Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé vendredi que la contestation inédite contre le pouvoir, entrée aujourd'hui dans son neuvième jour, "n'est plus un mouvement populaire spontané". Le leader chiite a également réitéré que son parti était contre la chute du mandat du président de la République, Michel Aoun, contre la démission du gouvernement de Saad Hariri, et contre la tenue d'élections législatives anticipées. Le chef du Hezbollah a enfin appelé ses partisans à se retirer des rues, alors qu'un grand nombre d'entre eux s'étaient affrontés avec les manifestants pacifiques cet après-midi dans le centre-ville.
Fait notable, le leader chiite a prononcé son discours télévisé retransmis en direct, le deuxième en moins d'une semaine, avec à ses côtés un drapeau libanais, alors que d'habitude c'est un drapeau du Hezbollah qu'on voit lors de ses discours.
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"Festivités, nourriture et boissons"
"Ce qui a commencé comme un mouvement populaire, loin des partis politiques et des chancelleries, comme je l’ai dit samedi dernier, ne l’est plus aujourd’hui, dans une large partie. Ce n'est plus un mouvement populaire spontané. Il l'était au début, mais il ne l'est plus", a martelé Hassan Nasrallah. "Ce mouvement est aujourd'hui mené par des partis et des forces politiques ainsi que des personnalités et entreprises spécifiques. Il y a même une direction de coordination et de financement". "Toutes ces festivités, la nourriture et les boissons qu'on y trouve, la couverture médiatique... tout cela nécessite un financement", a encore affirmé le chef du parti financé par l'Iran, appelant les contestataires à être transparents à ce niveau et à révéler les sources de leur financement.
"Même les demandes ont changé : on parle aujourd’hui de la chute du régime. Que veut dire cela ? Y a-t-il déjà un « régime » au Liban ? Si ce mouvement réclame la fin du système confessionnel, nous sommes favorables à cela à travers un mécanisme précis", a fait savoir Hassan Nasrallah.
"Aujourd’hui, nous sommes en face de forces politiques qui surfent sur la vague (des mouvements populaires) pour atteindre certains objectifs", a-t-il également accusé, pointant du doigt notamment, sans les nommer, les Forces libanaises de Samir Geagea, dont les ministres ont démissionné après le début des mouvements populaires. "Que ceux qui dirigent le mouvement de contestation révèlent leur identité, qu’ils se présentent devant la justice, qu’ils lèvent le secret bancaire sur leurs comptes, s’ils veulent s’en prendre à la corruption", a également appelé le leader du Hezbollah.
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"Théorie du complot"
Hassan Nasrallah a ensuite affirmé "craindre" pour le Liban. "Au cours des jours précédents, je refusais la théorie du complot, car tout ce qui se passe dans le pays n’est pas forcément le fruit d’un complot. Mais récemment, les données en notre possession, et non les analyses, montrent que le Liban est entré dans une phase où il est ciblé au niveau international et régional et je crains pour le pays. Avec mon respect pour tout le monde, la situation n’est plus la même. Je dis aux gens : faites attention, ne croyez pas ce que disent les ambassades. Peu importe ce que les ambassades disent, ce qui importe c’est ce qu’elles font. Je veux, pour le moins, exprimer une crainte. Une crainte pour le pays, non pas pour la Résistance. La crainte qu’on veuille mener le pays à une guerre civile. Regardez ce qui se passe ailleurs, en Irak par exemple. Je ne menace personne. Si certains craignent mon index levé, ceci est leur affaire. Nous craignons qu’on veuille s’en prendre au pays, sachant qu’Israël considère le Liban comme une menace existentielle. S’ils mènent le pays au chaos et à la guerre civile, l’armée s’effondrera, le peuple s’entretuera, la Résistance sera ciblée. Je ne menace personne. Je formule des craintes, basées sur des données", a-t-il insisté, affirmant que "certains au Liban misaient, dans des cercles internes, sur une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran, pour aboutir à l’effondrement de la Résistance".
