Ghosn a commis un acte « extrêmement regrettable » et a bafoué le système judiciaire japonais a, par ailleurs, estimé hier Nissan dans un communiqué. « Nissan a découvert de nombreux actes d’inconduite imputables à Ghosn au terme d’une enquête interne approfondie », rappelle le groupe automobile, qui l’avait dénoncé aux autorités et congédié peu après son arrestation fin 2018. Le constructeur japonais, qui a changé de direction depuis début décembre pour solder l’ère Ghosn, continuera à coopérer avec la justice et à poursuivre son ancien patron pour qu’il assume la responsabilité du « préjudice » qu’il lui a causé, selon le communiqué.

Le tribunal de Tokyo a par ailleurs confirmé mardi avoir annulé la libération sous caution de M. Ghosn, signifiant que sa caution de 1,5 milliard de yens (plus de 12 millions d’euros) ne lui sera pas restituée et qu’il serait arrêté s’il revenait.


(Lire aussi : Fuite de Carlos Ghosn : ce que l'on pense savoir)



Tokyo réclame le soutien de Beyrouth

C’est dans ce cadre que le Japon, qui défend ferme son système judiciaire, a demandé hier le soutien du Liban dans le dossier. Reçu à Baabda par le chef de l’État Michel Aoun, en présence du ministre sortant chargé des Affaires de la présidence, Salim Jreissati, et du directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, l’ambassadeur japonais, Takeshi Okubo, a souligné « la grande inquiétude du Japon, de son gouvernement et de son peuple face à l’affaire Carlos Ghosn, notamment en ce qui concerne sa sortie du Japon et son entrée au Liban ». Il a précisé avoir demandé au chef de l’État « une meilleure coopération » à ce sujet, afin d’éviter les « répercussions négatives » de cette affaire sur les relations entre Tokyo et Beyrouth.

Plus tôt dans la journée, un haut responsable du ministère japonais de la Justice avait déclaré que le Japon examinait les dispositions de la législation libanaise sur l’immigration pour tenter d’y déceler un moyen d’obtenir un retour du fugitif, tout en reconnaissant que les chances d’extradition de Carlos Ghosn étaient extrêmement minces, le Liban n’extradant pas ses propres ressortissants. Il a de plus rappelé que l’arrestation et l’inculpation de M. Ghosn reposaient sur des bases judiciaires solides et respectueuses des droits de la défense. « L’expression de justice de l’otage, souvent employée vis-à-vis du système japonais, n’a pas lieu d’être, car il n’est pas exact que les interrogatoires visent à obtenir des aveux », a affirmé ce responsable dont le nom ne peut être cité. « Les arrestations se font sur la base de soupçons avérés, immédiatement notifiés à l’intéressé, avec un mandat d’arrêt délivré par un juge, et les inculpations reposent sur des pièces à conviction », a-t-il développé, ajoutant que les droits de la défense sont garantis.

Lors de sa conférence de presse, la première depuis son arrestation au Japon, Carlos Ghosn pourrait lever un coin de voile sur les circonstances de son évasion vers le Liban et sur le « complot » à l’origine, selon lui, de sa disgrâce soudaine. Le patron déchu n’a eu de cesse de clamer son innocence et se présente comme la victime d’une machination ourdie, d’après lui, par des dirigeants de Nissan décidés à faire échec à son projet de renforcement de l’alliance des deux constructeurs.


(Lire aussi : Le Japon défend son système judiciaire avant la conférence de Ghosn)



Une entrée légale au Liban

La réponse des autorités libanaises à Tokyo demeure inchangée. Le ministre sortant de la Justice, Albert Serhane, a réitéré hier dans une déclaration la position libanaise. Carlos Ghosn est entré « légalement » au Liban, pays dont il détient la nationalité. Son séjour y est dès lors également légal. M. Ghosn est un « citoyen libanais et il sera donc traité comme tel par la justice », a ajouté M. Serhane. « Le bureau du procureur général a bien reçu la “notice rouge” de la part du bureau d’Interpol au Japon et il effectuera les procédures nécessaires à cet égard », a souligné par ailleurs le ministre sortant. Suivant la procédure en vigueur, le procureur général devrait convoquer l’ancien magnat de l’automobile pour entendre sa version des faits. Les notices rouges sont des avis de recherche internationaux lancés sur demande des pays membres d’Interpol. Outre le fait qu’il n’existe pas d’accord d’extradition entre le Liban et le Japon, « les autorités libanaises n’ont aucun motif judiciaire pour arrêter Carlos Ghosn », souligne une source proche de Baabda.

Concernant Carole Ghosn, Albert Serhane a indiqué que « l’État libanais, représenté par le ministère de la Justice, n’a pas reçu de dossier concernant son mandat d’arrêt ». Et sur la note d’informations déposée par trois avocats contre M. Ghosn pour « collaboration avec Israël », le ministre de la Justice a souligné que ce dossier était « en train d’être étudié ». Les avocats ont basé leurs poursuites contre M. Ghosn sur des photos remontant à 2008 d’une réunion entre l’ex-patron automobile et les anciens président et Premier ministre israéliens Shimon Peres et Ehud Olmert.


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