La tentative par Hassan Nasrallah de discréditer le mouvement pacifique intervient alors que des dizaines de milliers de Libanais, des centaines de milliers au pic de la contestation, sont dans les rues de tout le pays depuis le 17 octobre, afin de protester contre la classe politique et la corruption.
Le mouvement de révolte libanais, lancé après la proposition d'imposition d'une taxe sur les appels via messagerie instantanée, rapidement retirée, a également touché les régions chiites du pays. Dans des villes comme Nabatiyé et Tyr, fiefs du Hezbollah et du mouvement Amal, les manifestants sont descendus par milliers dans la rue pour protester contre le système en place malgré les attaques, souvent armées, de militants de ces partis.
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Le "vide" et le "chaos"
Sur le plan politique, Hassan Nasrallah a répété que le Hezbollah était contre la chute du mandat du président Aoun, son allié chrétien, contre la démission du gouvernement de Saad Hariri, et même contre l'organisation de législatives anticipées, comme le revendiquent des milliers de Libanais dans la rue. Il a justifié cela par le risque d'un "vide" au pouvoir qui "mènera au chaos", selon lui.
"Nous devons tous trouver des solutions. Toute solution doit éviter une vacance de pouvoir, car cela est dangereux. Le vide, auquel certains appellent, mènera au chaos et à l’effondrement", a-t-il prévenu. "Nous sommes contre la chute du mandat Aoun, contre la chute du gouvernement Hariri. Même la tenue de législatives anticipées, comme l'exigent les protestataires, n'est pas possible actuellement. Ce dossier est plus compliqué que cela".
"Si le pays continue ainsi, pourra-t-on payer les salaires ? Les forces de l’ordre continueront-elles d’être payées ? Si le pays va à la dérive, il se dirigera vers l’instabilité, et peut-être la guerre civile", a prévenu Hassan Nasrallah, après avoir affiché son soutien au chef de l'Etat et à la série de réformes économiques urgentes préparée par le Premier ministre et avalisée par le gouvernement."Nous sommes ouverts au dialogue, mais contre le vide. Le vide sera fatal", a mis en garde le chef du Hezbollah. Il a estimé que le président Aoun avait fait un pas en direction des contestataires en ouvrant la porte à des discussions, saluant une attitude positive du chef de l'Etat et une opportunité qui aurait dû être saisie. Il a dans ce cadre appelé la contestation à se réunir pour choisir un comité de direction qui pourrait négocier avec le chef de l'Etat.
Le discours du leader chiite, qui a été retransmis sur écran géant dans le centre-ville de la capitale où ses partisans s'étaient massés en force après des heurts avec les protestataires pacifiques, intervient alors que le président Michel Aoun, s'est exprimé jeudi pour la première fois depuis le début de la contestation. Dans un discours qui n'a pas convaincu les contestataires, il avait appelé à "reconsidérer la situation actuelle du gouvernement", soulignant toutefois que les changements ne pouvaient pas "être faits dans la rue". Il s'était toutefois dit ouvert à une rencontre avec des représentants du mouvement de contestation.
Hassan Nasrallah avait affirmé samedi qu’il n’était pas en faveur d’une démission du gouvernement, massivement revendiqué par les manifestants, estimant que, dans ce cas, "il n’y aura pas de nouveau cabinet avant un an ou deux".
Les "exploits de la contestation
S'adressant aux Libanais dans la rue contre le pouvoir, Hassan Nasrallah a salué les "exploits qu'ils ont réalisé", mais les a appelé à ne plus bloquer les routes du pays.
Affirmant que la contestation a réussi à "forcer le gouvernement à adopter un budget 2020 sans impôt et taxes, une première depuis des dizaines d'années", le chef du Hezbollah a également estimé que "sous la pression de la rue, le plan de réformes du Premier ministre Saad Hariri est également né, ce qui est également un pas en avant". Il a dans ce cadre critiqué ceux qui, dans les rangs de la contestation, ont "vidé leurs propres exploits de leur substance".
"Aujourd’hui, neuf jours après le début des blocages des routes, et à l’approche de la fin du mois, vous empêchez les gens d’aller à leur travail et les forcez à restez chez eux, vous les empêchez de se nourrir dans des circonstances difficiles. Sur certaines routes, il y a des barrages, des jeunes, certes non armés, mais prêts à frapper et insulter. Cela est retransmis sur les télés. Plus dangereux encore, des contrôles d’identité qui rappellent une sombre époque. Certaines routes ont été transformées en barrages de rackett. Je ne veux faire porter la responsabilité à personne. Mais faites un sondage populaire, et si la volonté populaire, à hauteur de 50%, veut la fermeture des routes, qu’il en soit ainsi. Mais aujourd’hui, les gens veulent la réouverture des routes. J’exhorte les manifestants à prendre l’initiative en rouvrant les routes. Personne ne demande l’arrêt des manifestations dans les places publiques, ou encore sur une partie des autoroutes, mais il faut faciliter la circulation", a-t-il lancé. "On ne demande pas à l’armée de déloger les manifestants, l’armée doit protéger les manifestants, voilà ce qui lui est demandé. (…) L’armée et les Forces de sécurité ne doivent ouvrir le feu contre personne. L’Etat doit assumer ses responsabilités, évidemment, mais ce n’est pas à moi de leur dire quelles sont leurs responsabilités".
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Sortir des rues
En début d'après-midi, avant que Hassan Nasrallah ne se prononce, des dizaines de ses partisans sont descendus sur la place Riad el-Solh, dans le centre-ville de Beyrouth où ils se sont bagarrés avec des manifestants pacifistes qui chantaient des slogans hostiles à la classe politique, le chef du parti chiite inclus. Ces affrontements ont fait plusieurs blessés, notamment dans les rangs de la police anti-émeute qui a été déployée dans la rue. La veille déjà, une bagarre avait déjà opposé les manifestants à des partisans du Hezbollah, faisant six blessés.
Hassan Nasrallah a profité de son discours pour appeler ses partisans à sortir des rues.
"J’appelle le public de la Résistance à quitter les places publiques. Peu importe qu’on nous insulte. Mais lorsqu’on a dit que la Résistance est terroriste, et qu’on s’en est pris à l’arsenal de la Résistance, certaines personnes ont voulu protester contre cela. J’appelle nos jeunes à sortir de la rue. Nous n’avons pas besoin qu’on défende la Résistance. Laissez la rue à ceux qui sont persuadés que la rue est la solution. Nous avons intérêt à rester loin des places publiques. Nous observons et nous scrutons ce qui se passe, et nous ouvrons toutes les portes du dialogue".
Toutefois, malgré l'appel du leader chiite, des centaines de ses partisans paradaient à moto dans les rues de la banlieue-sud de Beyrouth ainsi qu'à Tyr, au Liban-Sud, deux importants fiefs du Hezbollah.
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Déculottage accéléré, le billet de Gaby NASR
Contrairement aux partisans de HN qui obéissent aux sifflet de leur maître, les Libanais dans la rue depuis neuf jours sont maîtres de la décision. Seuls eux décident s’ils restent dans la rue pour non réponse à leurs revendications ou s’ils rentrent chez eux parce qu’on les a entendu. HN peut jouer avec ses Bulldogs à « je retiens, je lache » mais ça se retournera contre lui. Personne n’est Dupe on connaît sa stratégie depuis très longtemps. Agiter le chiffon de la guerre civile est dépassée il lui faut un autre slogan. Les libanais de tous bords et de toutes les confessions sont dans la rue et réclame d’une seule voix DEHORS. Alors Exécution !
00 h 36, le 26 octobre 2019